Critique La Menace Fantôme Episode 1 [1999]

Avis critique rédigé par Jonathan C. le jeudi 26 janvier 2012 à 13h25

Jar Jar Binks en 3D, est-ce vraiment une bonne idée ?

affiche Episode 1 en 3D

A l’heure ou un George Lucas en perte de légitimité annonce sa retraite, la plus célèbre saga de l’Histoire du Cinéma ressort une nouvelle fois dans les salles, mais cette fois en 3D, histoire d’adapter Star Wars aux dernières technologies (quelques mois après la sortie des films en Blu-Ray) et de renflouer le portefeuilles du père Lucas avant la retraite, qu’il puisse couler des jours paisibles dans son ranch au milieu de ses statues de Gungans pendant que son œuvre cinématographique continue d’être torturée par LucasFilms, mais sans lui. Mais trop belle est l’occasion de pouvoir de nouveau tirer à boulets rouges sur le grand Manitou et sur ses actes infanticides, et de pouvoir comparer cette opération commerciale à du cinéma fast-food, une célèbre chaine de restauration rapide que je ne nommerais point proposant pour cette ressortie en 3D le Vador Burger, le Jedi Burger ou encore le Dark Burger (véridique, cf. ci-dessous). Cela serait faire de la redite, tout comme de parler plus en profondeur d’un film sur lequel tout a été dit, en bien et surtout en mal. Oublions donc l’hypothèse malsaine de se faire cracher dessus en trois dimensions par Jar Jar Binks et attardons-nous plutôt sur la nouveauté de cette idée (que Lucas avait en tête depuis plusieurs années) pas si bête et même plutôt intéressante, pour ne pas dire aguicheuse, bien qu’il y ait plus de curiosité et d’excitation à attendre de voir L'Empire contre-attaque en 3D qu’à découvrir aujourd’hui La Menace Fantôme dans ces mêmes conditions, ce dernier étant sans doute le plus mauvais film de la saga. Et pourtant…

Burgers Star Wars

saga Star Wars 3D

Quelle étrange sensation, entre nostalgie et amertume, de redécouvrir aujourd’hui cet Episode 1 au cinéma alors que nous étions tous, il y a déjà 13 ans (que le temps passe vite !), dans les salles en train de subir de plein fouet ce que beaucoup (même Ewan McGregor !) considèrent encore comme l’une des plus grosses déceptions cinématographiques de tous les temps (pour d’autres c’est un autre quatrième opus ultra-attendu d’une saga légendaire, à savoir le tout aussi mal-aimé Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal, toujours de chez Lucas), ce qui ne nous aura pas empêché à l’époque d’aller revoir le film plusieurs fois, et ce pour différentes raisons (se convaincre soi-même de la débâcle, se concentrer sur les morceaux de bravoure…). 13 ans après, le temps de digérer cette monumentale déception, la ressortie en 3D de cet Episode légendaire malgré lui permet cependant de réévaluer le film. En effet, revoir La Menace Fantôme dans des conditions idéales, déjà très plaisantes en Blu-Ray, fait ressortir aussi bien ses défauts que ses qualités, creusant le fossé qui les sépare et rendant compte d’un film très inégal, déchiré entre l’âme d’enfant gonzo de Lucas incarnée en Jar Jar Binks (et précédemment dans les Ewoks) et la magnificence de cette fascinante mythologie dont le pouvoir d’attraction n’a aucun autre égal dans l’Histoire du Cinéma.

Jar Jar, jarte !

