Critique Ames en stock [2010]

Avis critique rédigé par Vincent L. le mercredi 21 avril 2010 à 12h13

Un film ovni à découvrir...

Première réalisation de la française Sophie Barthés, Âmes en stock rappelle de prime abord Dans la peau de John Malkovich, de part l'incongruité de son scénario, mais également dans sa manière de mettre en abîme une certaine forme de cinéma. Ainsi, ici, le génial Paul Giamatti interprète le génial Paul Giamatti, mélangeant de fait une histoire surnaturelle avec un postulat de départ présenté comme bel et bien réel. Le long-métrage créé ce faisant du faux avec du vrai (et vice versa), amenant très volontairement le spectateur à se perdre dans une sorte de conte traitant de sujets tant métaphysique que psychanalitique. Présenté comme cela, Âmes en stock pourrait faire craindre une oeuvre intellectuellement complaisante à destination d'un public adepte de marginalité cinématographique, sauf que Sophie Barthés traite son sujet avec des trésors d'humour, de subtilité et de références diverses et variées, qui, au final, apparentent son film à une comédie douce-amère ouverte à tous.

La principale barrière qui pourra se placer entre le spectateur et le long-métrage ressort finalement du style humour présent et développé par le film. Loin de jouer sur de traditionnelles ficelles de comédie cinématographique, Âme en stock ressort plutôt du théâtre de l'absurde de Nicolai Gogol ou de Beckett et de ses émules, tant dans son histoire, ses dialogues que son traitement visuel ; autant dire que la spécificité bien particulière de ce comique ne pourra plaire à tous, quiconque n'adhérant pas, au moins sur le principe, à l'absurdité des situations proposées à l'écran sera condamné à ne jamais pouvoir entrer dans le film. Là encore, le parallèle avec Dans la peau de John Malkovich est un exemple efficace, les deux long-métrages jouant sur les mêmes ressorts humoristiques. Plus subtil - même si probablement moins profond - Âme en stock greffe sur une idée de base originale un scénario réellement construit, amenant au final le film plus loin que ce que pouvait laisser penser le pitch de départ.

Si le scénario avait été pensé pour Woody Allen, il apparaît pourtant assez clairement que le script n'aurait jamais pu s'appuyer sur le jeu de ce dernier. En effet, pour mener à bien tous les délires de la réalisatrice, l'acteur principal devait pouvoir posséder une largeur de jeu que n'a clairement pas le réalisateur américain. Grand bien lui en a fait, au final, de proposer le rôle à Paul Giamatti, tant se dernier s'avère exceptionnellement juste. Jouant avec l'image de misanthrope dépressif qu'il véhicule depuis Sideways, Giamatti multiplie les performances sur plusieurs registres. Les scènes de monologues d'Oncle Vanya, récitées de différentes manières suivant qu'il ait ou non son âme - voire qu'il possède l'âme d'un poète russe - sont de purs petits bijous où Giamatti fait litteralement exploser son talent. A côté de lui gravitent nombres d'acteurs tout aussi inspirés - bien que moins mis en avant - au premier rang desquels ont pourra remarquer David Strathairn, Emily Watson ou l'actrice russe Dina Korzun.

Si Âmes en stock permet à son casting de briller, il faut cependant reconnaître à Sophie Barthés qu'elle offre à ses acteurs les moyens de le faire grâce à des dialogues finements écrits. En amenant le film à subtilement se détacher de la réalité grâce à ses textes d'une absurdité revendiquée, la réalisatrice fait souffler un vent de douce folie sur son histoire, l'amenant, au final, bien loin de son point de départ. Cependant, si l'on ne pourra pas retirer au scénario son audace, il s'avère pourtant que le film s'essoufle petit à petit, notamment dans son dernier tiers. Alors que le long-métrage transfère le cadre de son histoire à St Petersbourg, l'histoire racontée semble plus conventionnelle, plus proche des canons habituels utilisés dans ce style de cinéma ; l'originalité du concept de base, assimilée par le spectateur, ne trouve plus suffisamment de matière nouvelle pour savoir correctement se renouveller. Au delà des dialogues et de l'incongruité de certaines situations, les péripéties y deviennent alors plus prévisibles.

Malgré cela, Âme en stock s'avère, sur l'ensemble de sa durée, suffisamment intelligent dans son propos pour offrir au spectateur un nombre conséquent de thématiques et de pistes de réflexion intéressantes, auxquels sont mêlés les insipides problèmes d'un acteur mégalomane insatisfait. Entre problèmes métaphysique, réflexions sociales, regard posé sur la relation amour/haine entre Etats-Unis et Russie et digressions psychanalitiques, Sophie Barthés greffe à chaque péripétie vécue par son personnage principal une pléthore d'idées diverses, auxquelles on pourra cependant repprocher des traitements inégaux, certains étant de manière assez visible plus complets et réussis que d'autres. On regrettera, par exemple, le fait que Katheryn Winnick soit totalement sous-exploitée, et ce notamment dans le passage où elle endosse l'âme de Giamatti, alors que cette transformation semble n'avoir eu sur elle absolument aucun effet.

Visuellement, le film sait ancrer son scénario dans un univers visuel à la fois fort et original ; cela se fait via l'utilisation d'accessoires détournés de leur utilisation première - les lunettes de soudeur pour regarder les tréfonds de l'âme - grâce à une économie de moyen tendant à un minimalisme au niveau des décors - le blanc restant la couleur dominante du film - et par l'utilisation de formes relevant d'un certain art contemporain sophistiqué pour la conception des machines. Le film joue de plus sur le contraste entre, d'une part, ces deux villes esthétiquement très fortes que sont New York et st Petersbourg et, d'autre part, les intérieurs froids et désincarnés caractérisant notamment la clinique d'extraction d'âmes. La mise en scène, quant à elle, s'efface derrière son sujet tout en restant maîtrisée de bout en bout, donnant à ses dialogues ouvertement humoristiques des airs de tragi-comédie.

La conclusion de à propos du Film : Ames en stock [2010]

Auteur Vincent L.
75

Film ovni à mi-chemin entre les scénarios de Charlie Kaufman et les écrits de Nicolai Gogol, Âmes en stock est un petit bijou d'humour absurde magnifiquement dialogué, et tenu de bout en bout par casting inspiré duquel émerge très largement un Paul Giamatti tout simplement exceptionnel. Si l'on pourra juste regretter que le concept s'épuise quelque peu dans la dernière partie du long-métrage - livrant de fait un final légèrement en dessous de la qualité générale du film - Âme en stock fait pourtant preuve d'une inventivité et d'une richesse surprenante. A découvrir !

On a aimé

  • De très bons dialogues,
  • Un casting parfait,
  • Une histoire qui sort des sentiers battus,
  • De nombreuses pistes de reflexions,
  • Un humour absurde subtilement dosé,
  • Une mise en scène qui sait trancender son sujet.

On a moins bien aimé

  • Une dernière partie qui s'essoufle,
  • Quelques thématiques sous-traitées,
  • Humour relevant du théâtre de l'absurde, donc qui pourra déplaire.

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