Interview du réalisateur Olivier Boillot
le réalisteur de L'île - Les Naufragés de la Terre Perdue

Le 03 mai 2011 prochain sort en DVD L'Île : Les naufragés de la Terre perdue d’Olivier Boillot.

Ce film « fantastique » a été semble-t-il une véritable aventure mais également un énorme défi au vu du climat clairement non propice à l’émergence d’un cinéma de genre - aussi varié soit-il - en France.

Afin de connaître les secrets de la fabrication épique d’un film d’aventure pas comme les autres, je vous laisse découvrir les réponses du réalisateur à nos questions.

 

Olivier BoillotQuel est votre parcours ?
J'ai fait l'université Lumière de Lyon et en suis sorti en 2002 avec une maîtrise cinématographique. Mon film de fin d'études était une adaptation en chair et en os des Aventures de Tintin et Milou. Il est visible sur Youtube (Cf. « Tintin Movie Trailer »). Dès ma sortie de l'université j'ai eu la chance de rencontrer les bonnes personnes qui m'ont tout de suite fait travailler pour des films publicitaires (essentiellement pour le net), et aussi énormément de films corporates...même encore aujourd'hui.

 

Pouvez nous parler de la genèse du projet "L'île - Les Naufragés de la Terre Perdue" ?
J'ai commencé à écrire les premiers jets en 2003, qui n'ont au final presque rien à voir avec la version définitive...sauf que ça se déroulait bien sur une île mystérieuse. Puis l'histoire, les personnages ont évolué pendant environ 1 an et demi. Par la suite j'ai fait réaliser quelques illustrations racontant des passages clés du film pour pouvoir monter un petit bout de film, comme une bande-annonce. Avec mon scénario et mon trailer je suis allé démarcher un bon nombre de boites de production sur Paris...mais en vain. Toutes les réponses furent négatives... à vrai dire, c'était sans surprises, je m'y attendais. J'avais des contacts en Belgique pour que le film se fasse en co-prod pour la TV. La suite du développement de « L'île » s'est profilée dans ce sens, j'ai rencontré des producteurs belges et j'avais même l'accord de quelques acteurs de là bas.

Puis les démarches sont devenues longues, et sans résultats...j'avais l'impression que tout le monde freinaient des quatre fers dès qu'ils entendaient parler du projet... juste parce que c'était du film d'aventure / science-fiction.

J'ai donc retiré le peu de billes que j'avais là-bas et suis revenu à la case départ. C'est à partir de là que j'ai décidé de faire le film seul. Sans boites de productions, sans subventions...

La première étape consistait à convaincre les gens qui formeraient mon équipe de production, chacun avec des compétences particulières : commercial, gestion d'entreprise, production... Il faut préciser que tous « ces producteurs exécutifs » comme on les appelle dans le générique, ne viennent absolument pas de l'univers du cinéma... Nous n'avions au final aucune compétence dans la production de long-métrage.

La 1re réunion de production eut lieu en septembre 2006 (nous avons terminé le film quasiment jour pour jour 4 ans après).

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Pouvez-vous nous présenter votre film en quelques mots?
C'est un 1er long métrage d'aventure indépendant rendant hommage à l'œuvre de Jules Verne telle que « 20 000 lieux sous les mers » ou « L'île mystérieuse ». Même s’il y a dans « L’île » une atmosphère de suspense, de fantastique, une ambiance mystérieuse, dramatique et de conte de fées… voire de science-fiction, il est important de dire que c’est avant tout un film qui a sa propre identité. Un film créé hors des sentiers conventionnels par amour du cinéma.

Si « L'île - Les Naufragés de la Terre Perdue » est bel et bien le récit d’une aventure, c’est surtout une aventure dans l’intimité de l’homme dans son sens le plus entier. La nature humaine est au centre de toutes les préoccupations et bien loin de tout archétype. Cette nature humaine complexe et imprévisible, l’île la repousse dans ses plus intimes et plus sombres recoins. Quand il ne reste plus rien à un homme comment peut-il envisager son avenir… sa propre vie ? Et si, du jour au lendemain, il pouvait sauver l’amour de sa vie, jusqu’où irait-il ?

Le point de vue adopté pour raconter cette histoire est interne, comme si le spectateur était au final le 4e naufragé, accompagnant les 3 autres. Nous avançons et découvrons les secrets de l'île au même rythme qu'eux.

 

Y a-t-il dans le film une influence "Lost" ou encore de "L'ile Mystérieuse" ?
Oui bien entendu. Même si « Lost » est sorti quelque temps après la fin d'écriture de « L'île - Les Naufragés de la Terre Perdue », tel qu'il apparaît au final.

« Le Magicien d'Oz » aussi a beaucoup influencé le script, et tous les films de Spielberg / Zemeckis bien sûr.

Entre parenthèses je suis un grand fan de « Retour vers le futur », et j'ai réussi à intégrer dans le film un beau clin d'oeil, et plutôt bien caché. Va falloir chercher.