Ainsi noyé dans une masse de numérique, occupé par des personnages en CGI (Jar Jar, Watto, Boss Nass, Sebulba, Nute Gunray/Rune Haako et bien d’autres créatures fantaisistes), assumant ses décors criards, outrancièrement coloré et constamment parasité par les gags enfantins d’un Jar Jar Binks (officiellement et définitivement le sidekick le plus insupportable jamais subis dans un film) qui crie, gesticule, marche dans du caca, se fait péter dessus, accumule les gaffes et se casse tout le temps la gueule (baptisé par le fils de Lucas, Jar Jar devient le héros improbable d’une pure comédie slapstick ou d’une screwball comedy, s'affirmant également comme une sorte de parodie du comique de service black !), La Menace Fantôme prend parfois des airs de cartoon. Il y a plus de numérique que de vie ici, ce qui est encore plus flagrant avec une 3D qui accentue la différence entre vrais acteurs et personnages virtuels, alors que ces derniers  sont paradoxalement mieux intégrés dans les décors (Watto et Jar Jar n’ont plus l’air d’amas de pixels collés en aplat sur un fond). L’autre problème c’est que malgré les perpétuelles retouches qu’effectue sur sa toile éternellement inachevée le peintre éternellement insatisfait qu’est George Lucas (peut-être a-t-il encore modifié des détails à l’occasion de cette ressortie en 3D, difficile à dire),  le tout-numérique, encore très hésitant en 1999 (c’était l’un des premiers films presque intégralement tourné sur fond vert), n’a ici pas su passer les années. L’usage abusif du numérique, George s’amusant comme un vrai gamin avec ce nouveau jouet (ou plutôt un ancien jouet qui serait customisé), fait que La Menace Fantôme a moins bien vieilli en 13 ans que L'Empire contre-attaque en 32 ans. Mais une fois converti en 3D et re-projeté en salle, opération par ailleurs très complexe, longue et couteuse à effectuer puisqu’il s’agit là de convertir du 35 mm (alors que les deux films suivants furent tournés en HD), l’Episode I apparait paradoxalement comme tout neuf, amidonné, lavé à la machine de ses tâches techniques (amoindries mais toujours là) mais pas de ses nombreuses fautes de goût. Que ce soit en 3D ou en Blu-Ray, ce qui était moche auparavant l’est désormais un peu moins, ou du moins on le regarde d’un autre œil. Pour Lucas, l’ajout de la 3D ici est « comme de passer du noir et blanc à la couleur, c’est une meilleure façon de regarder ». De plus, toujours selon lui, l’apport de la 3D éclaire ses intentions et faciliterait même la compréhension de l’histoire, plus adaptée au relief.

la timeline George Lucas

Ces conditions soi-disant optimales de visionnage ne masquent pas le kitsch esthétique de certains passages mais le rendent plus agréable, rappelant par ailleurs que ce kitsch, allié à une réalisation vieillotte (cf. les transitions rétro comme dans la première trilogie) et plan-plan (Lucas a perdu depuis longtemps l'inspiration de la mise en scène, qu'il ne retrouve que par fulgurances), était pour George Lucas une note d’intention, puisqu’il se réfère, comme dans les autres opus, au cinéma qu'il a toujours aimé : les grandes fresques de l’âge d’or d’Hollywood (donc avec une pointe de mélo) mais aussi les séries B (aventures, Monster-movies, clins d’œil à Ray Harryhausen…) et les serials (l’esprit serial est très flagrant dans La Menace Fantôme). La musique de John Williams (qui évoque le travail d'Alex North, de Miklós Rózsa ou de Maurice Jarre), la variété des décors et les couleurs (que la 3D n’assombrit heureusement pas trop par rapport aux craintes, mais elles sont cependant très désaturées) vont aussi dans ce sens. Revus ainsi, certains passages surannés qui semblaient autrefois particulièrement laids acquièrent (ou retrouvent) dans cette version 3D un charme désuet, par exemple la plupart des scènes sur Naboo (la ville sous-marine des Gungans, la jungle, la bataille finale, l’architecture gréco-romaine de Theed…) que devrait cependant probablement rendre obsolètes un Avatar 2. Avec l’Episode I, Lucas a bel et bien voulu faire un film d’aventure-SF old school au souffle romanesque, mais avec les outils technologiques les plus performants, l’excès d’un numérique tâtonnant, quoique très impressionnant à l'époque ou le film n'était considéré que comme une prouesse technique, ayant tendance à quelque peu effacer ces nobles intentions. D’où l’impression finale d’un film agréablement archaïque et très référentiel. La course de Podracers évoque ainsi clairement le Ben-Hur de William Wyler, de la même façon que le final dans l'arène de L'Attaque des Clones évoque le péplum. Fan de Kurosawa, La Forteresse cachée étant l'une des influences de La guerre des étoiles, George Lucas adresse même un petit hommage à Kagemusha (qu’il avait lui-même distribué sur le territoire américain en 1980) via cette sous-intrigue grossière des servantes doublures de la Reine Amidala (l’occasion de découvrir une Keira Knightley toute nouvelle, tantôt au premier plan, tantôt figurante, échangeant constamment de place avec Sofia Coppola, Candice Orwell et Natalie Portman). Le cinéaste s'amuse d'ailleurs à truffer son film de clins d'oeil (on peut apercevoir un Indiana Jones dans les gradins de la course ou des E.T. de Spielberg dans le Sénat).

