Critique Cloud Atlas [2013]

Avis critique rédigé par Richard B. le samedi 9 mars 2013 à 14h12

Le débat est ouvert !

À travers cinq siècles, d’une vie à l’autre, des âmes se croisent, se retrouvent, et forgent des destinées autour de la haine et de l'amour... Un synopsis qui nous parle aussi de changements, d'évolutions, qu'un tueur peut devenir un héros et qu'un acte de générosité suffit à entrainer des surprenantes répercussions. Deux derniers points dont – et c’est un avis très personnel ! - je mets en doute leur soi-disant complexité avec des transformations qui m'ont semblé linéaires et souvent caricaturales.

De toute évidence, comme Matrix Reloaded à son époque, Cloud Atlas va pouvoir se vanter de diviser le spectateur. D'un côté, il y aura ceux qui beugleront avec une peu trop d'enthousiasme que ce film est un "hymne" à la réflexion sur la condition humaine, de l'autre, il y aura ceux qui y verront une fois de plus un objet opportuniste, un poil hypocrite, qui brasse du vide. Pour ma part, je resterais modéré, même si mon constat, à chaud, en sortie de projection, avant toute forme d'analyses, fut mon manque de ressenti… hormis une impression d'avoir trouvé le temps long.

Reste que Cloud Atlas se veut être jugé comme un film complexe, demandant un minimum d'analyse et de recul. Me voyant mal justifier mon manque d'enthousiasme par le mot "ennui" et voulant accorder le bénéfice du doute - surtout par respect pour l'équipe technique qui s’est remarquablement investie - je me suis donc remémoré le film à deux, trois reprises pour tenter de dénicher ce qui, à mon goût, fonctionnait et ce qui me paraissait ne pas marcher.

Le  futur de Cloud Atlas

Tiré d'un roman intitulé Cartographie des nuages de David Mitchell, Cloud Atlas est un projet ambitieux écrit et réalisé par Andy Wachowski, son frère (devenue sa sœur) Lana Wachowski, et Tom Tykwer . D'un côté, nous avons les réalisateurs de la mythique saga Matrix, et de l'autre celui de films tels que Le Parfum : Histoire d'un meurtrier ou Cours, Lola, cours. Au résultat l’empreinte des Wachowski parait prédominante tant des thèmes (ou des formules) apparaissent communs à leur cyber-trilogie. Ainsi, l'élite de la civilisation, la bonne société, l'industrie capitaliste, l'état totalitaire se trouvent en lutte contre la liberté communautaire, l'ouverture d'esprit et l'amour (on évite cependant la partouze de Matrix Reloaded). La symbolique est donc la même. D'un côté nous avons le mal absolu - le capitalisme - synonyme d'esclavagisme et de privation de liberté et de l'autre les gentils, ceux qui se décident à se rebeller, qui ont une âme d'artiste, et qui ne vivent que pour l'amour et l'amitié.

C'est noir et blanc, la nuance n'apparaissant jamais malgré les multiples réincarnations. Si certains rares personnages arrivent à évoluer (comme celui de Tom Hanks), ce n'est pas vraiment par construction logique, et ce dernier sera soit bon, soit méchant. Quant au système établi sur chaque génération, il pourrait très bien être perçu comme la Matrice, et les personnages de Hugo Weaving s'apparentent à l'équivalent de l'agent Smith, ce dernier se réincarnant perpétuellement en "méchant". Le terme "Matrice" sera d'ailleurs employé dans le film, de même que l'idée d'éternel recommencement, un peu dans la logique d'un programme (sauf si un élément venait à casser celui-ci).

Les ponts entre Matrix et Cloud Atlas sont donc assez frappants, et il parait assez amusant de voir les Wachowski s'attaquer à un système auquel ils contribuent eux même, Cloud atlas étant loin d'être une petite entreprise. Malgré tout, les phases de tournages ayant été divisées en deux, avec d'un côté les Wachowski et de l'autre Tom Tykwer, il faut reconnaître que les deux réalisateurs de Matrix signeront avec le personnage de Zachry, un gardien de chèvre, dernier représentant d'une tribu pacifique, l'un des meilleurs segments de Cloud Atlas. En effet, ce mix ou l'homme, après avoir survécu à un cataclysme planétaire, se voit revenir quasiment à l'âge de pierre et doit faire face à des visiteurs temporels est assez fascinant, techniquement remarquable et surtout le représentant de l'un des rares moments ou l'émotion existe. Certainement le meilleur passage du film, qui magnifie la touche artistique des réalisateurs, tout en évitant le rapprochement de manière trop flagrante avec leur saga. Et puis Tom Hanks, tout comme Hugh Grant et Jim Sturgess, y sont exceptionnels.

