Critique Tainted Grail [2021]

Avis critique rédigé par Gaetan G. le mardi 8 février 2022 à 12h00

50 nuances de Graal

Perso, j’ai toujours adoré les titres mêlant exploration, combat et forte composante narrative – au grand dam de ma femme, d’ailleurs, vu la place que toutes ces boîtes commencent à prendre à la maison…

Les jeux appartenant à cette catégorie sont tous très différents. Chacun s’efforce de proposer un gameplay et/ou un univers original, l’objectif étant d’emmener le joueur dans une direction radicalement nouvelle.

Leur point commun, en revanche, est que ce sont tous des jeux experts destinés à un public de niche. Financièrement, déjà, tout le monde n’est pas prêt à mettre les 150 à 200 €uros nécessaires pour se procurer un The 7th Continent, un Gloomhaven ou un Descent v3.

Et ne parlons pas de l’investissement en temps ! Avant même de commencer à jouer, il faut déjà se fader des règles de plusieurs dizaines de pages, auxquelles se rajoutent la lecture des nombreuses FAQ officielles et non-officielles qui pullulent sur les réseaux. La norme tourne autour d’une bonne quarantaine d’heures par campagne, avec une rejouabilité telle que l’on ne fera jamais qu’effleurer tout le contenu offert.

Ça vous fait peur ? C’est clairement dommage, car c’est aussi – et surtout – un genre capable de vous offrir de monstrueuses claques ludiques. Le prix de vente élevé donne les moyens de réaliser un matériel aux petits oignons, et de prendre le temps de développer un univers riche et cohérent. La durée de jeu permet de prendre le temps de poser sa narration, et d’alpager le joueur pendant toute la durée de ladite campagne. Les heureux possesseurs d’un The 7th Continent ou un Gloomhaven le confirmeront sans peine : ce sont des expériences qui marquent durablement une vie de joueur, et qui valent largement les efforts auxquels on a consenti !

Tainted Grail, le titre que l’on va chroniquer aujourd’hui, appartient de plein pied à cette catégorie. Mais plutôt que de pousser les potards à fond, le titre d’Awaken Realms tente au contraire de démocratiser l’expérience. Le titre est en effet livré avec un fascicule de 4 pages qui fait office de tutoriel et détaille les principales mécaniques du jeu. De plus, il se trouve à 110€, ce qui est plutôt bon marché pour ce type de boîte…

L’essai est-il transformé, et le titre parvient-il à se hisser au rang d’incontournable ? Est-il un bon choix pour s’initier au genre, ou se destine-t ’il avant tout aux vieux routards ? C’est parti pour un tour détaillé de la bête !

De quoi est-ce qu’on cause ?

Vu d’avion, on peut dire que l’expérience de Tainted Grail repose principalement sur 5 grands piliers :

  1. Un univers fort ;
  2. Une narration exceptionnelle, sans doute la plus travaillée que l’on ait vu dans un jeu de société ;
  3. L’Exploration ;
  4. Une mécanique de combat innovante ;
  5. Une composante de gestion de ressource aussi présente que frustrante.

Passons en revue ces différents points.

1. Un univers mature et travaillé…

Tainted Grail prend place dans un univers médiéval fantastique fortement inspiré des légendes Arthuriennes :

« Avalon fait face à un péril mortel : la Mort Rouge, qui avait poussé ses habitants à s’y installer, est de retour. Les grands héros de la Table Ronde se mobilisent pour rejoindre Camelot et y trouver de l’aide. Mais ils ne reviendront pas. Ce sont à de simples paysans et reclus qu’échoit la mission. La contrée est menacée par des forces qui les dépassent, personne ne croit en leur réussite. Pourtant, ils n’ont pas le choix ! »

Première constatation, on est très loin des contes traditionnels avec des gentils chevaliers en armure scintillante. Ici, tout est glauque et poisseux. La noirceur et l’anéantissement menacent à tout moment de se répandre sur le monde. Au sens littéral, d’ailleurs : le jeu va tourner autour des menhirs, des structures magiques qui parviennent tant bien que mal à éloigner les ténèbres (appelées le Wyrd dans la terminologie du jeu). Hélas, leur magie est vacillante : il vous sera impossible de trop vous en éloigner, et vous aurez besoin de grosses quantités de ressources pour les maintenir en activité. Sinon, c’est le game-over rapide et assuré.

