Critique Maléfices 3ème édition [2006]

Avis critique rédigé par Nicolas L. le jeudi 22 novembre 2007 à 15h43

Le retour du Grand Ancien gaulois

Pour beaucoup le jeu de rôle Maléfices a longtemps été considéré comme une sorte d’Appel de Cthulhu à la sauce franchouillarde. Malgré cela, édité pour la première fois au milieu des années 80 sous l’égide du alors très puissant Jeux Descartes, le bébé de Michel Gaudo se fit une bonne réputation dans le milieu ludique hexagonal… Avant de disparaître en même temps que la société éditrice. Hors, paraît aujourd’hui une troisième édition. Une œuvre réalisée par les éditions du club Pythagore, une association de fans de la première heure qui s’est acharnée durant des années d’absence officielle à faire perdurer un jeu qui leur est cher. Et grâce à leur effort, à l’heure où j’écris ces lignes, il existe désormais deux produits : un épais livre de base et Catéschisme, un supplément réunissant écran de jeu et scénarios. Jetons un œil au premier, si vous le voulez bien…
DU BIEN BEL OUVRAGE
Maléfices, le livre, se présente sous un épais manuel de près de 300 pages. Si l’on peut regretter un peu le choix d’une couverture souple, on se console rapidement en constatant la présence de revers, d’une reliure de haut de gamme et de l’utilisation d’un papier au grain confortable. Ensuite, en feuilletant la bête, l’on se rend compte de sa richesse iconographique, tant au niveau des reproductions des photos d’époque que des dessins purement cosmétiques, très nombreux et marquant d’élégante façon chaque paragraphe. Enfin, la mise en page est claire, chaque section est clairement définie et le texte principal est fréquemment enrichi par des encarts prodiguant conseils et exemples de mise en œuvre.
Ce livre est divisé en trois grandes parties et se clos par des modèles de lames à découper (voir plus loin) ainsi que l’habituelle feuille de personnages.
PARTIE UNE : REGLES ET MECANIQUE DE SIMULATION
Riche d’une soixantaine de pages, cette partie définit de manière précise et imagée la méthode de création de personnages et la mécanique de simulation. Il faut savoir que le système de règles de Maléfices est extrêmement simple. En voici les principes de base:
Un personnage de Maléfices se définit par quatre aptitudes principales qui sont les Aptitudes Physiques, la Perception, l’Habileté et la Culture générale. La valeur de base de ces Aptitudes est de 10, ce chiffre étant ajusté par l’introduction de modificateurs dépendant de la profession du personnage, de son age, et d’un jet de D100 destiné à déterminer sa Constitution. Comme vous pouvez le constater, la procédure est hyper simple et ne prend pas plus de 10 minutes.
Après cela, jeu « spirituel » oblige, vous devez déterminer deux Aptitudes intellectuelles qui sont l’Etat d’Esprit et la Spiritualité de votre personnage. Si l’Etat d’Esprit peut être comparée à la Santé Mentale de l’Appel de Cthulhu, la Spiritualité est en quelque sorte l’aplomb spirituel, une valeur chiffrée de la foi. Ces deux Aptitudes, souvent utilisées comme Palier dans les confrontations surnaturelles ou les « jets d’intuition », ont une valeur de base de 10 qui se verra modifiée lors des tirages des Lames du Grand Jeu de la Connaissance.

