Critique Le heaume maudit #1 [2011]

Avis critique rédigé par Nicolas L. le vendredi 27 mai 2011 à 17h11

Heaume Sweet Heaume

Un heaume cornu face à des mâchoires béantes. Une épaisse salive verte, gouttant de crocs longs comme des pieds de table. Une gorge pourpre d'où saillait une langue rouge et fourchue de cent trente kilos. Et à l'autre bout, un serpent aussi gros qu'un pin centenaire. La reine des serpents avait tiré ses rideaux d'argent. Le reptile dormait là, derrière les colonnes disposées en arc de cercle. Et on l'avait réveillé. A présent, sa tête passait par la cage d'escalier. Et elle en obstruait l'entrée. Complètement. Flanquée de Cobra, le serpent avait posé la mâchoire inférieure sur le sol. Comparée aux crocs de la créature, la sorcière faisait l'effet d'un fétu de paille...

Le Death Dealer est un personnage d'heroic fantasy créé au début des années 70 par le célèbre illustrateur Frank Frazetta. Monté sur son destrier couleur ébène, ce puissant guerrier tout de fer vêtu, au chef recouvert par un heaume cornu qui ne laisse passer qu'un terrifiant regard rougoyant, marqua tant les imaginations de son époque que son image fut souvent utilisée dés qu'il s'agissait d'illustrer un sujet violent et épique (par exemple, il figure sur les pochettes d'album de Molly Hatchet, un célèbre groupe de southern rock). Jusqu'à devenir assez rapidement le héros d'une série de romans et de comic books.

Ecrit par James Silke, Le heaume maudit est le premier tome d'une saga littéraire narrant les aventures du Death Dealer. Il nous présente la genèse du personnage. Le style adopté pour l'occasion se plie totalement aux codes très classiques du genre sword and sorcery. On y voit donc un personnage "howardien"  - comprenez aussi puissant que caricatural - affronter, en vrac: des monstruosités reptiliennes contrôlées par des sorcières polissonnes; de cruels guerriers appartenant à un peuple belliqueux; des cultistes fanatiques et libidineux; des prêtres cupides et particulièrement lâches. Ainsi, même si le texte date de la deuxième moitié des années 80 (1988, pour être plus précis), il est loin de présenter l'esprit "second degré" propres et cynique aux gros succès de la période (comme les ouvrages de Michael Moorcock et Karl Edward Wagner) ou l'héroïsme naïf des Chroniques de Dragonlance et consorts - les ouvrages inspirés des univers D&D étaient alors très en vogue.

Le Heaume maudit  apparait donc en grande partie comme un déroulement de clichés vintage. On pense à Fritz Leiber, Lin Carter ou Gardner F. Fox. Dans ce récit aussi brutal que machiste, on redécouvre des méchants envahisseurs barbares tomber comme des mouches sous les coups de hache du Death Dealer. Dans le registre de la "finesse", la gente féminine n’est pas en reste avec une classification des plus abruptes. Les femmes en age d'interesser les males du coin (les autres, on s'en fout) se répartissent dans deux catégories bien distinctes: des cruelles sorcières aussi perfides qu’impudiques (à détruire); des ingénues blondes à la beauté virginale (à sauver).  Quand au Death Dealer, il s'agit tout d'abord d'un guerrier solitaire et misanthrope vivant dans des bois sombres (on le nomme d'ailleurs L'obscur) ayant pour unique compagnie son loup Shaun. L'imagerie entretenue est violente, voire gore, et très sexuée (comme chez John Norman, la plupart du temps, les filles sont nues et ont les pires difficultés à serrer les cuisses). Le tout est dirigé par une plume assez "bas du front", James Silke préférant dérouler rapidement les situations (d'où des chapitres très courts) plutôt que se disperser dans l'emphase ou perdre son temps dans l'approfondissement psychologique des personnages.

Le récit n'en est pas pour autant inintéressant. En effet, force est d'admettre que, dans le registre épique et pulp, l'œuvre de James Silke ne montre aussi démonstrative qu'efficace, et que, par l'entretien de quelques personnages accrocheurs, l'intrigue arrive à développer quelques situations dignes d'intérêt. On peut citer, parmi les personnages les plus remarqués, le vieux forain Jean Le Brun, leader des Grillards, un peuple pouvant être comparés aux tsiganes - leur existence se partage entre menus larcins et représentations théâtrales. Ce vieil homme malicieux fait autant office de vieux sage que d'initiateur romanesque, et se distingue par des "pouvoirs magiques" peu spectaculaires mais efficaces. Parmi les "méchants", on retient surtout Cobra, la reine des serpents, au pouvoir métamorphe et maitresse des poisons, qui, pour servir son divin maître, doit résister à un magnétisme inattendu: la forte attirance physique qu'elle éprouve envers le Death Dealer. Du coup, elle va finir cruche, dans les deux sens du terme.

Par contre, pour ce qui est du héros, son profil monolithique bloque tout processus empathique. Impossible d'accrocher à ce personnage de brute épaisse, au comportement animal. Et ce n'est pas le fait que seule Mésange Toisondeau, en usant de son charme et de son innocence, arrive à contrôler plus ou moins ce bourrin asocial qui améliore les choses - à moins que vous ayez une attirance pour les ours mal léchés. Heureusement, en d'autres occasions, James Silke se montre un  peu plus inspiré, comme quand il s'agit de nous présenter les circonstances qui ont transformé Gath de Baal (alias L’Obscur), un guerrier puissant mais assurément pas surhumain, en Death Dealer, machine à tuer qui tient à autant du démon sanguinaire que du héros. On découvre ainsi que, tel un super héros de comic books, le Death Dealer tient son pouvoir d'un focus, son heaume infernal, avec lequel il entretient un lien douloureux. La relation - presque une dépendance - entre le Death Dealer et son casque démoniaque peut se présenter comme un sorte de mélange entre deux célèbres "liaisons" maudites:  Elric de Melnibonée et son épée Stormbringer; Siegfried et l'anneau des Nibelungen (et par affiliation, Frodon et l'anneau unique).

La conclusion de à propos du Roman : Le heaume maudit #1 [2011]

Auteur Nicolas L.
65

Si vous être amateur de sword and sorcery old school, vous devriez bien apprécier ce premier volet des aventures du Death Dealer. Venimeuses sorcières dénudées, lascives blondes virginales, monstrueuses créatures démoniaques, cultistes illuminés, barbares sanguinaires... plus un héros aussi puissant que peu subtil. Tel est le menu de ce Heaume Maudit, un roman qui n'est pas pour les poètes. Non.

On a aimé

  • Un récit épique assez divertissant
  • Un flux narratif rythmé
  • Pour les amateurs de sword and sorcery vintage
  • Quelques personnages intéressants

On a moins bien aimé

  • Trop de clichés
  • Un héros sans âme
  • Un style littéraire peu subtil
  • Une intrigue sans grande surprise

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