La boîte contient 4 héros : Béor, Ailein, Arev et « Larve ». Chacun d’entre eux dispose d’un solide background, avec ses forces, ses failles, ses faiblesses et ses secrets honteux. C’est toujours amusant de découvrir progressivement que son personnage est en fait un salopard fini : ça laisse le temps de s’attacher à lui et de se sentir bien mal à l’aise…

Bref, l’ambiance générale est suffisamment sombre pour coller le bourdon à un Bisounours sous Tranxène. Ce n’est pas un défaut en soi, mais il vaut mieux en être conscient avant de commencer l’aventure… Tainted Grail n’est pas vraiment un jeu pour se remonter le moral, on finit rarement un scénario avec des papillons pleins les yeux.

Autre point à signaler, l’univers commence à faire des petits. Il existe en effet un jeu vidéo, intitulé Tainted Grail : Conquest sorti début 2020. Le titre semble plutôt bon, si l’on en croit son score de 82% sous Metacritic. Les deux titres proposent une expérience étonnamment similaire, basée sur l’exploration et le deck-building. Difficile de dire si l’on assiste au démarrage d’une franchise, j’imagine que cela dépendra avant tout de l’accueil du public.

2. Une narration de premier plan

L’aventure en elle-même se compose de 15 scénarios successifs, avec de multiples embranchements suivant les choix des joueurs. Pour cela, l’aventure utilise un énorme livre de script. Ce dernier comporte une multitude de paragraphes numérotés, et on va de l’un à l’autre en fonction de ses choix (« allez au 122 si vous fouillez le cadavre, ou au 412 si vous passez directement à la salle suivante »).

C’est un système plutôt classique dans les titres narratifs. Il est déjà abondamment utilisé dans la précédente réalisation d’Awaken Realms, le fabulissime This War of Mine (que je vous invite vivement à essayer si vous ne connaissez pas).

Cependant, la philosophie derrière est complètement différente. This War of Mine propose une multitude de petites scénettes indépendantes qui sont appelées aléatoirement via des cartes événement. Tainted Grail, à l’inverse, repose sur un déroulement globalement linéaire. L’objectif va donc être d’altérer (plus ou moins fortement) le déroulement du récit en fonction des actions précédentes du groupe.

Pour cela, le jeu utilise un système d’achievements, à la manière de Gloomhaven par exemple. Le livre de script vous demandera parfois de cocher un statut sur le livret de campagne. Plus tard dans le jeu, vous serez peut-être emmenés dans des chemins différents suivant les achievements que vous aurez validés précédemment.

Les auteurs n’y sont pas allés de main morte, puisque le livret de campagne comporte 70 statuts différents. Ils n’ont pas tous la même importance – certains vont juste vous amener une ligne de dialogue supplémentaire quand d’autres vont changer la fin du jeu – mais le système permet une personnalisation poussée de chaque campagne.

La rejouabilité du titre est donc monstrueuse, surtout quand on considère qu’une campagne complète demande grosso-merdo 50 heures de jeu.

Le niveau d’écriture du titre est excellent. On est au niveau d’un Sherlock Holmes détective conseil, c’est-à-dire qu’on est parfois à la frontière entre le livre et le jeu de société. Cela pourra d’ailleurs poser problème si vous jouez à plusieurs : le narrateur qui va lire le texte aux autres devra être de bon niveau, faute de quoi il risque d’endormir rapidement son groupe.

Les anglophones sont fortement invités à télécharger la companion app du jeu. Elle comprend notamment la lecture de certains textes, avec un narrateur inspiré qui parvient à donner une ambiance incroyable aux parties.

3. First they meet

Après l’univers et la narration, place maintenant à la première mamelle du gameplay : l’exploration… Là encore, à première vue, Tainted Grail fait le choix d’un système éprouvé. On vient placer des cartes sur la table afin de constituer progressivement l’aire de jeu. Chaque carte comporte le numéro des cartes adjacentes, ainsi que le numéro d’un paragraphe du livre de script qui va présenter le lieu et indiquer toutes les actions qu’il est possible d’y réaliser. La plupart des cartes disposent de plusieurs versions différentes, en fonction de l’avancement de l’aventure et/ou des actions accomplies par le groupe:

Vu d’avion, tout cela peut sembler très similaire au The 7th Continent. En pratique pas du tout, la philosophie des deux titres est en effet complètement différente. Le The 7th Continent repose en effet sur le gigantisme et les grands espaces, et il n’est pas rare de remplir sa table de cartes. Tainted Grail, au contraire, mise plutôt sur la claustrophobie et le recours permanent aux hors-champs.

