Critique Dôme #2 [2011]

Avis critique rédigé par Nicolas L. le mercredi 13 avril 2011 à 13h20

Sous la loupe des masques de cuir

Décidemment, Andy ne pouvait simplement pas croire que ce type disait la vérité. Les flics de Chester’s Mill ne faisaient pas de mal aux gens, ou alors il fallait qu’on les provoque – et pas qu’un peu. Ces brutalités étaient réservées aux grandes villes, là où les gens ne savent pas se conduire. Bien entendu, il aurait aussi affirmé qu’une jeune femme tuant deux flics pour se suicider ensuite était le genre d’évènements qui ne se produisait jamais à Chester’s Mill…

Sous le Dôme de Chester's Mill, la situation va de mal en pis. Sous les effets méphitiques de la peur et du cloisonnement, les petites rancœurs se transforment en pressions, puis en explosions de violence. Cette "deuxième partie" voit se poursuivre l'irrémédiable descente aux Enfers de cette communauté, qui ne pourra s'achever que par son annihilation totale... sous le regard des masques de cuir (les lecteurs?).

Persistant dans une démarche privilégiant le spectaculaire, Stephen King néglige un peu de peaufiner les profils psychologiques de ses personnages pour favoriser l'action et la construction d'une ambiance anxiogène. Il en découle un manichéisme un peu primaire mais justifié car collant parfaitement à cette notion de mise en place de combat entre le Bien et le Mal - un thème qui lui est cher. Jadis petite ville tranquille du nord-est des Etats-Unis, Chester's Mill est désormais une dictature dirigée par Big Jim Rennie, mégalomane illuminé usant, pour maintenir l'ordre, d'une milice composée de sbires aussi cruels qu'incompétents. Une sorte de 3ème Reich version bouseux, avec de la CCM (Christian Country Music) en guise de Horst-Wessel-Lied. En face de lui, un petit groupe hétéroclite de "résistants" qui va essayer de survivre sans subir le joug de ce dictat. Une structure dramatique simple, efficace et... cinématographique. On est loin de ses textes introspectifs de Duma Key et Histoire de Lisey. Ici, Stephen King s'amuse.. et cherche à nous amuser.

A noter que même s'il continue à appliquer les règles du roman choral, Stephen King concentre progressivement le déroulement de l'intrigue sur un petit groupe de personnages. Certains, ayant joué un grand rôle dans l'entame, se voient un peu relégués au second plan (Barbie), d'autres, jusqu'alors en retrait, prennent de l'importance jusqu'à devenir des éléments clés (Le Chef et le premier conseiller, extraordinaire duo de junkies). Fait très rare dans les romans de Stephen King, qui essaie en général de créer des liens très forts entre les principaux protagonistes et le lecteur, ces personnages sont ici assez grossièrement dessinés. On se rapproche ainsi plus des personnages de ses nouvelles. Il en résulte des rapports sociaux abrupts et parfois un peu trop caricaturaux, mais tendus, hauts en couleurs et bourrés d'humour noir, donc purement jouissifs - d'autant plus que le romancier est à l'aise dés qu'il s'agit de mettre en place des situations horribles animées par des personnages haïssables (Big Jim Rennie, Junior et Thibodeaux composent un trio d'ordures absolument délectable).

C'est vrai, dans ce roman, Stephen King pourrait être accusé de faire dans la prêche facile et la morale à deux balles; les méfaits de la drogue, de l'alcool, du racisme, de l'intégrisme, de l'omnipotence. Que des évidences. Mais diantre, force est de reconnaître qu'il fait un bon usage de ces poncifs! Dôme n'est certainement pas son meilleur roman, c'est certain (on pourrait même trouver que le récit s'essouffle parfois un peu dans cette deuxième partie), mais il nous offre ici l'un de ses plus tumultueux et accrocheur de ces dernières années et, cerise sur le gâteau, il n'épargne aucun de ses protagonistes qui en bavent tous sévèrement. Dans Dôme, l'auteur, tel un chorégraphe un brin sadique, met en scène l'implosion d'une communauté qui, au lieu de voir ses concitoyens s'entraider, sombre dans le chaos. L'horreur ne repose donc pas ici sur l'intervention d'une créature quelconque, mais découle du terrible changement d'attitude de certains personnages vis-à-vis de leurs voisins et parfois (anciens) amis.. Chester's Mill devient le lieu d'expression des bas instincts. Et ce bled ne manque pas de tordus.

On le sait; Stephen King a souvent des difficultés à achever ses romans. Ici encore, on est un peu déçu par le final de Dôme même si l'on peut trouver cette conclusion - empreinte de mysticisme - finalement assez logique. La déception vient principalement du fait qu'on la redoute durant toute la lecture les derniers chapitres (les indices sont nombreux), tout en espérant que ce génial écrivain ne cède pas à une solution aussi facile et naïve. Manque de pot, c'est la voie qu'il choisit, un peu comme s'il prenait un malin plaisir à faire un pied de nez à ses détracteurs. Personnellement, je ne lui en veux pas car je n'oublie pas que Dôme c'est plus de 1200 pages de plaisir!

La conclusion de à propos du Roman : Dôme #2 [2011]

Auteur Nicolas L.
85

Il est difficile de dire que ce second livre est moins bon que le premier, tant Dôme doit être appréhendé comme une œuvre unique victime d'un découpage illogique. Tout juste peut-on dire que l'on ressent parfois, au fil des chapitres, une légère baisse de tension et que le dénouement, comme souvent chez King, n'est pas à la hauteur du reste. A côté de cela, on retrouve dans ce "roman 2" la même excellence - dans le canevas dramatique et le style de traitement - qui fait de Dôme l'un des meilleurs romans du maître.

On a aimé

  • Une intrigue très accrocheuse
    Un récit riche en évènements
    Des personnages hauts en couleur
    Un regard sévère sur la nature humaine
    Beaucoup d’humour noir

On a moins bien aimé

  • Une fin un peu décevante
    Des personnages peu attachants

Acheter le Roman Dôme en un clic

Nous vous proposons de comparer les prix et les versions de Dôme sur Amazon, site de vente en ligne dans lequel vous pouvez avoir confiance.

Retrouvez les annonces de nos dernières critiques sur les réseaux sociaux

Sur Facebook | Sur Twitter

Critiques liées

  • Voir la critique de Dôme
    95

    Dôme

    par Nicolas L. | Lecture : 6 mn 46

    Ville sous cloche : Si vous aimez les romans choral de Stephen King, jetez-vous sur cette oeuvre, qui est vraiment ce que ce génial auteur a écrit de …