Critique Carrie au bal du diable [1977]

Avis critique rédigé par Nicolas L. le lundi 12 décembre 2005 à 10h51

De Palma et Stephen King, un mélange explosif !

Carrie est une jeune adolescente timide et physiologiquement en retard sur son age. Brimée par ses camarades de classe et étouffée par l’autoritarisme religieux d’une mère abandonnée, elle vit très mal sa différence. Cependant, sa vie va changer lorsqu’elle se rend compte qu’elle possède un don de télékinésie, au moment même où un charmant étudiant semble s’intéresser à sa personne...
Carrie débute à la manière d’une création de David Hamilton – un photographe ‘’arty’’ très à la mode dans les années 70 -, avec une séquence en flou artistique sur des jeunes filles se livrant à une sensuelle parti de volley-ball. Une vision presque onirique, appuyée par la musique envoûtante de Pino Donaggio. Puis on continue dans le même style avec la séquence dans les douches, toujours aussi artistique, avec une pincée d’érotisme ingénu. Et soudain… le sang. Un phénomène banal – le déclenchement d’une première menstruation – rendu dramatique, voir pathétique, par une volée de moqueries, de quolibets et de tampons périodiques jetés au visage d’une enfant terrifiée. Une scène horrible, par sa cruauté mais aussi par le regard désespéré d’une jeune fille plongée en plein cauchemar. Carrie vient d’entamer un véritable chemin de croix qui va la conduire en Enfer, et De Palma nous invite à faire un brin de route avec elle.
Ce générique pose à lui seul la thématique de Carrie, qui est avant tout un film traitant de la cruauté ainsi que du mépris - voir de la haine - pour la Différence. En s’appuyant sur le célèbre roman de Stephen King, Brian De Palma réussis une des meilleurs adaptations jamais réalisée sur une œuvre du ‘’Croque-mitaine de l’Amérique’’. Cela est du en parti, bien sur, du fait que cette histoire se prête parfaitement à un traitement visuel mais aussi aux choix originaux de prise de vue et de montage, comme le split screen et le montage alterné.
En premier lieu, ce qui fait le plus souffrir le spectateur lors de sa vision de Carrie c’est bien la solitude de la jeune fille. Ne pouvant se confier à une mère réfugiée dans l’intégrisme le plus primaire, pour y oublier ses fautes passées et la fuite d’un mari volage, et complètement mise à l’écart au sein de la communauté lycéenne, le jeune fille se retrouve complètement égarée dans un monde hostile et détestable. Elle se réfugie alors dans l’idolâtrie christique la plus basique, encouragée en cela par la seule qui se dit l’aimer ; sa mère. La bouée de sauvetage qui se présente alors sous la forme du jeune Billy n’en prend donc que plus d’importance, et elle s’y raccroche bien sur désespérément. Sans y déceler le terrible piège qui l’attend.
Le clou du film est bien évidemment la séquence du bal de fin d’année. Carrie, et son cavalier, sont élus à la ‘’surprise’’ générale les rois du bal. Ils montent sur scène pour y recevoir leur trophée et l’on a enfin le plaisir de voir la jeune fille radieuse, tout en s’inquiétant terriblement, car De Palma nous met en position de voyeur, nous rendant complice des préparatifs de la mauvaise blague. Puis, c’est la douche froide, un immense baquet de sang de porc qui se déverse sur la pauvre victime. Un évènement qui, après un moment de stupeur, provoque l’hilarité générale, et l’ire de la jeune fille qui se transforme en un mécanisme destructeur.
Au moyen de ses dons de télékinésie, elle va mettre alors un terme à cette mascarade, de manière brutale mais froide, et sans l’extériorisation d’une quelconque haine. Juste avec ce regard glacial et mortel qui jaillit des ses yeux écarquillés, matérialisation de ses sens aiguisés. La toute puissance de cet ange exterminateur est illustrée par une technique qui va rendre le cinéaste célèbre, le split screen.
Si vous suivez la série 24 heures, vous avez été nécessairement confronté à cette technique de montage qui a comme principe la présentation simultanée de plusieurs prises de vue, disposée sous une forme de mosaïque. Si, à mon avis, elle est complètement injustifiée dans le TV Show et ne sert qu’à donner du rythme à une fiction qui n’en a aucun, elle est très révélatrice dans Carrie. En effet, cette succession de cadres multiples met en exergue l’omnipotence de la machine à tuer – elle voit tout, elle est partout ! - qu’est devenue l’adolescente et déstabilise le spectateur qui ne sait plus trop quoi regarder. Une sensation de perte de repère désagréable et très efficace. Et il faut plusieurs visions de la scène pour en décrypter les détails.
A la fin de cet Apocalypse, nul n’aura échappé à son courroux, pas même celle qui restera la seule personne ayant réellement essayé de l’aider. Carrie, bien décidé à détruire la totalité de cet environnement, annihile tout son espace vital sans état d’âme, faisant ainsi table rase sur son passé. Puis, elle rentre chez elle, espérant y retrouver le réconfort qu’une jeune fille est en droit d’attendre d’une famille aimante. Au lieu de cela, elle n’y trouve que le fanatisme, les brimades et le séquestre. Ainsi, avant de s’en aller définitivement, Carrie détruit le dernier lien qui la reliait à cette cruelle réalité : sa mère. Par la mise en scène de cette spectaculaire crucifixion, elle met fin à la vie déchirée de cette femme en lui offrant une ultime récompense ; une reconstitution christique !
Le personnage de Carrie est interprété de manière magistrale par l’actrice Sissi Spacek, qui s’était déjà fait remarqué en 1973 pour son rôle dans le film de Terence Malick, La Ballade Sauvage. Une actrice extraordinaire, à la carrière remarquable, qui offre là une de ses meilleures performances, tout d’abord pleine de tristesse, de sensibilité, de douceur, pour finir sur une démonstration charismatique assez impressionnante. Le jeune prétendant est interprété par John Travolta, période pré-Fièvre du Samedi Soir, dans ce style un peu rock qu’il affectionnait tant. Pas vraiment, il faut le dire, un rôle de composition – A noté que De Palma réutilisera l’acteur dans son excellent Blow Out, le ‘’remake’’ du Blow Up d’Antonioni. Puis, vient la mère, incarnée par Piper Laurie. Une prestation hallucinée, violente, excessive qui a du probablement fortement éprouver l’actrice et qui reste longtemps dans les mémoires du spectateur. Les autres acteurs – Nancy Allen, Amy Irving, William Katt -, des valeurs sures, ne sont d’ailleurs pas en reste.

La conclusion de à propos du Film : Carrie au bal du diable [1977]

Auteur Nicolas L.
90

N’ayons pas peur des mots ; Carrie est un chef d’œuvre. Un roman magnifique exploité de superbe manière par un Brian de Palma au sommet de son art, techniquement et artistiquement parlant. A la fois triste, gênant et terrifiant, le film est servi par une distribution infaillible – Sissi Spacek est particulièrement impressionnante – et restera à jamais une des œuvres majeures du cinéma fantastique. Une véritable leçon de cinéma à voir, à revoir, et à décortiquer.

On a aimé

  • Scénario fort et prenant
  • Réalisation originale et avant-gardiste
  • Sissi Spacek, impressionnante
  • Interprétation générale de qualité.

On a moins bien aimé

  • Le coté caricatural des personnages peut géner

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