Critique Solomon Kane [2009]

Avis critique rédigé par Nicolas L. le lundi 21 juin 2010 à 19h04

Exorcisme qui tache

Solomon Kane compte comme l'un des personnages les plus connus de la bibliographie de Robert E. Howard. Coiffé de son chapeau de puritain, portant ample cape et tout de noir vêtu, armé de sa rapière et de ses deux pistolets, ce justicier du 17ieme siècle parcoure le monde, éliminant de la surface du globe (ses pas le mènent jusqu'en Afrique Noire) sorcières et créatures infernales à travers une croisade purificatrice qui n'épargne pas les innocents (on appelle cela aujourd'hui les dommages collatéraux). Comme Conan et Kull, Solomon Kane est un personnage fort qui a marqué des générations de lecteurs et sa froideur de caractère, son austérité religieuse et son apparence vestimentaire ont inspiré bon nombre de personnages de BDs et de films, les plus connus étant peut-être les Van Helsing des comics books Marvel (qui ressemble plus au héros d’Howard que de Bram Stoker) et Dark Horse et le Capitaine Kronos, le héros du film de Brian Clemens.

Toutefois, malgré sa célébrité, il faudra attendre l'année 2009 et une initiative du studio britannique Davis-Films (dirigé par Samuel Hadida, un grand défenseur du cinéma fantastique) pour que le héros apparaisse à l'écran sous son véritable nom et sa fonction originelle, au sein d'un univers toutefois différent de celui des nouvelles d'Howard (l'Angleterre élisabéthaine). En effet, le film de Michael J. Bassett nous plonge dans un univers fictif et anachronique assez proche, par sa violence et son absence de structures administratives, des terres barbares de Conan. Seuls quelques pistolets nous laissent à penser que le récit ne se déroule pas dans une période aussi reculée que l'on ne pourrait le croire à la vue de ces brutes épaisses armées de haches.

En réalité, le métrage débute de la plus mauvaise des manières, avec un James Purefoy pris en flagrant délit de sur-jeu dans le registre du "je suis un très, très vilain bandit!". C'est en effet un Solomon Kane sombrant dans la caricature grotesque qui mène sa bande de pirates à l'assaut d'une forteresse sarrasine. A travers une réalisation abusant des sévères regards caméra, le héros, après l'élimination de quelques sous-fifres, entraine ses soudards à la rencontre d'un adversaire qui se révèle inattendu et démoniaque. Là, au cœur d'un donjon tenant lieu d'antichambre des Enfers, le chef des pillards va avoir une terrifiante révélation... Une confrontation avec un émissaire de Satan qui va lui faire comprendre que ses exactions et sa vie de débauche le conduisent vers la damnation (il en doutait?). Mais, feu infernal ou pas, le capitaine Kane reste un dur-à-cuire. Refusant de se plier aux exigences de ce démon amateur d'omelette norvégienne, l'homme préfère se jeter dans le vide...

Malgré une chute vertigineuse, le héros a (forcément) survécu. On le retrouve donc un an plus tard, réfugié dans un monastère où il fait pénitence. Là, à grand renfort de scarifications, de flagellations au branches d'orties, de prières et de douches froides, il tente de se dissimuler au regard du Malin. Mais cet assassin repenti, cet homme maudit par son triste passé ne peut rester en ces lieux bénis et, en humble pèlerin jurant de ne plus user de violence, il doit finalement prendre la route (en fait, on le met poliment dehors). Un chemin de croix qui va finalement le conduire à retirer l'épée, mais cette fois-ci pour la bonne cause, et le salut de son âme.

Très classique et linéaire, le scénario de Solomon Kane apparait comme la mise en place d'une très naïve aventure de dark fantasy. Un héros en repentir, une jeune et jolie jeune femme en détresse, un méchant ayant un lien très étroit avec le héros; on évolue donc en territoire reconnu, voire balisé. Evidemment, ce manque d'originalité fait que l'enchainement des évènements est plus que prévisible et que les révélations apparaissent comme autant de pétards mouillés. A coté de cela, le personnage est assez différent de celui des nouvelles car les scénaristes ont cédé à la mode actuelle en introduisant quelques composants comics books dans son profil. Solomon Kane apparait en effet comme une sorte de super héros médiéval prédestiné. Bras armé du Tout Puissant, sa science du combat et sa résistance à la souffrance dépassent les limites humaines et son ancienne malignité n'est pas conforme à sa véritable personnalité (les scénaristes lui ont construit un passé dans lequel il fut victime, enfant, de nombreuses injustices et d'un manque d'amour paternel). Univers manichéen oblige, en face de lui se dresse un binôme infernal composé de Malachi, un sorcier très puissant (du moins, on essaie de nous le faire croire) et de son bras droit, qui apparait comme un bien peu original croissement entre Darth Vader et Tulsa Doom.