La zone de jeu fait à peine une quarantaine de cartes, mais il est rare d’en avoir plus d'une dizaine en même temps sur la table. Comme on l’a dit plus haut, les joueurs devront en permanence se tenir à proximité des dolmens, car ce sont les seules structures capables de repousser les ténèbres et les créatures terrifiantes qui les peuplent. Or, leur magie s’atténue un peu plus à chaque tour, et les ressources pour les régénérer sont précieuses.

Le plus souvent, il sera même préférable « d’éteindre » un dolmen inutile afin d’éviter un gaspillage des ressources correspondantes. De plus, la plupart des monstres « disparaissent » lorsqu’ils basculent en hors champs, le groupe aura donc le plus souvent intérêt à limiter au maximum l’aire de jeu.

4. Then they fight

Et des rencontres, il va y en avoir… Tainted Grail propose d’ailleurs un mécanisme franchement original pour les gérer. Il existe deux voies différentes, l’affrontement et la diplomatie, mais elles se gèrent exactement de la même manière.

Il est fortement déconseillé de faire l’impasse sur le combat – certains monstres voudront quoi qu’il arrive se faire les dents sur le groupe, et la fuite n’est pas toujours une option – mais la diplomatie n’est pas là que pour faire joli. Elle peut potentiellement débloquer un grand nombre de situations tendues.

Regardons comment cela se passe en pratique. Voici un exemple de rencontre aléatoire:

Le combat proprement dit se gère avec les symboles à droite : le joueur actif va venir placer des cartes de sa main à la suite de la carte du monstre, en tentant de relier des symboles entre eux. Le joueur place une carte, applique ses effets, le monstre tape, et ainsi de suite jusqu’à ce qu’un des deux protagonistes morde la poussière ou que le joueur essaie de fuir.

Certains symboles nécessitent d’avoir un score minimal dans une des 6 caractéristiques du héros (agression, empathie, courage, prudence, pragmatisme et spiritualité). D’autres nécessitent de dépenser de la magie, et d’autres n’ont pas de contrainte particulière. Certains symboles permettent enfin de jouer d’autres cartes en plus sur le tour, ce qui est bien utile pour coller la petite blessure qui manque pour tuer le gros balèze qui veut vous hacher menu (et accessoirement éviter une de ses attaques).

En plus de cela, certaines cartes sont dotées d’une capacité de combat. Il s’agit d’un effet qui se déclenche en général immédiatement, même certaines cartes ont un effet différé qui se déclenchera dans un tour ultérieur.

Chaque symbole relié occasionne une blessure : lorsque le total de blessure du monstre et/ou du héros est identique à son total de point de vie, celui-ci est vaincu et le combat se termine immédiatement. Le hic, c’est que plus les monstres sont blessés plus ils deviennent dangereux, d’où la nécessité parfois de jouer plusieurs cartes l’une derrière l’autre pour achever la créature avant qu’elle ne contre-attaque.

Il est également possible de fuir la plupart des combats, mais ce n’est pas sans conséquence : le héros perd une énergie et la plupart des créatures infligent une attaque d’opportunité au fuyard.

A l’usage, le système se révèle un peu brouillon les deux ou trois premiers combats (le temps que l’on commence à maîtriser son deck), puis il commence à révéler son plein potentiel. L’iconographie associée est claire (il y a seulement 6 symboles différents, et leur fonctionnement est logique).

5. Chérie, ils ont mis du Kubembois dans mon Ameritrash !

La dernière composante du jeu est lié à la gestion des 4 ressources du jeu : il y a la nourriture, la magie, la réputation et la richesse.

