Critique Paul [2011]

Avis critique rédigé par Vincent L. le dimanche 6 mars 2011 à 15h14

Une comédie sympathique, mais pas très aboutie...

Le trio Simon Pegg/Nick Frost/Edgar Wright a accouché de deux des comédies les plus intelligentes de la dernière décénnie. S'inscrivant dans un pur contexte référenciel (le film de zombies pour Shaun of the Dead, le buddy movie pour Hot Fuzz), leurs films sont parvenus à trouver un juste milieu entre un véritable respect du genre parodié, des gags à divers niveaux de lecture en fonction du niveau de "geekerie" des spectateurs et une critique sociale, légère mais belle est bien présente, qui les inscrivaient dans la plus pure tradition des comédies sociales so british. Après ces deux opus très qualitatifs, Paul, qui poursuit le concept mis en place en jouant cette fois avec les films d'extra-terrestre, était donc particulièrement attendu par les fans. Mais cette fois, Pegg et Frost se trouvent séparés de leur troisième complice, parti tourner Scott Pilgrim vs. the Worl. Et au final, force est de constater que Paul s'avère être nettement moins abouti que les deux films précédents ; de là à dire que cela est dû à l'absence d'Edgar Wright, il n'y a qu'un pas que nous franchiront prudemment.

En effet, si, au niveau de l'écriture, Paul porte en lui tout ce qui fait la force comique du duo Pegg/Frost, il s'avère pourtant nettement moins qualitatif quant à l'histoire racontée que dans leurs précédentes créations. Bourré d'idées aussi diverses que variées, rempli de clins d'oeil et de références, le script souffre pourtant de son absence de véritable structuration ; alors que leurs écrits étaient jusque là caractérisés par une histoire aussi débile que fondamentalement solide (le final de Hot Fuzz, notamment, était brillant à ce niveau), Paul s'apparente plus à un scénario alibi destiné à placer un maximum de séquences et de références. En perdant cette solidité narrative, le film se coupe également de cette dimension sociale qui faisait le ciment de leurs deux précédentes collaborations. Conséquence, Paul devient une vraie comédie américaine, mettant certes en scène deux personnages britanniques, mais portant en lui tous les stigmates du cinéma US. A ce niveau, l'apport d'un réalisateur appartenant à la nouvelle vague comique américaine, ne peut définivement pas être une coincidence.

L'impression est d'autant plus renforcée que le film se trouve à mi-chemin entre le film d'extra-terrestre et le road movie. Cette seconde catégorie, typique du cinéma américain, est l'un des genre cinématographiques les plus bancals qui existent. Ainsi, si certains réalisateurs ont réussi à créer des chefs-d'oeuvres en relevant, la majeure partie s'est tout de même vautré en ne proposant qu'un voyage fait de rencontres incongrues et de raccourcis scénaristiques. Clairement, Paul fait parti de cette seconde catégorie, le trajet des héros, entre voyage initiatique et course poursuite, n'étant fait que coïncidences faciles, à peine justifiées par le fait que l'on est dans une comédie et que cela sert nombre de gags. Ainsi, alors que le nombre de poursuivants augmente de façon exponentielle (d'abord un agent, puis trois, puis s'ajoutent deux rednecks, un père de famille, ...), à l'image des occupants du camping car (d'abord deux nerdz, puis un E.T., une bigotte et une vieille dame), les ficelles comiques deviennent de plus en plus convenues, et le déroulé du film souffre d'une vraie prévisibilité.

Du coup, Paul accuse de baisses de rythmes régulières, intimement liées au fait que les spectateurs aient plusieurs train d'avance sur le scénario. Si l'on excepte une toute petite surprise de fin, le film avance sur des rails et ne sort jamais des sentiers battus inhérent au genre, comme un bon petit produit calibré. La verve critique qui caractérisait les scripts de Pegg et Frost est ici (presque) complètement absente. L'incohérence de certains comportements (les deux agents qui pêtent les plombs) et la multiplicité des runnings gags (notamment quant à la sexualité des deux héros) renforcent ce sentiment de gentille comédie aussi calibrée que complètement inapte à surprendre le spectateur. La mise en scène de Greg Mottola, si elle sait impeccablement renforcer l'efficacité de nombre de gags (on y reconnaît le tour de main qui caractérisait déjà Supergrave), s'avère en revanche très lacunaire dès qu'il s'agit de mettre en valeur l'aspect road movie (à part quelques cartes postales, pas grand chose à se mettre sous la dent), ou dès que le film entre dans les phases d'actions et que les choses se mettent à bouger (aspect du film vraiment décevant).

