PIFFF 2012 : jour 3
Jet Li en 3D, un nettoyeur, des phobies et des mouches

Alors que le temps pourrait laisser penser le contraire, ce dimanche a plutôt été une très belle journée, du moins cinématographique, puisque le PIFFF ne nous a projeté que du bon, voire même au-delà. Une journée d'ailleurs partagée entre deux nouveaux arrivants prometteurs et deux chevronnés (bien que l'un ait désormais perdu quelque peu de sa superbe).

Ne croyez pas que derrière le titre The Cleaner (El Limpiador) - soit "le nettoyeur" en français - se cache une nouvelle production estampillée Besson dans la lignée d'un Transporteur ou une suite de L'Effaceur avec Arnold Schwarzenegger. Non, The Cleaner est un premier film d'Adrian Saba en provenance des productions péruviennes et il n'a rien d'un film de bourrin. Il est même tout le contraire, cela n'empêchant pas ce dernier d'être une totale réussite.

La capitale du Pérou est frappée par un virus aussi mortel que facilement attrapable. Suite à la contamination, il faut entre 4 heures et deux jours pour que le décès survienne. Le virus s'attaque à tout homme ayant entre 20 et 70 ans et minoritairement à quelques femmes après contact. Eusebio (Victor Prada) est un grand solitaire, son travail - guère plaisant - consiste à nettoyer les rues et appartements encombrés par les cadavres des victimes du virus. Son chemin va croiser celui d'un jeune garçon (Adrian Du Bois) dont la mère vient tout juste de décéder. Dès lors, et contre toute attente, cette rencontre va créer un bouleversement dans la routine d'Eusebio.

The Cleaner

Bien que The Cleaner pourrait être perçu comme un nouvel Alerte ou Contagion, le réalisateur Adrian Saba amène son film non pas dans des enjeux mondiaux ni même nationaux, ce qui aurait d'emblée amené un certain rythme plus nerveux, mais préfère se focaliser sur l'intérieur et particulièrement autour de deux individus. Il n'y a pas non plus de saupoudrage émotionnel, les personnages, comme la caméra, conservant toujours une certaine distance et individualité. L'engrenage fonctionne pourtant à merveille, de par la prestation des acteurs - remarquables - la mise en image apparaissant comme toujours au service de l'histoire et des petites notes d'humour (malgré la noirceur du propos) à travers quelques subtilités dues à la réaction de l'enfant face à ce drame. Le mot "Subtilité" conviendra d'ailleurs tout autant à la conclusion du film qui ne pouvait pas trouver meilleure façon de se terminer. Un film de genre post-apocalyptique au final terriblement humain, réaliste et surtout particulièrement touchant.

Jonathan C. ajoute : Dans la tendance actuelle des films de fin du monde (catastrophe naturelle, contagion, bombe atomique, etc.), The Cleaner se démarque par son traitement réaliste et minimaliste, micro-budget oblige : pas un seul malade à l'écran et la pandémie n'est que brièvement évoquée, par le biais de journalistes à la télé ou lorsque le patron lit un article sur la « Sueur Anglaise » (ou Suette, mystérieuse et fulgurante maladie qui a frappé l'Europe au XVIème siècle). The Cleaner se distingue aussi par un style froid composé quasiment que de plans fixes (sauf pour les dernières minutes, en plan-séquence), ce qui n'empêche cependant pas l'émotion d'éclore petit à petit (en même temps que la « ré-humanisation » progressive du personnage principal au contact d'un enfant), notamment grâce à un choix de point de vue très humain, à hauteur d'homme, discret et sans artifice. Comme le plus chargé mais bouleversant La Route, The Cleaner suit un homme et un enfant dans un monde dévasté, ou l'homme (père génétique ou de substitution) n'a d'autres choix que d'apprendre à l'enfant la notion de mort. Le style est clinique, mais certaines images sont très belles (notamment lorsque le nettoyeur brûle les corps au crépuscule) et la musique planante contribue à faire de The Cleaner une expérience aussi contemplative qu'émouvante, évoquant notamment Monsters (en beaucoup moins spectaculaire mais plus touchant).