Sans qu'aucune autorité supérieure ne semble en mesure d'intervenir, les légions des deux créatures infernales sèment la terreur dans la région, capturant les femmes pour euh..., on n'en sait rien, finalement, tuant les faibles en ricanant et amenant la racaille à Marcus, qui les métamorphose en des chiens de guerre fanatisés aux allures d'Uruk-hai. Plongé au milieu de tout ça, Solomon Kane va prendre conscience, à travers une séquence d'infanticide, que la non-violence dans cet univers de cauchemar n'est que faiblesse et lâcheté. Porté par sa soif de vengeance et un serment chevaleresque prêté à un agonisant, il va surmonter moult épreuves (des bandits de grand chemin, une sorcière, une horde de goules) pour se retrouver face au défi ultime (Malachi and co.).

Le moins que l'on puisse dire, c'est que, pendant une heure (après un premier quart d'heure un brin inquiétant), Solomon Kane est un spectacle très divertissant pour les amateurs de récits épiques et violents. Dans l'univers de Kane, on ne fait pas dans les détails et les exorcismes ne se pratiquent pas avec un chapelet et une bible mais à grands coups d'épées larges. C'est bourrin et ça transpire la testostérone (les femmes ne jouent d'ailleurs aucun rôle majeur dans l'intrigue). Le combat qui fait suite à la mort de l'enfant est, par exemple, très intensif dans son déroulement et fortement appuyé par de nombreux effets gores. Cet aspect épique, très bien mis en scène, est le principal atout du film et colle assez bien, finalement, à l'imagerie "howardienne". Autre point fort: le bon rendu d'une atmosphère dark et horrifique via une excellente photographie - qui fait de cette Angleterre sinistrée une sorte de désolation crépusculaire - et de bons effets visuels mettant en forme de nombreuses et inquiétantes fantasmagories. A coté de cela, à défaut d'être très personnelle, la réalisation de Michael J. Bassett est solide et bénéficie d'un montage bien rythmé, avec notamment des chorégraphies martiales toujours très lisibles.

Hélas, le dernier quart d'heure est apte à faire déchanter le plus indulgent des spectateurs. On nous promet en effet pendant une heure un extraordinaire affrontement final entre Solomon Kane et le plus puissant des sorciers que la terre ait portée, et au final, Michael J. Bassett balance sous nos yeux stupéfaits un dénouement vite expédié ou Malachi et Marcus, son âme damnée, ne tiennent absolument pas la distance, ni le rang qui leur a été attribué. L'un, s'il résiste un peu, finit découpé en quartiers par les lames du héros, l'autre de manière pathétique avec une balle entre les deux yeux. Quand au démon invoqué (au design fortement inspiré du Balrog) par ce sorcier d'opérette, il va repartir, penaud, dans sa dimension infernale après avoir démontré son incompétence à attraper un humain trop leste pour lui. C'est que l'on pourrait appeller un climax foireux.

Pour ce qui est de l'interprétation, si, comme je le dis plus haut, James Purefoy inquiète durant une entame ou il ne parvient pas à rendre son personnage impressionnant, il devient moins perfectible dés lors qu'il s'agit d'interpréter un Solomon Kane psychologiquement éprouvé en quête de rédemption. On sent le comédien nettement plus à l'aise dans la peau d'un gentil et, même s'il manque un peu d'envergure et de charisme, il est assez convaincant dans le rôle de ce colosse aux pieds d'argile. Du boulot correct, donc, faute d'être mémorable. Purefoy est épaulé par des seconds rôles assez prestigieux comme Pete Postlethwaite et Alice Krige, deux excellents comédiens qui interprètent les parents de la jeune fille, et Max Von Sydow, guest star qui se voit confié le rôle du père de Solomon Kane. On ne peut que saluer leur présence car, malgré la faible importance tenue par leurs personnages dans le récit, leur volume de jeu amène un plus au déroulement de l'intrigue (on tirera un voile pudique sur Rachel Hurd-Wood, transparente dans la peau de la jeune Meredith). On ne peut en dire autant, hélas, des trois principaux méchants intervenant dans le récit (Malachi, la Sorcière et Marcus). Ce n'est pas tant les comédiens qui sont en cause que la faible place tenue (en minutes et en force) par leurs personnages dans le métrage. Finalement, les vilains vraiment à leur avantage sont trois seconds couteaux qui croiseront plusieurs fois la route du héros.

La conclusion de à propos du Film : Solomon Kane [2009]

Auteur Nicolas L.
60

Spectacle plutôt sympathique que ce Solomon Kane. Il est dommage que l'entame, poussive, et le dénouement, vraiment raté, ne soient pas à la hauteur du reste. A coté de cela, la réalisation de Michael J. Bassett est solide et la mise en forme de cet univers violent et manichéen est vraiment réussi. A voir, donc, si vous êtes amateur de récits épiques musclés et de dark fantasy bourrine mais, attention, si vous êtes fan du personnage d'Howard, sachez que l'on se situe là assez loin de l'univers des nouvelles.

On a aimé

  • Une bonne réalisation
  • Riche en passages très musclés et gore
  • Une atmosphère de dark fantasy bien rendue
  • De bons effets visuels
  • Des seconds rôles prestigieux

On a moins bien aimé

  • Un scénario sans surprise
  • Une entame un peu poussive
  • Un final totalement raté
  • James Purefoy, un peu fade

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