Au début, la nourriture est relativement facile à collecter. Mais d’autres zones plus avancées en sont tout simplement dénuées. Un héros en bonne santé physique et mentale peut se passer de nourriture un jour sur deux sans trop de conséquences, là où un héros en mauvaise posture sera tellement affaibli qu’il ne pourra quasiment plus réaliser d’actions. La magie sert notamment à régénérer les dolmens et le groupe va devoir en consommer régulièrement. La réputation représente le « capital sympathie » de votre groupe. Sans réputation, les diverses rencontres du jeu ont beaucoup plus de chance de mal se terminer… 

Or, Tainted Grail est vicieux car l’accumulation de ressources n’est jamais une bonne stratégie. Certains monstres ont la capacité de vous piquer tout ou partie de vos maigres possessions, et certains événements vont affecter très négativement les écureuils assis sur une grosse pile de noisettes.

Il est donc nécessaire de dimensionner les stocks au plus juste, et c’est doublement bien vu. Tout d’abord, c’est raccord avec le thème : le monde se meurt, la solution ne passe pas par le pillage de ses ruines. De plus, cela maintient une pression permanente sur le groupe.

Cependant, la frontière est ténue avec l’injustice… A Tainted Grail, il est possible de passer 2 heures à farmer des ressources, et de les perdre en 5 minutes chrono à la suite d’une mauvaise rencontre. Puis de crever misérablement faute de pouvoir régénérer les menhirs et/ou nourrir convenablement tout le monde.

Il m’est arrivé de commencer un scénario mourant, fou, sans bouffe et sans ressources pour créer des menhirs. Autant dire que dans ces conditions la suite ressemblait plutôt à un immense chemin de croix, au point où j’ai recommencé l’aventure. D’une certaine manière ce fut un mal pour un bien. J’ai investi sur d’autres compétences utiles à la survie. Plutôt que de stocker, je me suis efforcé de générer de la magie et des ressources naturellement, afin de diminuer le temps consacré à la collecte et d’éviter les surplus.

Mais au début, sachez-le : la collecte de ressource est une étape indispensable, chronophage et pas forcément hyper passionnante. Une manière, peut-être, d’allonger la durée de vie du titre au forceps.

Les puristes ajouteront pour finir qu’il existe une sixième ressource à gérer : l’expérience. Celle-ci va permettre d’augmenter ses caractéristiques, selon un système bien vicieux. Vous avez remarqué que les caractéristiques sont opposées deux à deux ? C’est voulu, et le coût de progression est proportionnel au score que vous avez dans la paire : ainsi, un personnage qui cherche à être « moyen partout » aura besoin d’autant d’expérience qu’un personnage hyper spécialisé qui a maximisé quelques caractéristiques. Il est également possible d’acheter de nouvelles cartes pour ses decks de combat ou de diplomatie, afin d’augmenter votre efficacité.

Il y a 66 upgrades possibles (36 compétences plus 30 cartes propres à son personnage) autant dire qu’on peut vraiment se faire un héros à sa main. Cerise sur le gâteau, la montée en puissance de votre personnage se ressent vraiment en jeu.

Accessibilité maximale

Voilà, vous savez l’essentiel sur le titre. La mécanique est complexe, fort heureusement le titre a vraiment travaillé son accessibilité. Tainted Grail est livré avec un livret « prêt à jouer » de 4 pages. Celui-ci présente les principaux concepts du jeu, sous une forme ludique et simplifiée. Il comprend également un scénario didacticiel très bien fichu qui présente les différents aspects du jeu (évènements, exploration, combat, collecte de ressources, etc.). En théorie, c’est un scénario solo même si techniquement rien n’empêche de le faire en groupe. L’éditeur met également à disposition des vidéos de présentation.

Une fois ce scénario bouclé, on peut passer à la lecture des règles proprement dites. Elles font 24 pages, et se lisent sans souci particulier. Cependant, c’est là où ça se complique… La FAQ anglaise, disponible sur le site d’Awaken Realms, ne s’applique pas à la VF puisque les erreurs de la VO ont été corrigées à la localisation. En revanche, la VF n’est elle-même pas exempte d’erreurs ! Certaines sont recensées sur les forums de BoardGameGeek, d’autres étaient accessibles sur les forums Edge qui ont été débranchés l’été dernier. A ma connaissance, donc, il n’existe donc pas de FAQ exhaustive dédiée à la VF.