La patte de Tom Tykwer demeure pour autant assez visible. D’ailleurs, à travers les segments qu'il a réalisés, on retrouvera, Ben Whishaw , acteur avec qui il a collaboré à deux reprises par le passé, et Frank Griebe, directeur de la photographie avec qui il oeuvre régulièrement, de même que ses penchants pour les thématiques de l'humour, l'amour et le thriller.

Une romance dans le monde de Cloud Atlas

Reste que le film, lors de son entame, apparaît comme très élégant et prometteur. On y découvre donc un Tom Hanks complètement transformé, une double et magnifique direction de la photographie signée Frank Griebe (Cours, Lola, cours) et John Toll (Braveheart, Iron Man 3) et une mise en place de l'histoire annonçant un programme ambitieux construit sur le questionnement : "comment toutes ses époques vont finir pas se croiser ?". Les voyages à travers les époques permettent de contempler, à tout point de vue, une réussite autour des maquillages, des costumes et des décors, aussi bien intérieurs, qu'extérieurs et virtuels. Le souci de Cloud Atlas ne se situe donc nullement du côté technique, le film étant un pur bonheur visuel. Mais après une première rencontre, pour que la relation et le sentiment perdurent, il faut voir ce que l'autre a dans son cœur et son âme. D'autant qu'ici il est justement question de ça. Et c'est là où le bât blesse.

Hugh Grant

Pour ce qui touche à l’émotion, Cloud Atlas est une très belle coquille vide. L'un des thèmes principaux, l'amour qui se forge à travers le temps et diverses réincarnations, ne nous touche jamais. Dans le même registre, The Fountain fonctionnait bien mieux. La faute en revient certainement à quelques décisions qui, aux premiers abords, auraient pu paraître judicieuses tels ces acteurs interprétant, siècle après siècle, les mêmes personnages. Si le défi technique du maquillage ou l'interprétation n'est pas à mettre en doute - excepté pour Hugo Weaving qui ne joue pas dans la modération -  le spectateur va passer son temps à essayer de les reconnaître. Du coup, l’attention ne se porte plus sur l’émotion, mais sur une sorte de jeu de "qui est qui ?" et sur des transformations provoquant le rire involontaire (lorsqu'on découvre Hugo Weaving en grosse gardienne antipathique, Jim Sturgess en asiatique ou Xun Zhou en américaine blanche dans une période d’esclavage et de raciste). Si l'intention était louable - et représentait un remarquable défi pour les acteurs qui devaient y trouver l'essence de leur métier - reste que l'idée qu'ils soient quasi méconnaissables pousse le spectateur à focaliser son attention sur ses transformations plutôt que sur les performances et les émotions.

Les visages de Tom Hanks

Autre exercice de style : les six récits qui nous sont narrés se voient attribuer des traitements différents. Un choix audacieux, subtil, mais finalement vain. L'histoire se déroulant en 1849, dans le Pacific Sud, est un film d'aventure alors que celle de 1936 se situant en Écosse est une histoire d'amour. Par la suite, on trouve donc un thriller en 1973, une comédie en 2012, un film de science-fiction en 2144 et enfin un post-apocalyptique/survival pour l'an 2321/2346. Le problème est que l'on a bien du mal à prendre les enjeux aux sérieux lorsqu'une comédie burlesque se mélange à une aventure, autour du thème de l’esclavagisme. En fait, si les segments avaient été conçus comme des récits indépendants, quelques-uns auraient largement mérité le détour (comme celui se déroulant en 1973 ou comme celui mentionné plus haut, de 2346 qui aurait pu faire largement l'objet d'un long métrage passionnant à lui seul), mais en l'état, bien que le montage possède une certaine harmonie, les pièces du puzzle semblent ne pas s'assembler correctement ou laissent des trous d'insatisfaction.

La conclusion de à propos du Film : Cloud Atlas [2013]

Auteur Richard B.
50

Cloud Atlas est un film aussi ambitieux que (quasiment) ennuyeux. Les bonnes idées s’y mélangent aux mauvaises et, au final, le visionnage de l’ensemble génère le sentiment d’admirer une très belle coquille vide. Si techniquement le film fait merveille, l'émotion se montre fortement absente. Cloud Atlas demeure cependant une curiosité, avec un montage qui a le mérite de sortir des sentiers battus et deux segments très intéressants qui auraient mérité d’être les sujets de films. Il va certainement diviser le spectateur. D’ailleurs, il possède déjà son lot de fervents défenseurs…

On a aimé

  • Remarquables techniquement.
  • Une certaine ambition.

On a moins bien aimé

  • Absence presque totale d'émotions.
  • Hugo Weaving se croit encore dans Matrix.
  • Un humour qui n'a pas sa place.

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