Le film fut suivi d'un Q&A avec le réalisateur.

 

Le PIFFF propose aussi des retours dans le passé. C'est ainsi que nous avons eu la chance de voir Quatre mouches de velours gris sur grand écran. Bientôt édité en dvd chez Wild Side (il était temps !), Quatre mouches de velours gris fut pourtant jusqu'ici un film rare, et ce malgré son gros succès à l'époque. Troisième opus de sa « trilogie animalière » après L'Oiseau au plumage de cristal et Le Chat à 9 queues, Quatre mouches de velours gris est aussi le troisième long métrage de Dario Argento, qui exploitait ici les codes d'un genre dont il a posé les jalons, sur le modèle de son maitre Mario Bava. Une victime de chantage et de manipulation, un mystérieux tueur, une enquête, une dimension psychanalytique (le trauma du tueur)...Le giallo était déjà bien défini, et l'intrigue pourra sembler décousu pour qui découvre le film de nos jours (l'identité du tueur tombe sous le sens), malgré un dénouement assez fort (le cabotinage de Mimsy Farmer y est pour quelque chose) et une fin aussi violente que poétique et superbement mise en images (et en musique par l'immense Ennio Morricone). En revanche, la réalisation est toujours aussi brillante. Comme chez De Palma, Hitchcock ou dans Le Voyeur de Michael Powell, les giallos d'Argento sont des réflexions sur l'image ; dans Quatre mouches de velours gris, l'identité du tueur est d'ailleurs révélée grâce à un procédé quasiment cinématographique permettant d'imprimer à partir de la rétine la dernière image vue par la victime d'un meurtre, ce qui est par ailleurs totalement absurde (mais inspiré d'une croyance du XIXème siècle). Ces films d'Argento ne parle que de cinéma, de mise en scène (aussi bien cinématographique que théâtrale). Quatre mouches de velours gris est assez bavard et manque franchement de meurtres ou de scènes tendues, mais il y a toujours une poignée d'éclats de génie et de morceaux de bravoure stylistique à la Argento, comme les dernières minutes ou le meurtre brutal de l'amante (adorable et sexy Francine Racette, qui épousera plus tard Donald Sutherland). Il y a heureusement beaucoup d'humour ici (cf. la séquence mordante chez les vendeurs de cercueils), notamment grâce à deux seconds rôles savoureux : Jean-Pierre Marielle en détective privé 100% gay (passons d'ailleurs sur la caricature des homosexuels) qui avoue fièrement n'avoir jamais résolu une seule affaire, et Bud Spencer en fidèle ami surnommé « Dieu » (sa première apparition est très drôle). A noter que les mains du tueur sont en fait celles de Luigi Cozzi, réalisateur de Starcrash, ami de Dario Argento et coscénariste du film. S'il a vieilli, le film d'Argento reste une leçon de mise en scène, comme tous ses films des années 70.

Quatre mouches chez Wild Side

A 20 heure fut projeté Citadel, qui était déjà l'un de nos chouchous au NIFFF et à l'Etrange Festival. Il le reste pour le PIFFF et on se réjouit qu'une nouvelle fois le public ait la chance de découvrir ce film sur grand écran. Bientôt papa, Tommy est sur le point de déménager avec sa femme Joanne. Mais un soir, alors qu'il rentrait, il assiste à l'agression de celle-ci qui est laissée pour morte. La jeune femme étant dans le coma, les médecins parviennent à sauver l’enfant. Traumatisé et agoraphobe depuis cet incident, Tommy essaie tant bien que mal de survivre avec son enfant.