J’imagine que les francophones pourront se débrouiller avec les forums de Tric-trac, même si je vous avoue que personnellement j’ai beaucoup de mal à y trouver une information propre et claire. Dans l’absolu, cependant, inutile de pinailler : l’éditeur a fait un travail gigantesque pour travailler la prise en main de son bébé, et c’est vraiment un gros plus sur un jeu de ce calibre.

Une DA qui ne va pas vous redonner le sourire

Tainted Grail est un jeu cher, puisqu’il se trouve à environ 110 €uros dans toutes les bonnes crémeries. Mais le matos derrière est à la hauteur de l’investissement demandé. Contrairement à pas mal d’autres titres financés via Kickstarter, le titre ne mise pas sur un déluge de figurine. Il n’y en a que 8 (1 par héros, 1 pour les monstres et 3 pour les menhirs) mais la qualité est au rendez-vous et c’est bien là l’essentiel… Jugez-en plutôt :

J’imagine que ça ne surprendra personne, mais les menhirs en question n’ont rien à voir avec les gros cailloux portés par Obélix. Il s’agit plutôt d’autels païens, réalisés à partir d’un assemblage de dépouilles humaines.  On l’a dit plus haut, l’ambiance du titre ne fleure pas vraiment la joie de vivre et la déconne.

La base de ces figurines est creuse car elle est destinée à accueillir un cadran, une sorte de pièce octogonale que l’on vient tourner à chaque tour pour indiquer le nombre de points de vie qu’il leur reste. Objectivement, ce système n’est pas une réussite. Le chiffre est difficile à lire sous un éclairage tamisé, et le cadran a une furieuse tendance à se barrer dès qu’on touche à la figurine. Ce problème peut être résolu en appliquant un lavis noir aux cadrans, ce qui fait nettement ressortir les reliefs et donc les chiffres. Peut-être est-ce l’incitation qu’il vous fallait pour que vous mettiez à la peinture ? Par exemple, sur la photo ci-dessous, bonne chance pour lire le chiffre en question:

Chaque joueur bénéficie d’un plateau de jeu en deux partie (une base standard plus une tuile de personnage à insérer dedans – j’imagine que les auteurs ont choisi ce système car il y avait des personnages additionnels en stretch goal lors du KS), mais aussi :

  • D’une lettre de départ qui lui présente les motivations de son avatar ;
  • D’une carte imitation parchemin ;
  • D’un deck individuel de 30 cartes.

Des cartes, il y en a beaucoup. Il y en a 774 pour être précis, de toutes les formes et de toutes les couleurs :

  • 559 cartes standard (124 rencontres, 120 cartes de deck, 200 cartes standard pour le combat ou la diplomatie, 9 statuts, 92 évènements, 11 séparateurs)
  • 72 cartes grand format (63 lieux, 9 aides de jeu)
  • 143 cartes petit format (42 secrets, 65 objets, 36 compétences)

Rajoutons à cela deux dés customisés et 121 marqueurs en plastique (10 cadrans, 4 pions quête, 4 pions temps, 115 marqueurs universels) et on a fait le tour du matériel.

La Direction Artistique de Tainted Grail est parfaitement cohérente, chaque élément du titre bénéficiant d’une « patte » aisément reconnaissable.

Attention, ça va piquer

Et ce n’est pas votre première partie qui va vous redonner le sourire. En droit pénal, on appelle même ça un bizutage. Blague à part, les débuts sont très difficiles. Il y a 3 manières possibles de remporter le premier scénario : 2 chemins sont ouverts à un seul personnage, et encore pour peu qu’il fasse le bon choix au bon moment. Le troisième chemin est ouvert à tous, mais là encore il demande un enchaînement bien précis et il se termine sur un combat bien balèze.

En dehors de ça, point de salut : vous pouvez tout à fait passer trois heures à crapahuter la campagne et mourir lamentablement au pied de votre menhir qui s’éteint comme une vieille chandelle.

