Critique Elégie pour un vampire #1 [2001]

Avis critique rédigé par Nicolas L. le samedi 4 mars 2006 à 06h47

Le chemin de la damnation passe par Scylla

De son coté, le vampire ressentit la douce chaleur qui se dégageait du corps de la jeune libertine, puis il distingua aisément l’odeur de son parfum enivrant, suave et délicieusement sensuel. Le tout demeurait rythmé par les battements de ce petit cœur fragile soumis à une terreur grandissante. Il jubila. Elle ferait une victime idéale. Jetée sur le trottoir dés son adolescence suite à une fugue, pas encore droguée, son sang serait vigoureux, presque dénué d’impuretés. Un délice à consommer sans modération.
Bienvenu dans le monde Dark Gothique de Sullivan Lord, un auteur français qui a probablement vu sa jeunesse bercée par les textes de Polidori et de Bram Stocker. Son roman s’appelle Elégie pour un vampire. Titre trompeur, car plus qu’un triste poème lyrique et mélancolique, cet ouvrage est rempli de meurtres, de sang, de sexe, de désespoir et d’amour, mais plus à la manière, de par sa trame résolument moderne, de Anne Rice que de Sheridan Le Fanu. Un véritable mixage de style et de genre. Je tiens à préciser cependant qu’il serait vraiment désobligeant et injuste de ne considérer ce premier tome, de ce qui sera prochainement un triptyque, que comme un mélange d’influence banalement reporté sur du papier. Car ce petit bijou d’horreur gothique a réellement sa propre personnalité, et un charme certains.
La première originalité de cet ouvrage vient de la mise en place du décor. L’action se déroule en effet dans une sorte d’Europe parallèle, où une véritable dégradation des rapports internationaux s’est produite à la chute du mur de Berlin. Suivie par une terrible crise économique et l’envol terroriste des factions radicales et des intégristes de tout poil. Profitant de l’occasion, la région des Ardennes a retrouvé son indépendance passée, sous l’initiative d’un illuminé qui a rebaptisé tous les lieux avec des noms gréco-héllinistiques. Cela amène une véritable sensation de dépaysement, plus mythologique et onirique que réellement ‘’historique’’ (dans le sens scientifique du terme) et, plongé dans ce milieu quasi post-apocalyptique, le lecteur ne s’étonne pas d’y croiser des vampires, des goules et autres créatures fantasmées.
Deuxièmement, et là on va aimer ou bien détester, c’est le style d’écriture employé. Sullivan Lord emploie tout au long de sa rédaction un ton ampoulé, voir précieux, avec de longues phrases descriptives qui se veulent poétiques. Ce n’est pas toujours parfaitement réussi, notamment lorsqu’il passe de longs moments dans un ‘’étalage’’ (le mot est dur, je sais) de sa culture gothique et littéraire à travers des dialogues trop artificiellement construits. Mais, rassurez-vous, en général, c’est très efficace, et cela nous permet de mieux nous plonger dans la psychologie désuète et aristocrate de Charles Ruthwen, le vampire victime d’une crise identitaire dangereuse pour lui et les êtres aimés.
Ce style lyrique est, de plus, parfaitement employé lorsque Lord Sullivan le consacre à nous mettre dans une ambiance particulière, pleine de brumes, de mélancolie et de dark poesy. On se croirait presque projeté dans les décors d’un vieux film de l’Universal, et les sensations sont vraiment là, à travers les lignes.
Prenez bien votre souffle et lisez ceci : Par delà les noires forêts et les étendues herbeuses des champs qui se réveillaient lentement sous une épaisse couche de neige, entre les maillons d’une Meuse tortueuse et luisante, à quelques encablures de la baie et des hautes tours de la Zone, à l’extrémité de la uieille ville mais au fait de la plus épaisse des forteresses de pierre, deux minces profils humains venaient de s’extraire de la crypte. Des corbeaux tourbillonnèrent gracieusement dans les hauteurs du lieu, à la recherche de nourriture, puis disparurent en laissant le territoire à ces singuliers séides.
Par contre, le ton change dans les trois derniers chapitres, devient plus direct, avec des phrases plus courtes. Cela illustre bien entendu le fait que Charles Ruthwen va de révélations en révélations et que les évènements se mettent à se succéder de manière inéluctable et emballée, mais en même temps, je trouve personnellement que c’est un peu précipité et casse le rythme du livre. De plus, on se rend compte finalement le peu de clairvoyance dans l’esprit des personnages qui entourent le duc Charles. On dirait vraiment qu’ils n’ont jamais entendu parler de vampires. Même une érudite comme Mélanie ne soupçonne rien, avant la révélation finale.
On dira que c’est un détail. Notamment grâce au fait qu’en dehors d’un manque d’instinct, ces personnages secondaires sont diablement bien construits et originaux. Ma préférence va aux prêtres exécuteurs, les jumeaux Delcruz, des hommes encore plus inhumains que Ruthwen, et au méchant de service, l’immonde inspecteur ripoux Pierre Lansquet, bien construit et délicieusement haïssable. Comme vous le remarquez, on devine bien vite que Sullivan Lord ne porte pas les autorités et l’ordre établi au fond de son cœur de dark métalleux.

La conclusion de à propos du Roman : Elégie pour un vampire #1 [2001]

Auteur Nicolas L.
82

Elégie pour un vampire est le premier tome d’un triptyque d’horreur gothique. Il nous présente de manière psychologiquement dépouillée les principaux acteurs de cette saga et met en place ce couple damné et passionnel qu’est Charles-Mélanie, détaillant avec vice les sacrifices que cette fusion nécessite. Le style d’écriture peut déranger, mais je dois admettre que j’ai diablement accroché à l’histoire, grâce aussi à des ‘’seconds couteaux’’ bien construits et habités, une ambiance gothique décalée pleine cuir, de volupté, d’érotisme, et de rebondissements mélodramatiques qui basculent abruptement dans l’horreur et parfois même le gore.

On a aimé

  • Un décor original et une atmosphère réussie
  • Des personnages fouillés et bien construits
  • Une réelle maîtrise de la prose lyrique
  • Le mythe du vampire revisité façon La Mascarade.

On a moins bien aimé

  • Un ton parfois un peu trop précieux et démonstratif
  • Une fin un peu précipitée et pas assez mélodramatique à mon goût.

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