Les deux nouvelles lames de la troisième édition

Le Who Is Who de Maléfices ?
Chaque personnage possède une profession. Dix-huit sont présentées dans ce livre – d’autres, avec un peu d’expérience de jeu, pourront être facilement créées. Sachez cependant qu’il faudra veiller à créer un groupe homogène (pour éviter les groupes ridicules composés d’un agriculteur, un général de brigade et un bibliothécaire parisien) et que les personnages féminins ont nettement moins de choix (période oblige). Chaque profession procure des Avantages dans un domaine particulier. Des avantages qui entraînent, en fonction de leur degré de maîtrise, des bonus dans la détermination des Paliers lors de la résolution des actions.
Les Lames de la Connaissance
Lors de la création de son personnage, le joueur devra tirer les cartes dans un jeu de tarot spécial. Pour cela, la règle de base propose en fin de livre des modèles de lames à photocopier et à découper – notez que le supplément Catéschisme fournit quand à lui un jeu complet en couleur, superbement illustré. Le joueur devra tirer quatre lames et, avec l’aide du meneur de jeu et du livre de règle, interpréter leur signification. Si certaines lames sont très explicites, comme des modifications d’Aptitudes ou des bonus divers, toutes sont également des aides à la création. Elles offrent des interprétations et des idées pour aider le joueur à donner une véritable personnalité à son personnage. Sachez aussi que ces lames seront également utilisées dans le jeu pour influencer certaines conséquences d’action, comme le niveau de gravité des blessures.
Et comment ça marche ?
Comme disait le regretté Garcimore, c’est très simple. En fait, toutes les conséquences des actions des personnages sont déterminées par l’utilisation d’une table de résolution unique (la Table des Paliers). Cette table fixe non seulement la réussite ou non d’une action entreprise mais également la qualité de la réussite ou l’importance de l’échec. Pour cela, il suffit de croiser dans la table le résultat d’un jet de D100 avec l’un des 20 paliers situé en abscisse. Le choix du Palier dépend de la valeur de l’Aptitude (ajustée par quelques modificateurs de circonstances et de profession). Encore une fois, c’est très simple. Certains diront trop simple… c’est sûr.
Le bilan : oui… mais
Personnellement, je trouve que ce système de règle possède les inconvénients de ses avantages. C’est vrai, il est très facile à assimiler et la durée de création des personnages – bien qu’elle soit ralentie par le tirage des cartes – est très courte. La mécanique est complètement transparente au cours de la partie, et permet vraiment au joueur de s’imprégner de l’atmosphère du jeu. Mais bon, le problème majeur est que l’arbitraire est souvent de mise, notamment dans la détermination des degrés de maîtrise dans les modificateurs de qualité. Qu’est-ce qui différencie un expert en égyptologie d’un spécialiste ? On n’en sait rien. Un aspect d’autant plus gênant que le seul fait de décaler votre test d’un Palier ou non peut carrément vous faire réussir ou rater votre action. Même constatation sur le système des Niveaux de Réussite, qui restent très vagues dans leurs descriptions. Ces deux éléments me laissent à penser que les parties de Maléfices, contrairement aux idées reçues, doivent être dirigées par des meneurs de jeu expérimentés.

PARTIE II : L’UNIVERS DE MALEFICES
Le gros morceau, avec pas moins de 128 pages dédiées à la description de la France sous la IIIème république. Une véritable encyclopédie réalisée par Daniel Dugourd, professeur d’Histoire de son état. Bien que de nombreux passages de cette partie ne soient aucunement indispensables à la bonne tenue d’une partie de Maléfices, il serait vraiment dommage de s’en priver, tant la lecture est agréable et d’une excellente qualité pédagogique. Certaines sections me semblent de plus incontournables.
On peut en effet négliger, du moins dans un premier temps, certains descriptifs purement historiques, comme les différents régimes politiques, la structure législative et exécutive de l’état et son éphéméride évènementiel très précis. Mais il me semble difficile d’éviter le chapitre Guide de la Belle Epoque et Vivre à la Belle Epoque. Car finalement, cette période de notre histoire nous est assez méconnue, l’amalgame étant souvent fait avec les Années Folles. Hors, une guerre terrible sépare les deux périodes, une guerre ayant entraîné une véritable mutation des mentalités.
Daniel Dugourd développe aussi, à travers deux chapitres dédiés, les structures policières du pays (avec les fameuses Brigades Mobiles de Clemenceau) et un guide général sur les Sciences et Croyances. La première partie est extrêmement bien documentée et le fonctionnement des services de police de la IIIème république n’aura plus de secrets pour vous. Dans la deuxième, le joueur de rôle s’interessera bien sûr plus aux descriptifs ésotériques que scientifiques. Sachez cependant que l’auteur ne s’étend pas trop sur le sujet. Avec seulement trois pages regroupant des domaines aussi variés que l’occultisme, la Franc-maçonnerie, le satanisme, le spiritisme et autres mouvements philosophiques et théosophiques, cette section fait office de parent pauvre dans un ouvrage autrement très riche. Mais enfin, comme l’on dit communément : la voie est tracée. Libre à vous de la développer par vos propres recherches… si vous le désirez. Le bilan ?
Vraiment de l’excellent travail. On aimerait que tous les jeux de rôle à ambiance « historique » bénéficient d’un tel support. On sent à travers les lignes que Daniel Dugourd a essayé de nous communiquer toute la passion qu’il éprouve pour la période, en mettant l’accent sur les grandes différences entre la France de la Belle Epoque – bouillonnant mélange de traditionalisme et de modernisme - et sa glorieuse et moderne voisine britannique (celle de Sherlock Holmes et de la reine Victoria). Il se penche aussi à effacer toute confusion pouvant être faits entre cette période et les plus connues Années Folles. Du grand art. Dommage que le domaine ésotérique ne soit pas plus approfondi.