duel of the fates

La nostalgie opère toujours, car revoir un générique de début de Star Wars au cinéma ne peut pas laisser insensible et offre des perspectives infinies. La magie fait son office sans que Lucas n’ait plus grand-chose à y faire, le bonhomme ayant plutôt tendance à la ternir par ses interventions trop régulières. Car dans ces ruines de l’Episode I, entre les pitreries mongoliennes de Jar Jar et les élans de mauvais goût, par-dessus la paresse de la réalisation et la mollesse du rythme (une intrigue d’espionnage-politique peu intéressante pendant que Qui-Gon Jinn se ballade et ramasse des sidekicks sur son chemin, beaucoup de blablas soporifiques…), derrière les dialogues ineptes (Anakin aime bien clamer "Youpiii !") et une structure narrative fragile (on pourrait inverser des scènes dans le montage que ça ne changerait pas grand-chose), il y a tout de même de beaux restes, que ce soit le décor vertigineux du Sénat, la musique flamboyante de John Williams, un savoureux sens du détail (la 3D vient renforcer cette sensation de fouiller dans les décors), la classe absolue de Dark Maul en bad guy inoubliable malgré ses rares apparitions (il s’est pourtant imposé comme l’emblème du film), le respect que Liam Neeson impose en maitre Jedi, ainsi que deux séquences d’action qui sont entrées parmi les morceaux de bravoure de la saga (ce qui n’est pas peu dire), à savoir la course de Podracers et le combat final contre Dark Maul. Ces deux passages justifient (et excusent) à eux-seuls la ressortie du film en 3D, d'autant plus qu'ils n'ont pas pris une ride. Car voir la course de Podracers en 3D est un plaisir purement attractif et coupable, confirmant en même temps la virtuosité de la scène devant laquelle, 13 ans après sa réalisation, on reste de nouveau bouche-bée. Que dire alors de l’anthologique « duel of the fates » du climax (la mise en scène s’élève enfin, le combat peut se hisser au niveau de ceux de L'Empire contre-attaque et du Retour du Jedi, et Williams y donne l’un des thèmes les plus intenses de la saga), à peine gâché par un montage en alternance typique de la saga (les finales du Retour du Jedi et de L'Empire contre-attaque ont exactement la même structure narrative) mais bien plus encombré ; le combat contre Dark Maul/Amidala et sa garde dans le palais/l’attaque du vaisseau de contrôle Droïd avec Anakin dans son vaisseau/la bataille sur Naboo : trop d’actions en même temps ! Le montage de ce climax bordélique aurait même bénéficié des conseils de Steven Spielberg, Francis Ford Coppola, Brian De Palma et Ron Howard. George Lucas n’en rate pas moins une bonne partie de sa genèse mythologique (cf.les interventions ratées d’Anakin, de R2-D2 et de C3-PO dans cet univers qu'ils vont occuper) et accumule les choix déplorables (faire mourir à la fin les deux meilleurs personnages de sa nouvelle trilogie, à savoir Qui-Gon Jinn et Dark Maul, alors qu'il garde bien au chaud son Jar Jar Binks), sans parler d'une symbolique grossière (Anakin = le petit Jésus ? les Jedi = les soldats de l'ONU ?).

course de Podracers en 3D

Conçu sur plusieurs longues années à partir du succès de Jurassic Park, dont les effets spéciaux révolutionnaires avaient convaincu George Lucas de s’atteler à de nouveaux Star Wars, La Menace Fantôme n‘était que le quatrième long métrage du cinéaste, qui n’avait pas touché à la mise en scène depuis son Nouvel Espoir, ce pourquoi elle semble ne pas avoir évoluée depuis 1977. Lucas a toujours préféré la table de montage aux plateaux de tournage, mais il est aussi un passionné de technologies et d’effets spéciaux. Il semble avoir profité de La Menace Fantôme pour se mettre à jour. L’importance de cet Episode 1 La Menace fantôme dans le domaine technologique est souvent ignorée. Novateur, casse-gueule voire même expérimental pour l’époque en termes d’effets spéciaux (ce qui justifiait un budget-monstre de 115 millions dollars), dont cet Episode montrait, déjà, aussi bien les avantages que les limites, le film s’imposant d’une certaine façon comme le blockbuster-Pygmalion précurseur et fer de lance de l’ère numérique des années 2000 (après La Menace Fantôme, les personnages entièrement virtuels deviendront monnaie courante à Hollywood), et d’ailleurs l’un des tout premiers blockbusters projeté en numérique, et aussi l’un des premiers « film-fond vert ». L’apport tardif de la 3D, alors que l’ère de la 3D vient de commencer, est en quelque sorte un complément (chrono)logique et permet de dresser un constat des avancées technologiques dans les effets spéciaux depuis 1999. Ainsi, même 13 ans après sa sortie, La Menace Fantôme continue de servir de bande-démo matricielle, sorte de film-cobaye avec les imperfections, les tâtonnements et les erreurs qui vont avec. Et le film-cobaye a fini par devenir un film-mutant. Mais on peut se demander comment la conversion 3D de cet Episode 1 peut-elle être aussi bancale (beaucoup trop de défauts : couches maladroitement séparées, couleurs désaturées, image floue...) quand on voit l'impressionnant résultat de celle de Titanic, George Lucas ne manquant pourtant ni de temps ni d'argent ni de grands techniciens à sa disposition.