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Peut-on savoir de combien était le budget du film et comment vous l'avez optimisé, sachant que le film d'aventure / fantastique réclame souvent un budget considérable ? Comment le film a été monté financièrement ? Comment a-t-il été produit ?
Une fois que mon équipe de production fut en place fin 2006, nous avons monté un dossier de recherches de financement très visuel. Avec la mise en avant du trailer que j'avais réalisé quelques temps auparavant. L'idée était d'aller voir les entreprises de la région Rhône-Alpes (j'y habite) et de leur présenter le projet. Ça tombait plutôt bien, car comme j'avais réalisé un bon nombre de films d'entreprises, j'avais un carnet d'adresses bien rempli..., et en plus comme j'avais déjà travaillé pour eux, le feeling était déjà là. Ça n'a pas été facile de les convaincre, mais beaucoup ont répondu à l'appel et ont décidé de nous donner un coup de main, soit financièrement, soit en industrie (en nous prêtant du matériel). Il y a aussi des investisseurs en noms propres qui ont participé à l'aventure, et puis, bien entendu, moi même. La quasi-intégralité de mes salaires pendant ces 5 dernières années est allée alimenter le film. Pas le choix. Nous avons eu beaucoup de problèmes financiers, le tournage s'est même arrêté un an entre 2007 et 2008, pour pouvoir trouver un moyen de boucher les dettes que nous avions, et trouver l'argent nécessaire à la fin des prises de vues. J'ai accepté de travailler sur tous les films d'entreprises que l'on me proposait..., d'un certain côté ça tombait bien, puisque ça nous permettait de rencontrer de nouveaux potentiels investisseurs... Je dirais que toute la production s'est faite un peu comme ça, au compte goute. Il nous manquait toujours de l'argent, et il fallait toujours en trouver pour pouvoir continuer, même lorsque la post-production a débuté en octobre 2008, pour pouvoir durer presque 2 ans.

Le film a couté, en cash, un peu plus de 150 000 euros..., sachant que cet argent a servi à financer tout ce que l'on voit à l'écran, et que la seule façon de pouvoir le faire était de travailler qu'avec des passionnés, qui accepteraient de faire parti de l'aventure bénévolement. Je dirais qu'en valorisant le nombre de personnes (presque 150) qui ont travaillé sur le film, avec leur salaire, et tous les prêts en industrie que nous avons eus, le film aurait couté dans les 1 500 000 euros...Soit dix fois plus !

« L'île - Les Naufragés de la Terre Perdue » est un film de passionnés, d'amoureux du cinéma « old school », et pouvoir produire un film de ce type, hors des sentiers battus...je dirais que ça ne peut se faire que de cette façon, surtout lorsque c'est un 1er film, et que personne ne veut nous donner notre chance. Lorsque toutes les portes se ferment devant nous, il faut être tenace, continuer d'y croire, et trouver de nouvelles solutions...

Au final, nous faisons partie de la même catégorie de production qu'un « Bad Taste » où qu'un « Evil Dead », un premier film produit avec de l'huile de coude, de A à Z... en espérant qu'il nous permette d'obtenir notre ticket d'entrée dans la cour des grands.

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Pouvez-vous nous parler du casting ?
Tous les acteurs ont été « castés » entre Lyon et Paris. Kaddour Dorgham joue le rôle de Franck alors qu'il est aussi producteur exécutif. Il est arrivé dans l'équipe de production dès le début puisque je le connaissais et qu'on avait déjà travaillé ensemble sur des courts-métrages ; sans lui le film ne ressemblerait sans doute pas à ce qu'il est aujourd'hui... Il s'est énormément investi sur ce film, je lui dois beaucoup. Kaddour est initialement un comédien de théâtre, mais il est aussi issu du one man show.

Le rôle de Pierre est tenu par Jérémy Duplot Jr. ; à la base c'était un ami proche et je lui ai fait passer le casting très tardivement parce qu'on n’arrivait pas à trouver quelqu'un qui corresponde au rôle, même sur Paris. Lorsqu'il est arrivé habillé en Pierre, on a tout de suite su que c'était lui.
Je trouve qu'il y a un côté Laurel et Hardy lorsque l'on met Jérémy et Kad côte à côte et ça me plait beaucoup ; mais c'est un avis qui n'engage que moi.

Michel Beatrix joue Albert, le 3e naufragé comme on l'appelle. C'est un acteur lyonnais, qui joue essentiellement au théâtre et ne fait pas mal d'apparitions dans des séries et téléfilms français. Je trouve qu'il complète bien Pierre et Franck, de par sa maturité et sa prestance.
Le dernier rôle important du film est tenu par Cyrielle Debreuil, une jeune comédienne très talentueuse que nous avons découverte sur Paris. Je ne peux pas trop parler de son personnage, car je dévoilerais trop de choses concernant l'intrigue. Mais son rôle est au centre du film. Ce qui m'a plu en elle c'est son côté actrice Hitchcockienne, mystérieuse et incroyablement belle...elle accroche l'objectif.