Après, ça s’arrange (un peu) mais le challenge global reste toutefois relevé. Tainted Grail se rapproche en cela des Dark Souls : il vous laisse expérimenter librement mais punis impitoyablement les erreurs… Les joueurs sont placés en insécurité permanente : les rencontres aléatoires peuvent survenir à peu près n’importe quand, et il suffit d’un affrontement qui dérape pour mettre le groupe à terre. La collecte de ressource consommera également l’essentiel de l’énergie du groupe. La peur du manque est bien là, car le game-over n’est jamais bien loin lorsque la terreur monte et que les ressources s’épuisent…

Pire, le jeu vous confronte à des choix en permanence mais ne vous permets jamais vraiment de deviner le bon chemin à l’avance. On appuie donc sur des boutons un peu au hasard, en se prenant une fois sur deux une bonne baffe au passage. Forcément, cela ne plaira pas à ceux qui ont besoin de garder le contrôle de la situation. En pratique, il ne faut pas hésiter à revenir à la dernière sauvegarde si le scénario est vraiment mal engagé.

Car oui, il est possible de sauvegarder son aventure à chaque fin de chapitre. C’est cool, mais cela peut être aussi une pression supplémentaire : chaque scénario dure environ 3 heures, mais ce temps peut varier plus ou moins fortement selon les chemins suivis.

Après, l’aventure est dure mais pas insurmontable. Si nécessaire, les règles contiennent quelques ajustements qui permettent de réduire la difficulté – au moins pour un premier run. Bref, tout le monde devrait pouvoir y trouver son compte même si l’expérience de base offre un joli challenge.

Quelques conseils pour bien commencer

Voici, pour finir, quelques conseils pour bien commencer vos premières parties. Rendons à César ce qui appartient à César, il s’agit du guide stratégique d’Awaken Realms, initialement posté sur BoardGameGeek et traduit en français par mes soins.

La gestion de l’énergie est primordiale. N’oubliez pas que l'entretien des menhirs et l'acquisition de ressources seront limitées à chaque jour par la quantité d'énergie du groupe. Évitez les choses qui gaspilleraient votre énergie et essayez de guérir vos blessures aussi vite que possible, afin de limiter la perte d’énergie correspondante.

Vous n'êtes pas obligé de manger tous les jours. Si vous êtes en pleine santé, que votre terreur est nulle et que vous êtes déjà épuisé, alors il est préférable de sauter un repas et de le conserver pour plus tard.

Si votre groupe comporte plusieurs personnages, il est prudent que chacun se spécialise. Par exemple, pour un groupe de 4 : un personnage qui joue le rôle d’'explorateur, avec les compétences et les objets appropriés, un combattant, un expert en menhirs et un diplomate.

Gardez à l'esprit que vous n'êtes pas obligé d'utiliser le menhir jusqu’à ce qu’il s’épuise. Certaines compétences vous permettront même de déplacer son pouvoir ailleurs ou de le récupérer. Ainsi, vous pourrez « recycler » les menhirs dont vous n'avez plus besoin !

Entreprenez des actions risquées (Rencontres, Exploration) tôt dans la journée, pendant que vous avez encore des réserves d'énergie, au cas où quelque chose tournerait mal. De même, gardez les actions de personnage et de lieu standards, dont le déroulement est prévisible, pour la fin.

Rassemblez le plus tôt possible les ressources nécessaires à l’activation d’un Menhir de votre choix. Vous ne saurez jamais quand le jeu jettera un obstacle sur votre chemin et vous forcera à faire complètement autre chose !

Les grandes villes sont des endroits parfaits pour vous équiper. La plupart d’entre elles ont un marché qui vous proposera généralement plusieurs articles à la vente. S’ils ne vous conviennent pas, vous pouvez toujours quitter le marché, tenter votre chance dans une autre exploration et revenir plus tard pour y trouver de nouveaux d'objets. Si vous passez suffisamment de temps à faire votre shopping, vous trouverez peut-être exactement ce dont vous avez besoin.

Si vous avez un énorme stock d'une ressource donnée, cherchez des moyens de la convertir en d'autres choses. Par exemple, la réputation peut être transformée en magie ou en richesse dans certains lieux.

Ne voyagez pas sans une bonne raison de le faire. Attendez d'avoir au moins deux ou trois choses à faire dans une région (tâches, actions de localisation, interactions verrouillées, etc.) avant de vous y déplacer.

N’hésitez pas à vous exercer au Combat et à la Diplomatie, si possible avant même de commencer la campagne. Prenez votre deck et combattez des monstres sélectionnés au hasard en essayant différentes stratégies. Jouer sans craindre les conséquences vous aidera à découvrir de nouvelles tactiques et à améliorer votre jeu.

