Critique Bandits bandits [1982]

Avis critique rédigé par Nicolas L. le mardi 12 juin 2007 à 16h05

A travers les portes du Temps

Endormi, un jeune garçon se laisse emporter dans un univers peuplé de la matérialisation de son imaginaire. Prennent ainsi vie soldats, pirates, personnages légendaires et historiques, au cours d’aventures extravagantes et échevelées.
Time Bandits (un titre plus judicieux que le ridicule Bandits Bandits, qui ne veut strictement rien dire) est l’expression des prémices d’une séparation annoncée, le fruit d’une future déchirure qui se fera dans la dignité : celle des Monty Python (Seul le Sens de la Vie les réunira tous à nouveau, pour une dernière fois). Car Time Bandits est l’œuvre de Terry Gilliam et de Michael Palin, les deux représentants les plus fous d’une bande qui poussait pourtant déjà très loin les limites de l’excentricité. Se retrouvant comme deux véritables électrons libres, les trublions peuvent alors laisser exploser leur imaginaire, en grande partie attisé par le sens du conte et du baroque. Car si Eric Iddle et John Cleese étaient les porteurs de l’humour cynique britannique, si Terry Jones et le regretté Graham Chapman amenait la dose de loufoquerie dans le team, on peut affirmer que Terry Gilliam et Michael Palin étaient les deux poètes des Monty Python. Surtout Terry Gilliam d’ailleurs, seule composante burger de cette équipe essentiellement rosbif (bon, c’est vrai Terry Jones est Gallois, mais je ne connais pas de plats gallois…).
Time Bandits raconte l’histoire d’un rêve. Rien de révolutionnaire en soi, on retrouve le même thème dans nombre de films « jeunesse » comme les Royaumes du Nord, Princess Bride et consorts. Mais Time Bandits est dans le fond très différent de ces œuvres féeriques de pur divertissement (qui cultivent le manichéisme puéril le plus absolu – vous remarquerez que je n’ai pas prononcé le mot Disney… zut, c’est fait) car Terry Gilliam s’y adresse plus aux adultes qu’aux enfants. Il use en effet d’un rythme soutenu, peu explicatif, et bourré de clins d’oeils qu’un esprit trop jeune ne peut saisir. Aussi, si un enfant peut sans nul doute s’amuser des situations comiques habitant le métrage, un individu plus mur (et attentif) le percevra d’une tout autre façon. Tout au long de ce film, le cinéaste va aussi faire montre de son fort goût pour les univers baroques et les atmosphères « comedia del’arte ». Cet aspect récurrent de son cinéma, que l’on retrouve dans Brazil ou Le Baron de Munchausen, est assez déstabilisant dans un premier temps, le ton outrancier et le sur-jeu étant de mise. Ainsi, il y a des chances que les non initiés préfèrent les passages les plus « American comedy », comme la visite chez Agamemnon et le bref passage sur le Titanic que les extravagances d’un Napoléon ridicule admirant des spectacles de marionnettes. Et pourtant, pourtant, en décryptant bien cette dernière séquence, on s’aperçoit comme elle peut se révéler riche en symbolique politico-philosophique.
Comme un raccord en fin de film le prouve, le monde imaginaire de Kevin est essentiellement composé d’exemplaires de ses jouets, auxquels il a donné vie. A la fois témoin et acteur, l’enfant traverse donc les âges sans encombre, de la bataille de Castiglione au naufrage du Titanic, en passant par la forêt de Sherwood et la Mycènes antique. Comme de bien entendu, personne ne s’étonne de sa présence, de son accoutrement anachronique et de son appareil photo. Mais, malgré toutes les tribulations vécues dans ces endroits historiques, c’est finalement le monde des légendes qui a la primauté, l’honneur d’être le sujet le plus exposé. Quoi de plus normal, vu que ce spectacle est le fruit de songes enfantins ? Le monde des légendes n’est-il pas l’endroit où tout est permis ? C’est à ce moment que l’on verra se confirmer le fait - avec amusement - que l’Etre Suprème est selon toute évidence l’incarnation métaphorique de l’autorité parentale (solennel, presque ennuyeux dans son strict costume deux pièces et adepte de la punition style « range ta chambre ») alors que le Mal, lui apparaît comme farceur, enthousiaste et joueur.