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Quels ont été les lieux du tournage ?
En 2007 : Les décors en studio ont été construits au nord de Lyon, dans un hangar vide de 700 m² que nous avons loué. Nous y avons construit les 2 plus gros décors du film sur l'intégralité de la surface. Trois mois de constructions à plein temps, pour trois semaines de tournage dans ces décors. Les extérieurs jungle quant à eux ont été tournés sur l'ile de la Réunion. Un très beau décor naturel, et le moins cher pour nous... car il a fallu tout de même y emmener 20 personnes.

En 2008 : Nous avons construit des compléments de décors dans un autre hangar plus petit cette fois, toujours au nord de Lyon. Tout un tas d'extérieurs ont été tournés entre Lyon et Saint-Étienne ; et enfin, le tournage s'est terminé en Bretagne pour tout ce qui était scènes de plage et en pleine mer.

 

Avez-vous utilisé beaucoup d'effets numériques ou y a-t-il encore une place aux effets plus traditionnels ?
À part les effets spéciaux de plateau, comme les explosions ou autres, tous les effets visuels sont numériques. On s'est posé pas mal de questions concernant certains trucages, notamment pour l'utilisation de maquettes. Étant un grand fan de ce type de trucages plus anciens, j'étais très tenté de les réaliser de cette façon. Mais le budget et le manque de temps nous ont obligés à nous replier vers l'image de synthèse. Même si nous utilisons beaucoup de matte painting à l'ancienne, ils restent néanmoins numériques.
Il faut tout de même préciser qu'au départ le film devait contenir une trentaine de plans truqués. Au final, nous dépassons les 100 plans retouchés.

Comme nous tournions dans des environnements que nous ne maitrisions pas, comme les prises de vue en pleine mer, il a fallu faire appel aux effets visuels pour effacer tout un tas d'éléments parasites à l'horizon. Et puis les trucages numériques nous permettent aussi de rectifier le tir sur pas mal d'erreurs réalisées pendant le tournage. Du coup, ça va très vite, on peut facilement doubler, voir tripler le nombre de plans que nous avions au départ.

Tout reste bien entendu à notre échelle de production indépendante. Le but était de limiter au maximum les plans truqués, car on savait qu'on ne pouvait pas rivaliser avec ce que le spectateur a l'habitude de voir dans les productions américaines. Il fallait être judicieux dans leur utilisation ; je dirais que c'est là où on se rapproche plus des fx d'antan. On ne montre l'effet visuel que lorsque l'on a vraiment besoin de le voir.

Pour compléter tout ça, j'aurais souhaité dire un mot sur la bande sonore. Je dirais que c'est ce qui a été le plus lourd pendant la post-production. Nous avons décidé de partir de zéro, comme pour un film d'animation, et de recréer l'intégralité de l'univers sonore en studio. Les voix, les bruitages, les ambiances, les effets sonores... tout a été refait. Rien n'a été gardé des prises de son directes. Le résultat est bien au-dessus de ce que j'imaginais, car l'intégralité du mixage a pu être maitrisée. La musique représente aussi un beau morceau puisque notre compositeur a composé près de 70 minutes de score. Au final, nous avons une piste multicanal DTS 7.1 de très bonne qualité, dont je suis très fier.

Je savais dès le départ que nous devions passer par cette étape de création sonore un peu hors-norme, car sur ce genre de film c'est primordial, voir indispensable, d'avoir une bande sonore la plus immersive possible. C'est elle qui donne l'illusion et fait naître la magie, je pense. Va falloir monter le volume !

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Le Direct-to-DVD n'est pas encore très répandu dans les productions françaises, est-ce pour vous un marché qui va prendre de plus en plus d'importance ?
Sincèrement j'ai du mal à y croire. Vues les difficultés que nous avons traversées sur « L'île - Les Naufragés de la Terre Perdue », je me dis que les films de genre restent très rares, voire exceptionnels en France. Je ne sais pas si les boites de productions sont prêtes à réaliser pour la vidéo, comme le font si bien les Américains ou les Asiatiques. C'est un marché très important là bas, mais j'ai l'impression qu'en France c'est plutôt mal vu qu'un film sorte directement en vidéo... Il y a encore beaucoup de chemin à faire pour que des productions direct-to-video bien de chez nous voient le jour.
Mais ça reste mon opinion... à moins que quelqu'un se lance dans le créneau...

 

Vos prochains projets ?
Rien de bien précis, tout va dépendre de « L'île »...j'ai passé tellement de temps dessus.

Le but c'est de pouvoir continuer à réaliser, de faire un deuxième film. Ça ne me dérangerait pas de travailler sur une commande, à condition que ce soit du film de genre.

J'ai quelques projets perso en tête aussi, dont un que je pense commencer à développer prochainement... mais en anglais.
Wait and see !

Auteur : Romain B.
Publié le vendredi 22 avril 2011 à 13h25

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