En cas de doute, n’hésitez pas à fuir une Rencontre. Les victoires à la Pyrrhus vous feront subir des dégâts excessifs et réduiront la quantité d'énergie dont vous disposez. Cela étant, ne soyez pas intimidé par tous les monstres ! La plupart des personnages sont tout à fait capables de vaincre les rencontres de difficulté 1, voire même certaines rencontres de difficulté 2, avec seulement leurs decks et leurs attributs de départ, avec des pertes de santé minimales.

Ne négligez pas le volet diplomatie du jeu. Bien qu'elles soient un peu plus rares que les rencontres de combat, les rencontres diplomatiques offrent de meilleures récompenses et surtout elles évoluent avec le nombre de membres du groupe. Un bon Diplomate peut être un aout de choix pour l’équipe.

A combien faut-il jouer ?

Tout cela donne des indices sur la dernière question qui reste en suspens, à savoir quelle est la configuration optimale pour se lancer dans l’aventure.

Le titre est parfaitement accessible en solo, mais ce n’est pas une configuration recommandée pour un premier run en raison de la hausse de difficulté associée. On l’a dit, le système d’expérience favorise les personnages très tranchés et spécialisés. Si vous jouez tout seul, il n’y a donc que des mauvais choix : soit vous jouez un personnage moyen dans plusieurs domaines (et vous allez galérer à peu près partout), soit vous jouez un spécialiste (et il y aura ponctuellement de gros pics de difficulté quand le jeu vous imposera de varier les approches). De plus, certaines rencontres n’ont pas de niveau de difficulté ajustée au nombre de joueurs, ce qui est toujours meugnon quand on est tout seul…

La configuration à 4 héros est recommandée par les auteurs, et c’est celle qui vous permettra de profiter au maximum de l’aventure. En revanche, cette configuration souffre d’un souci de rythme. Vu que le temps n’est pas franchement notre ami, il n’est pas rare de se séparer en deux groupes de deux afin d’explorer plus efficacement Avalon. Ce qui veut dire que de temps en temps, bah, vous allez devoir attendre que l’autre groupe accomplisse l’exploration d’un lieu ou achève un combat tendu. C’est un défaut inhérent au genre, ni plus ni moins présent que dans un The 7th Continent par exemple…

La configuration à 2 ou à 3 héros est une sorte d’entre-deux : les possibilités stratégiques du groupe sont un peu réduites, mais les problèmes de rythme sont nécessairement moins présents. Le ou les personnages non présents servent en quelque sorte de « vie supplémentaire » : ils peuvent rejoindre l’aventure en cours de route si un héros mors la poussière. En revanche, ils démarrent en bas de l’échelle et sans expérience, ce qui n’est pas forcément facile à gérer en cours de jeu. Néanmoins, j’ai beaucoup apprécié cette configuration.

Ma préférée reste cependant la configuration en « 2 fois 2 », c’est-à-dire avec 2 joueurs qui gèrent chacun 2 personnages. Le premier joueur se spécialise dans les decks (avec un premier héros orienté combat et l’autre diplomatie) tandis que l’autre se spécialise dans l’exploration, la collecte de ressources et la gestion des Menhirs. Cela permet de créer facilement deux sous-groupes de 2, et donc de minimiser le temps où on doit gérer ses 2 personnages en même temps.

Et voilà, vous avez tout… Maintenant, comme on dit, Yapluka !

L’essentiel en quelques mots

Public cible : expert et adulte. Evitez de sortir le titre avec Tatie Michelle (ou alors vous voulez toucher l’héritage, petit coquinou) ou avec vos enfants (c’est quand sacrément morbide…)

Nombre de joueur : 1 à 4. Plus fluide à 2 ou 3, plus riche à 4

Durée de partie : 15 scénarios de 3 à 4 heures pièce (comptez la moitié en second run)

Interaction : collaboratif

Rejouabilité : monstrueuse. Le récit offre 70 embranchements pour tenir compte de vos décisions

Accessibilité : le titre est livré avec un scénario didacticiel qui facilite vraiment la prise en main. En dépit de cela, la mécanique reste difficile à maîtriser… La courbe de progression est donc importante, au point où il n’est pas déconnant de recommencer une campagne en cours de route.

