Critique Aux Yeux Des Vivants [2014]

Avis critique rédigé par Richard B. le jeudi 13 mars 2014 à 08h31

Aux yeux du spectateur

Après une année 2013 assez désertique, le cinéma français dit "de genre" reprend doucement, mais sûrement, de son mordant. En effet, le mois de février avait légitimé notre savoir-faire technique - du moins lorsqu'un film possède un budget confortable - avec La belle et la bête (manque de chance, l'écriture et les acteurs n'étaient pas au rendez-vous (qui a dit encore ?)) ; mars nous a offert le délirant, et pour le coup original, diptyque Goal of the dead et, en avril, les spectateurs devraient pouvoir découvrir Aux yeux des vivants, le nouveau bébé du duo de réalisateurs Julien Maury & Alexandre Bustillo qui nous avaient déjà concocté le très réussi A l'intérieur ou le plus décevant, mais joli visuellement, Livide.

Lors de sa participation à "touscoprod", Aux yeux des vivants était vendu comme le mariage de "la mélancolie de Stand by me", "et de la violence décomplexée style La colline a des yeux et, de plus, comme une production tentant de s'approcher de l’univers dérangeant et angoissant d’«Insidious». Un programme alléchant, d'autant plus que les films cités sont, à un titre près, tous des références dans le domaine. La participation s’acheva le 22 juin 2013 et, moins d'un an plus tard, Metaluna productions tient promesse et sort sa première production française destinée à une distribution en salle.

Dés les premières minutes, ça commence fort, très fort. On remarque nettement les accointances avec le film de Wes Craven - ou son remake signé par Aja - mais aussi avec le film qui a amené une certaine renommée aux réalisateurs puisque, outre la présence de la géniale Béatrice Dalle, Maury & Bustillo nous assènent d'une séquence-choc digne de celles de A l'intérieur. Le ton est donné, l'introduction est fracassante et nous scotche sur notre fauteuil! Restait à découvrir les autres éléments. Ainsi, plus que de visionner un film "gore" - ce qu'il n'est pas vraiment -, ce que nous attendions avec impatience était de découvrir l'aspect "Stand by me", ou plus généralement le contexte " films d'adolescents typés année 80'". Un souhait qui engendrait une part d’inquiétude. Pourquoi ? Nous pourrions tout d'abord évoquer le fait qu'il est de notoriété publique qu'il n’est guère aisé de diriger des jeunes gens. Ensuite, on peut difficilement nier que l'un des points faibles de Livide était justement la direction d'acteurs. Mais ces doutes se sont très vite dissipés. En fait dès la première apparition du trio, tant leurs "gueules" génèrent de la sympathie et que leurs jeux semblent naturels. Certes, on note parfois des soucis d'articulation conduisant à un manque de compréhension sur quelques dialogues, mais cela reste assez rare pour ne pas nuire à l'immersion. Car, oui, c'est bien la réussite majeure d'Aux yeux des vivants : même si on constate quelques défauts plus ou moins gênants (que nous évoquerons plus bas), il est impossible de décrocher tant les réalisateurs ont su apporter une atmosphère qui nous accroche du début à la fin. Et c'est surtout ce qu'il faudra en retenir une fois terminé cet avis sur le film.

L'histoire d' Aux yeux des vivants apparait comme des plus simples… et par conséquent moins bordélique et fourre-tout que Livide. Alors, certes, on pourra reprocher au film, par ce fait, de suivre un chemin balisé, riche de ces clichés construisant tout film de boogeyman (l'ombre de Michael Myer n'est jamais loin) croisé avec l'univers des productions Amblin (à ce titre, une excellente séquence rendant hommage à E.T. est immanquable et jubilatoire). Tout comme on pourra regretter de constater de belles coquilles en terme de cohérences, du genre : "mais comment notre méchant de service retrouve-t-il les mômes, en agissant de manière inverse à ce qui aurait dû le mener à eux ?". Ou encore un truc aussi bête : "comment un adolescent français évoluant dans un bled paumé peut avoir pour lecture des comics américains ?". Certes, ce type de problème peut aussi être attribuable à un manque de temps pour tourner certaines scènes - ce qui expliquerait les divers trous dans la narration -, un manque de budget ou, pourquoi pas, des erreurs techniques ou de jeux conduisant à sacrifier ces scènes « oubliées » au montage. Le constat est que ces petits problèmes ne passent pas inaperçus et on aurait aimé que cela ne soit pas le cas tant une fois encore, cela laisse à penser que "l'écriture" reste bien - à quelques rares exceptions près - le gros problème des productions françaises - cela même si cette fois plusieurs passages dialogués feront mouche. Ensuite, tant que nous sommes dans la lignée des reproches (les louanges arrivent bientôt), on regrette que la photographie/ l'étalonnage tourne par moment trop dans les jaunes avec quelques surexpositions qui ne mettent pas toujours en valeur les décors extérieurs et, surtout, efface un peu cette ambiance « années 80 » souhaitée. Enfin, le montage de la séquence finale n'est pas à la hauteur du reste et pour le coup elle n’est pas évidente à suivre et exige du spectateur une grande concentration s'il veut comprendre ce qu'il se passe.