Deuxième représentant irlandais de la sélection après Stitches, Citadel traite, sur un mode fantastique, de la violence des adolescents (une thématique récurrente dans le cinéma britannique depuis quelques années) et restera comme l’un des rares films à aborder l’agoraphobie post-trauma, trauma d’ailleurs souvent lié à la délinquance (cf. A Vif et Harry Brown). Le réalisateur ayant autrefois lui-même supporté l’agoraphobie suite à une agression, il parvient à retranscrire avec une authenticité saisissante cette angoisse claustrophobique permanente (Neil Jordan avait plutôt réussi l'exercice dans son A Vif). S’il relate le combat classique d’un jeune homme (Aneurin Barnard, sosie de Elijah Wood) affrontant ses peurs, il le fait par le biais d’une audacieuse allégorie : les peurs sont ici incarnées par d’étranges enfants-zombies (leur look déglingué fait froid dans le dos), métaphore fantastique d’une délinquance juvénile assimilée ici à un virus ou un « cancer à éradiquer », maladie dont le cœur est la tour sombre d’un H.L.M (un décor sordide des plus inquiétants). Ces monstres n’existent peut-être que dans sa tête, on ne le saura jamais, mais Citadel est bel et bien un pur film d’épouvante (les apparitions des "enfants" sont terrifiantes et le climax dans l’immeuble est incroyablement glauque et tendu) en même temps qu’un récit initiatique éprouvant (le héros se bat, littéralement, contre ses peurs et phobies) et une progression anxiogène dans la folie. Tomandandyy compose une bande-son oppressante et le réalisateur multiplie les idées bien vues (le garçon aveugle protecteur nommé Danny, petit clin d’œil évident à Shining) pour souligner son propos. Entre horreur graphique psychanalytique et huis-clos psychologique paranoïaque, Citadel pourrait être la rencontre en Irlande entre Clive Barker et Roman Polanski (difficile de ne pas penser à Répulsion lorsque le personnage délire dans son appartement), le jeune cinéaste assumant pleinement ses références (David Cronenberg, L'Echelle de Jacob, Les Fils de l'homme...). Lun des meilleurs films du PIFFF.

Vous pouvez retrouver la critique intégrale de Citadel par ici.

Citadel

The Flying Swords of Dragon Gate 3D, le nouveau film de Tsui Hark avec Jet Li est cette année particulièrement populaire en terme de festival (et à raison). Dans ce film nous retrouvons des eunuques corrompus qui terrorisent la Chine des Ming. Un combattant rebelle se dresse bien entendu contre eux. La confrontation aura lieu à la Porte du Dragon, en pleine tempête de sable. Mais d’autres acteurs redoutables interviennent, convoitant un trésor caché…

Après le très enthousiasmant Detective Dee et le mystère de la flamme fantôme, Hark confirme qu'il est bel et bien de retour avec ce conte chinois à gros budget. L'action est présente et comme souvent chez le réalisateur très bien mise en image avec une véritable recherche du cadrage, mais surtout, le réalisateur s'est visiblement fait plaisir avec la 3D, proposant des chorégraphies de combat utilisant de manière assez sympathique cette nouvelle technologie et livrant ainsi l'une des meilleures démonstrations sur les possibilités du relief. Ainsi, on passe un très agréable moment devant cette fable, aux décors soignés, aux séquences parfois épiques, cela même si The Flying Swords of Dragon Gate 3D demeure moins réussi que ne pouvait l'être Detective Dee (mais Jonathan C. pense au contraire que Dragon Gate est en tout point bien plus abouti que Detective Dee), et ce dans la mesure où le film possède de nombreuses chutes de rythme qui viennent parfois alourdir le déroulé du film. Puis voir une nouvelle fois collaborer  Tsui Hark et Jet Li n'a pas de prix.

Dragon Gate

 

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Jonathan C. et Richard B.

 

Auteur : Richard B.
Publié le lundi 19 novembre 2012 à 09h36

Fiches de l'encyclopédie de l'imaginaire en rapport avec l'article

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