La conclusion de à propos du Jeu de société : Tainted Grail [2021]

Auteur Gaetan G.
85

Tainted Grail appartient à la grande famille des Dungeon-Crawler, ces titres qui reposent sur l’exploration, le combat et surtout une forte composante narrative capable de retenir le joueur le temps d’une campagne qui s’étire sur une quinzaine de scénario.

Sans dire que le genre est bouché, disons que la concurrence est y rude car on peut y trouver un bon nombre d’excellentes boîtes… Tainted Grail ne tente pas de s’en démarquer par la mécanique. Bien au contraire, il assemble pleins d’idées piochées ici ou là : la carte du jeu, par exemple, est formée de pleins de petites cartes que l’on vient assembler au fur et à mesure de ses pérégrinations (comme le Septième Continent), tandis que l’interactivité du récit utilise un gros livre de script et un système proche des Livres dont Vous Etes le Héros (comme This War of Mine). La seule mécanique un peu plus originale est liée au système de combat et de diplomatie. Elle repose sur le deck-building, et elle est pensée pour faire fortement évoluer son héros au fil de l’aventure. En pratique, ce système se révèle cohérent, efficace et pour tout dire vraiment agréable à utiliser.

La grande force du titre, en revanche, c’est sa narration. Les auteurs ont réussi à trouver un bon compromis entre la maîtrise du rythme (l’aventure comporte globalement un déroulement linéaire) et la prise en compte des choix des joueurs (il y a 70 statuts différents qui viennent changer plus ou moins fortement le déroulement d’une campagne). Le titre bénéficie en outre d’une companion-app très bien fichue qui renforce énormément l’immersion et le plaisir de jeu. Elle sera cependant réservée aux anglophones, vu qu’elle n’a pas été localisée en français.

Le résultat se révèle à la mesure de la Direction Artistique du titre : fort, âpre et sans compromis… Sachez-le, Tainted Grail est difficile, avec un premier scénario qui attaque dur, histoire de mettre dans le bain, et un rythme qui ne se relâche jamais vraiment par la suite. En cas de besoin, le manuel comporte heureusement quelques variantes afin de réduire la difficulté, mais en un sens c’est dommage car cette dernière fait indubitablement partie de l’expérience…

C’est certain, le titre ne parlera pas à tout le monde : il faut aimer la lecture, ne pas avoir peur des ambiances sombres et poisseuses, et surtout être prêt à se sentir en danger en permanence. Si ce descriptif ne vous fait pas peur, foncez sans l’ombre d’une hésitation ! Tainted Grail a d’excellents atouts à faire valoir. Loin d’être une pâle copie des titres à la mode, il possède son identité bien à lui et saura vous accrocher sur le long terme.

On a aimé

  • Des mécaniques piochées un peu partout, mais assemblées avec soin
  • Durée de vie démentielle (environ 50 heures par campagne, avec une excellente rejouabilité)
  • Une DA magnifique et cohérente de bout en bout
  • Une expérience narrative de haut niveau, pour ne pas dire la plus travaillée sur le marché
  • Gros travail sur l’accessibilité. Tainted Grail est un jeu expert, mais tout a été fait pour faciliter la prise en main
  • Un univers qui fait des petits ! Les fans pourront prolonger l’expérience sur PC avec Tainted Grail : Conquest
  • Une aventure ultra-personnalisable (70 embranchements du scénario, 66 cartes d’améliorations de vos decks, etc.)
  • Excellent à deux (pour peu que chacun s’occupe de 2 personnages)

On a moins bien aimé

  • Un univers mélancolique et torturé qui ne conviendra pas à tout le monde. Dépressifs s’abstenir !
  • Difficile, parfois punitif, voire même carrément injuste à certaines occasions
  • La companion-app sous Android/MacOs apporte énormément d’un point de vue confort et immersion, mais elle est dispo uniquement en anglais
  • Pas de FAQ sur les problèmes spécifiques de la VF. C’est pas critique, mais c’est pour le principe ! Grrrrrrr !
  • Pas facile de jouer à 4, comme souvent avec ce genre de jeu. Il y a beaucoup de textes à lire, et il y a parfois des moments où l’on regarde ses petits camarades sans rien faire (vu qu’on se sépare régulièrement en plusieurs groupes)
  • Un sacré investissement en temps (encore une fois, 15 scénars de 3 à 4 heures par campagne)

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