Critiquer un film est chose facile. La perfection n'étant pas si évidente à atteindre lorsque l'argent est, parfois, certainement venu à manquer. Reste que le budget est bien utilisé et qu'Aux yeux des vivants possède quantité de qualités qui font que le film est une parfaite proposition de cinéma de genre et se montre en tout point bien plus réussi que la majeure partie des productions actuelles du même calibre (américaine comprise). Ainsi, le film de Maury & Bustillo est fait avec de la passion, cela se ressent et c'est communicatif. Il en résulte un véritable sentiment affectif envers le trio des jeunes acteurs, mais aussi pour l'ensemble des personnages - que cela soit un second rôle comme celui de la  babysitter (Chloé Coulloud) ou celui, plus important, de l'impressionnant  boogeyman (Fabien Jegoudez). Alors que Livide souffrait de cette direction d’acteur approximative, et surtout d'un manque d'émotion, Aux yeux des vivants est l’exact opposé et ça fait plaisir à voir. En terme d'émotion, on notera aussi que Raphael Gesqua n'est pas pour rien dans ce fait puisqu'il nous gratifie d'une musique jouant parfaitement sur les ambiances, avec la création de thèmes forts puisque deux arriveront particulièrement à nous marquer (dont un qui semble utiliser des violons). Cela amène ce petit "plus" à l'image qui arrive à nous transporter jusqu'à ce que le générique de fin défile sous nos yeux. Autre fait marquant, et pas le moindre puisque l’on peut même dire qu’il prend autant d'importance que n'importe quel autre personnage : les superbes décors du film et en particulier son environnement. Situer l'action essentiellement dans les vieux décors d’un cinéma isolé frôle le génie. Ce studio trouvé en pleine campagne bulgare était une bénédiction pour l'équipe du film tant il en impose à l'écran - même si on ne doute pas que les décorateurs du film on dû y apporter quelques petites retouches - on est réellement amoureux de ce lieu qui contribue grandement à amener une âme au film. Si ce dernier s'était déroulé dans une fête foraine, comme il était initialement prévu, on aurait immédiatement pensé à Massacres dans le train fantôme, ce qui aurait peut-être conduit à la référence de trop.

Là, grâce à ce lieu magique, le film gagne donc son identité.

Alors, oui, certains trouveront  peut-être que les morts hors champ  seront regrettables. À mon avis, ce n'est pas le cas. Ce choix permet d'alterner suspens et doutes sur quelques moments cruels, rendant les scènes dures présentes à l'écran encore plus percutantes et dérangeantes, voire touchantes. Le film n'abuse donc pas du gore, mais ne l'esquive pas pour autant et si le sang ne coule pas autant que dans A l'intérieur, vous n’êtes pas prêt d'oublier les quelques destinées macabres proposées ici. Puis, il faut se rappeler que si on remonte dans un passé pas si lointain, le sang n'était pas si présent que ça dans ce type de films et que l'ambiance primait sur le sensationnel et c'est la règle que s'efforce d'appliquer ici la production. Non par peur de la censure (Aux yeux des vivants se la paie de toute façon), mais pour rester en cohérence avec sa ligne de conduite.

La conclusion de à propos du Film : Aux Yeux Des Vivants [2014]

Auteur Richard B.
70

Aucune erreur sur marchandise, les promesses sont bien tenues.  S'il y a beaucoup à dire sur cette nouvelle production française qui possède nombre de qualités - mais, hélas, aussi quelques défauts - ce que l'on retiendra surtout, c'est le plaisir quasi immédiat généré par le spectacle et, au sortir de la salle, une véritable banane, pour avoir visionné un vrai film de genre, à l'ambiance remarquable et nostalgique. Certes, avec le recul, on pourra un peu revoir son enthousiasme. On pourra se dire que cela aurait pu être encore mieux. Mais c'est aussi le destin de beaucoup de films et dans le cas actuel ne boudez pas votre plaisir, Aux yeux des vivants est un film qui marque les mémoires par des séquences réellement touchantes ou saisissantes. Ce qui est déjà pas donné à tous.

 

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