Critique Le Roi des Elfes [1982]

"- E. J. Elwood! fit Liz, d'un ton inquiet. Tu n'écoutes rien de ce que nous disons. Et tu ne manges rien non plus. Mais enfin, qu'est-ce que tu as? Parfois, je ne te comprends vraiment plus..."

Le Roi des Elfes rassemble au éditions Gallimard coll. Folio SF les nouvelles du recueil précédemment intitulé l'homme doré, à l'exclusion de Quelle chance d'être un Blobel. Au programme: Le Constructeur, Le Roi des Elfes, La Dame aux biscuits, L'Homme doré, Si Benny Cemoli n'existait pas..., Projet Argyronète, La Guerre contre les Fnouls, La Sortie mène à l'intérieur, Chaînes d'air, réseau d'éther.

Ce recueil couvre une gamme assez large des thèmes et des idées que l'auteur de Berkeley a souvent abordés lors de sa carrière: la folie et les maladies psychiatriques, les precogs, le voyage dans le temps, le post-apocalyptique, les extra-terrestres... et la fantasy au sens anglo-saxon du terme.
Bref, de quoi faire découvrir l'immense talent de l'auteur d'Ubik, L'oeil dans le ciel, Siva ou Substance Mort.

Le constructeur fait office d'ouverture, une nouvelle déjà publiée dans L'O10ssée - L'odyssée Folio SF en 10 nouvelles, l'histoire simple d'un homme qui construit un bateau dans son jardin. On est ici aux limites de la science-fiction et du fantastique, où Dick aborde l'un de ses thèmes récurrents: la folie.
Suit le roi des elfes, une nouvelle assez originale, où l'auteur y décrit une histoire de fantasy urbaine. Un vieux pompiste se retrouve, par d'extraordinaires circonstances, roi des elfes.
Dans l'homme doré, c'est au tour du thème des precogs d'être abordé. Comment agir contre un homme qui aurait le pouvoir de voir dans l'avenir ?
Si Benny Cemoli n'existait pas... est plus remarquable pour sa construction et sa chute assez inattendue que pour le fond, mais elle se lit avec beaucoup de plaisir. 
La nouvelle le projet Argyronète est encore plus surprenante puisqu'elle mêle Poul Anderson à l'intrigue principale. Les clins d'oeil au milieu des auteurs SF de 1954 sont assez amusants.
Dans le genre absurde et vraiment drôle, la guerre contre les Fnouls est assez gratinée. Elle relate l'histoire d'extra-terrestres qui ont pour projet d'envahir la Terre. Ils réussissent à s'installer sur notre planète et à passer pour des humains. Le seul hic, c'est qu'ils ne mesurent que 60 cm...

En plus de couvrir une gamme variée des idées que l'écrivain a développées sous diverses formes, le recueil pioche à différentes périodes de sa carrière. Les deux derniers textes (de 1979 et 1980) sont évidemment plus maîtrisés et plus profonds. La sortie mène à l'intérieur et chaîne d'air, réseaux d'éther sont les meilleurs textes.
Le premier raconte ce jeune homme qui, dans un monde où la technologie a atteint des sommets et n'offre plus beaucoup de place à des millions d'hommes désoeuvrés par leur manque de qualification, gagne un concours. Le prix permet d'intégrer une université d'un type particulier. Le deuxième est l'histoire, sur une planète éloignée, du responsable solitaire d'un dôme relais par lequel transitent des paquets de données essentielles pour des millions de foyers: celles d'émissions de divertissement. Dans le dôme le plus proche, il apprend qu'une femme, qui a la même responsabilité que lui, est en pleine dépression. Il décide de lui rendre visite.
On sait les relations difficiles de Dick et des femmes...