PARTIE 3 : LES SCENARIOS
Deux scénarios concluent l’ouvrage. Le premier est un scénario d’introduction aux règles et à l’univers de Maléfices. Intitulé La Jeune Fille et la Mort, il peut se jouer en une seule séance et amènera les personnages joueurs au théâtre. Mais attention, pas n’importe quel théâtre, celui du Grand Guignol, célèbre lieu présentant les pièces les plus saisissantes dans le domaine de l’épouvante. D’ailleurs, en cette soirée de générale, il semblerait que tous les évènements horribles présentés ne soient pas que des artifices…
Le deuxième scénario est nettement plus long, et exige de nombreuses « tenues », comme l’on dit en certains endroits. Invités à une cérémonie commémorative en la mémoire d’Arthur Rimbaut, les personnages vont quitter la capitale pour la ville de Charleville. Sur place, ils auront affaire à un tueur psychopathe, une tombe profanée et des escrocs en tout genre. Ce scénario, l’Enfant de la Colère, est vraiment étonnant, totalement non linéaire, et enrichi par de géniales aides de jeu (coupures de journaux, extraits de poèmes).
Le bilan ?
S’il fallait démontrer la profonde différence entre l’Appel de Cthulhu et Maléfices, ces deux scénarios en seraient la preuve concrète, tant ces deux histoires - bien différentes dans leur thème - sont éloignés de l’univers Lovecraftien. Ici, la peur et le fantastique sont juste esquissés pour être devinés. Ils flottent dans les airs, mélangeant leurs parfums avec les autres senteurs propres aux histoires policières et aux intrigues crapuleuses ou simplement romantiques. Un excellent choix, donc…

La conclusion de à propos du Jeu de rôle : Maléfices 3ème édition [2006]

Auteur Nicolas L.
80

Maléfices, le jeu qui sent le souffre, renaît de ses cendres. Et franchement, c’est une bonne chose. Le système des règles n’a pas changé, ou très peu, et me convainc toujours aussi peu par ses approximations et ses référées à l’arbitraire, mais je dois aussi admettre qu’il colle plutôt bien à l’esprit « role-play » souhaité par les auteurs. La partie Encyclopédique est, malgré une partie ésotérique à mon goût un peu délaissée, un véritable régal à lire et un ouvrage à elle seule. Quand aux deux scénarios, ils remplissent parfaitement leur rôle : présenter l’aspect totalement atypique de Maléfices.

On a aimé

  • Bonne qualité du matériel
  • Règles simples
  • Une partie encyclopédique admirable
  • Deux scénarios bien choisis

On a moins bien aimé

  • Des faiblesses dans la mécanique de simulation
  • Une partie ésotérique qui mérite d’être plus développée

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