Avant de se laisser convaincre par James Cameron et Robert Zemeckis, George Lucas aura pourtant longtemps douté de la 3D (« Je pensais réellement que c’était un gadget »), alors que sa La Revanche des Sith s’y serait merveilleusement prêté (imaginez l’introduction en 3D, immergé au cœur d’une bataille de space-opéra). Mais cette conversion de longue haleine des Star Wars en relief est une des étapes incluses dans sa volonté d’instaurer et de démocratiser un cinéma entièrement numérique (« Les technologies numériques vont démocratiser le business, ce qui veut dire que tout le monde pourra le faire », lance l’idéaliste qui pourrait tout aussi bien être Robert Rodriguez), la première de ces étapes étant la réalisation de La Menace Fantôme, avec les innovations numériques que le film aura apporté. Reste à savoir si, à l’heure ou son ambitieuse production Red Trails subit un cuisant échec aux Etats-Unis, les spectateurs seront au rendez-vous dans les salles pour les Star Wars en 3D, sachant que tous ou presque ont déjà les films chez eux sur un support quelconque : voilà une bonne façon de tester commercialement le seul argument de la 3D (on en revient à l'idée de la bande-démo et du film-test). Si ça marche, la perspective de voir dans quelques années un L'Empire contre-attaque en 3D au cinéma est franchement réjouissante, malgré les craintes légitimes qu'on peut éprouver. Mais, honnêtement, la conversion 3D du film est beaucoup moins impressionnante que son transfert HD sur Blu-Ray, donc si vous disposez de ce dernier, il n’est pas indispensable de revoir La Menace Fantôme en 3D (même si, encore une fois, c’est quand mieux au cinéma).

Dark Maul en 3D

La conclusion de à propos du Film : La Menace Fantôme Episode 1 [1999]

Auteur Jonathan C.
55

Comme une nouvelle couche de peinture, la 3D et la HD arrivent au bon moment pour donner un coup de neuf à La Menace Fantôme, qui commençait déjà sérieusement à être dépassé techniquement. Le film reste ce qu’il est, un immense fossé (encore plus flagrant ici) séparant les fautes de goût et les morceaux de bravoure, ce qu’on pourrait résumer en plaçant côte-à-côte Jar Jar Binks et Dark Maul, le pire et le meilleur de cet Episode 1 qui mérite toujours le coup d’œil pour ses deux morceaux de bravoure (la course de Podracers et le combat final contre Dark Maul), qu’on prend plaisir à redécouvrir en 3D. Malgré le travail considérable qu’elle représente, la conversion en 3D n’a pourtant rien d’exceptionnelle et se révèle même imparfaite (quelques effets de profondeur grossiers, une désaturation des couleurs, une image partiellement floutée), mais elle permet surtout de revoir le film au cinéma et de faire la part des choses (une sorte de bilan), maintenant que la déception a été digérée. Les grandes scènes en ressortent encore grandies, et les pires scènes se révèlent non pas meilleures, mais simplement plus regardables. Passant constamment d’épique à débile, La Menace Fantôme reste cet objet hybride duquel toute une mythologie est censée prendre racine.

On a aimé

  • De bonnes conditions de visionnage
  • La 3D sur la course de Podracers
  • La 3D sur le combat final contre Dark Maul
  • L'occasion de réécouter la musique de John Williams au cinéma

On a moins bien aimé

  • Une conversion 3D imparfaite
  • Jar Jar still the same
  • La 3D renforce l'inégalité du film
  • Ca manque toujours autant de vie

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