Ceci dit, ces défauts structurels mis à part, Paul est loin d'être un long-métrage détestable. Simon Pegg et Nick Frost, amoureux du genre, ont glissé nombre de gags et de clins d'oeil qui font de leur film un pur objet référenciel qui se destine clairement aux geeks. Star Wars, Men in black, E.T., Star Trek, X-Files (entre de nombreux autres), en passant par les passages du Comic Con et le cameo vocal de Steven Spielberg, les fans s'amuseront comme des petits fous à trouver les références les plus subtiles (nul doute qu'il faille revoir le film plusieurs fois pour toutes les saisir), le tout étant motivé par l'une des seules bonnes idées de l'histoire : faire de Paul la source de cet imaginaire qui traverse le cinéma hollywoodien depuis cinquante ans. Pour les autres, en revanche, le voyage risque d'être un peu plus longuet ; en effet, passé cet aspect "les geeks parlent aux geeks", les vannes et autres traits d'humour aisément accessibles au plus large plublic font figure de vache maigre dans le déroulé du film ; ainsi, ce que Paul gagne en allusions (et qui ne fera rire que les connaisseurs), il le perd en accessibilité.

Enfin, notons que le casting du film contribue fortement au capital sympathie du film. Une nouvelle fois, le duo Simon Pegg/Nick Frost fait des étincelles, capables de transformer des répliques a priori pas forcément humoristiques en passages particulièrement drôles. A côté d'eux, les seconds rôles, souvent issus des productions Apatow, sont à la fois inspirés et très efficaces, de Jason Bateman, qui traverse mine de rien les comédies US avec sa nonchalence et son humour à froid, à David Koechner et Bill Hader, totalement déchainés dans leurs rôles d'agents fédéraux (et ce même si le scénario fini par se retourner contre eux en leur faisant faire des choses incohérentes) ; on notera également la sympathique apparition de Sigourney Weaver, même si plus proche du caméo que du véritable rôle. Dans le rôle de Paul, en VF, on retrouvera la voix de Philippe Manoeuvre ; si au premier abord, la combinaison semble douteuse, il s'avère finalement qu'il s'agissait d'un choix judicieux pour le doublage tant la personnalité et les répliques de Paul semblent parfaitement coller à l'image publique de son doubleur.

La conclusion de à propos du Film : Paul [2011]

Auteur Vincent L.
60

Paul s'avère être nettement moins abouti que les deux films précédents du duo Simon Pegg/Nick Frost (Shaun of the Dead et Hot Fuzz). Doté d'une histoire assez médiocre, le film ne s'en tire de justesse que grâce à la fibre comique des divers acteurs, ainsi que par son aspect référenciel qui amènera les connaisseurs à nombre d'autres films portant sur les extra-terrestres. Prisonnier de son concept "les geeks parlent au geeks", le film sera d'autant plus appréciés par celles et ceux possédant les codes nécessaires pour décrypter les dizaines d'allusions qui parsèment le film ; les autres, en revanche, risquent d'être mis sur le carreau par un film qui, finalement, ne leur parlera pas tant que ça.

Pour les geeks : 7/10
Pour les autres : 5/10

On a aimé

  • La bonne humeur dans laquelle baigne le film,
  • Quelques bonnes idées de scénario,
  • Un casting très efficace,
  • Enormément de références,
  • Des effets spéciaux réussis.

On a moins bien aimé

  • Une histoire très prévisible,
  • De nombreuses baisse de rythme,
  • Une mise en scène très perfectible,
  • S'adresse essentiellement aux geeks.

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