Il est aussi intéressant de noter que Kevin n’effectue pas son voyage tout seul mais en compagnie d’une équipe de lutins gaffeurs et chamailleurs. Ils croient avoir piqués la carte des portes du temps à l’Etre Suprême et le fuient, pour éviter la punition « divine » mais surtout pour profiter pleinement d’une liberté d’agir comme il leur sied. A la manière des sept nains, ils représentent chacun une facette caricaturée à outrance de la personnalité de l’enfant et au final ils se montreront incapables d’œuvrer efficacement, victimes de leurs désaccords. Comme vous le voyez, on assiste à une démarche de psychologie enfantine, ce qui rend le film également très instructif en deuxième lecture.
Au niveau de l’interprétation, Terry Gilliam et Michael Palin ont convié bon nombre de leurs amis à participer à la fête. Du coté des Monty Python, seul John Cleese est là, étirant sa dégaine dans le rôle d’un Robin Hood flegmatique. Mais quelques comédiens de haut vol sont venus donner la réplique dans ce film à sketches. Ian Holm incarne Napoléon, Sean Connery Agamemnon, Shelley Duvall est méconnaissable en Pansy, Peter Vaughan joue un gentil ogre victime d’un lumbago, le distingué Ralph Richardson interprète l’Etre Suprême alors que David Warner nous surprend à faire le pitre dans le rôle du Mal. Mais le personnage le plus en vue est David Rappaport, un acteur nain de grand talent dont le suicide en 1990 a très fortement touché Terry Gilliam (c’est la mort de l’interprète du débrouillard Randall qui a ôté au cinéaste le désir de construire une suite à ce film).
Maintenant, le film souffre de certaines carences. A mon humble avis, je trouve que la qualité des sketches est inégale. De plus, certains bénéficient d’une longueur peu justifiable. Le plus pauvre (attention, je ne veut pas dire qu’il est nul, il est juste moins original) est sans doute celui d’Agamemnon, pourtant il est l’un des plus exposé. De là à dire que l’on voulait profiter au maximum de la notoriété de Sean Connery, il n’y a qu’un pas. Ensuite, ce montage à « épisodes » peut contribuer à plomber le rythme et susciter chez le spectateur une retombée de l’intérêt (un phénomène très souvent constaté dans les films à sketches) notamment chez les plus jeunes. Rien de grave cependant…

La conclusion de à propos du Film : Bandits bandits [1982]

Auteur Nicolas L.
75

Time Bandits est le premier film (pas tout à a fait vrai, il y eu Jabberwocky en 1977, officiellement non signé par les Monty Python) de Terry Gilliam non réalisé sous l’égide des Monty Python, un métrage onirique. Le seul de ses compères du Flying Circus qui participe à sa construction est Michael Palin (écriture du scénario). Et pour un premier essai - même s’il est loin d’être le film le plus réussi du plus anglais des américains - on peut dire que c’est une réussite. Le film est amusant, présente plusieurs niveaux de lecture et les acteurs sont à l’aise et talentueux. Le sens de l’absurde est moins présent que lorsque les auteurs du Holy Graal travaillent de concert mais cet aspect est remplacé par un humour décalé et une atmosphère baroque et poétique. Un film annonciateur de futurs chefs d’œuvre comme Brazil ou l’Armée des Douze Singes.

On a aimé

  • Scénario divertissant et réfléchi
  • Atmosphère baroque et esprit de conte bien rendu
  • Interprétation de haut vol

On a moins bien aimé

  • Quelques chutes de rythme

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