Critique Maîtresse de l'Empire #3 [2004]

« Le soleil brillait en cette belle mâtiné d'automne.
Au bord du lac, l'herbe étincelait de rosée, tandis que la brise emportait doucement les cris des shatra en train de construire leurs nids. La dame Mara des Acoma savourait la fraîcheur de l'air, qui allait bientôt céder la place à la chaleur du jour. Assise dans son palanquin, son époux à côté d'elle et son fils de deux ans, Justin, somnolait sur ses genoux, elle ferma les yeux et poussa un long soupir de contentement. »

Troisième et dernier tome de La Trilogie de l'Empire avec un titre qui promet d'assister au triomphe grandiose de Mara des Acoma pour notre plus grand bonheur.

Pour rappel, cette trilogie est d'abord l’œuvre de l'Américain Raymond E. Feist ayant créé Les Chroniques de Krondor dont les aventures de Mara furent la seconde série consacrée à son univers après La Guerre de la Faille (1982-1986). Cette Trilogie de l'Empire fut écrite aux côtés de l'auteure et illustratrice américaine Janny Wurts surtout connue chez nous pour cette collaboration. Après deux premiers tomes parus en 1987 et 1990, il faut attendre 1992 pour qu'un pavé (925 pages en poche en version française) vienne conclure cette ascension incroyable d'une frêle jeune femme poussée dans le grand jeu politique de son empire malgré elle. Pour ce qui est de la France, il aura fallu être plus patient puisque ce dernier roman ne sortit qu'en 2004 grâce à Bragelonne puis J'ai Lu pour la version poche en 2007.

Peu de temps après les événements de Pair de l'Empire, on retrouve Mara des Acoma vivant une sorte de rêve éveillée. Elle est mariée et heureuse auprès de l'héritier Hokanu des Shinzawaï et de ses deux fills issus de précédentes union : Ayaki de son premier mari et Justin qu'elle a eu avec le barbare d'un autre monde Kevin. Elle savoure aussi sa victoire sur ses ennemis jurés, les Minwanabi, en ayant pris possession de leurs terres tout en recevant le titre très prestigieux de Pair de l'Empire faisant d'elle une sorte de membre adoptive de la famille impériale. Malheureusement, ce bonheur va rapidement éclaté quand elle devient la cible d'un assassinat qui la manque mais entraîne la mort d'Ayaki. Cet acte vient de la secte d'assassins du Tong Hamoï apparemment payée par Jiro, le Seigneur des Ansanati, son nouvel ennemi, même si la preuve semble trop grosse. Ivre de douleur, Mara ne peut contenir sa rage face à Jiro lors des funérailles d'Ayaki. Cela entraîne une déclaration de guerre entre les deux qui menace de diviser dangereusement l'Empire. C'est du moins ce que pensent les magiciens qui interdisent aux deux rivaux de se battre entraînant d'énormes frustration. Mara va donc devoir faire face aux machinations de Jiro, grâce à son maître-espion Arakasi, ainsi que lutter contre le Tong Hamoï. Mais elle va surtout tenter de commettre l'impensable : essayer de trouver un moyen de lutter contre l'assemblée des magiciens alors au-dessus des lois et intouchable...

Maîtresse de l'Empire est bien le final tant attendu de cette trilogie composée de trois épais romans. Soyons clairs, si vous avez aimé les deux premiers tomes alors le dernier correspondra parfaitement à vos attentes tant il garde les mêmes structures et la même ligne directrice : l'ascension fulgurante d'une femme plongée dans un monde d'hommes violent qui ne voudra qu'une chose : l'éliminer. Tout en réussissant à chaque fois à s'en sortir grâce à sa compréhension des traditions, son envie farouche de s'en dégager et les alliés éternels qu'elle réussit à se faire en chemin. On retrouve aussi les mêmes thématiques telles que le sens du devoir, la découverte de l'amour, l'attrait de la puissance politique ou encore l'ivresse des intrigues. Tout cela dans une sorte de manifeste politique et féministe qui n'explose pas à nos yeux mais qui est bien présent dans le sens où Mara incarne un progressisme salutaire au sein d'une société conservatrice et d'un système politique qui est de plus en plus figé par ses traditions mais aussi ses secrets incarnés par les magiciens qui semble régir l'Empire Tsuranuanni dans l'ombre. Le tout avec cette même inspiration avant-tout japonaise mais aussi coréenne (avec une petite touche pré-colombienne) qui fait tout le charme de cette fantasy pourtant bien américaine.

On prend ainsi plaisir à replonger dans le monde de Kelewan d'autant plus que Raymond E. Feist et Janny Wurts vont un peu plus ouvrir les lieux de l'action puisqu'on va explorer d'autres contrées autour de l'Empire de Mara histoire d'en apprendre un peu plus sur cet univers. Cela permet aux fans des Chroniques de Krondor d'être rassasiés tout en ayant droit à quelques clins d’œil plus ou moins appuyés aux romans précédents. Néanmoins, on pourra reprocher au récit son aspect routinier car il reprend trop le schéma des deux premiers tomes afin de poursuivre l'ascension de Mara qui est toujours à deux doigts d'être éliminée mais qui finalement vainc ses ennemis pour améliorer son statut tout en devant quand même connaître le prix d'un sacrifice... Cela est évidemment atténué par la force du personnage de Mara si charismatique et si humaine avec sa grandeur d'âme et ses réels défauts dont on suit encore une fois la destinée sur 12 ans cette fois. Evidemment le titre annonce la couleur pour un final grandiose qui ne nous déçoit pas car le roman n'est jamais aussi bon que quand il suit son héroïne. D'où un premier tiers peut-être moins convaincant car Mara semble beaucoup plus subir les évènements. A ses côtés, on aura quand même plaisir à côtoyer le tendre et implacable Hokanu, l'espion retors Arakasi qui va en apprendre bien plus sur lui-même, son rival Chumaka, le soldat débonnaire Lujan, la sublime courtisane Kamlio et bien d'autres... 

On vous le conseille si vous aimez Fille de l'Empire, Pair de l'Empire, Milamber, le mage...