Critique Alvin et les Chipmunks 3 [2011]

Avis critique rédigé par Jonathan C. le samedi 17 décembre 2011 à 02h40

L'aventure extérieure

affiche Alvin 3

Toi, lecteur curieux. Toi, cinéphile déviant. Toi, adepte discret des pitreries animalières cinématographiques de bas étage qui ne sont pas Babe, le cochon devenu berger. Toi qui lis ces premières lignes, toi qui ne trouves jamais personne (oses-tu d’ailleurs demander ?) avec qui aller voir Le Chihuahua de Beverly Hills et qui souffre de cette force mystérieuse et honteuse poussant à entrer discrètement dans une salle blindée de bambins impatients (précision : tu n’es pas un pédophile, tu veux seulement voir Marmaduke sans avoir à attendre de pouvoir le télécharger), saches que tu n’es plus seul et que tu t’apprête à lire une critique d’Alvin et les Chipmunks 3 par un individu qui a apprécié les deux premiers et qui, pire, a aussi aimé Garfield 2 (mais pas le premier, faut pas pousser), Comme Chiens & Chats et Mission-G (ainsi que les titres cités quelques lignes plus haut), qu’il a tous vu au cinéma.

Alvin et Simon

En partant en croisière, les Chipmunks, les Chipettes (doublées par Amy Poehler, Anna Faris et Christina Applegate) et leur maitre Dave (toujours Jason Lee, ça lui change de chez Kevin Smith) délaissent un peu le showbiz, le bling-bling, les projecteurs et la success story (les Chipmunks sont déjà célèbres)…ou presque, puisqu’ils se rendent aux Music Awards, ou ils sont attendus pour assurer un concert. Mais à force d’accumuler les bêtises, ils se retrouvent tous à la mer, embarquant dans leur malheur le pauvre Ian (toujours David Cross, d’abord vu dans les Men in Black et Disjoncté avant d’avoir des rôles plus importants dans Eternal Sunshine of the Spotless Mind, L'An 1 et surtout Small Soldiers, Scary Movie 2 et la série Arrested Development, et il double Crane dans les Kung-Fu Panda), l’ancien producteur véreux reconverti en bouffon de croisière. Heureusement (ou pas), ils trouvent refuge sur une île déserte. Les Chipmunks mâles et femelles ayant perdu la trace de leur Dave de maitre, qui de son coté les cherche activement, ils vont devoir apprendre à se débrouiller seuls, bien qu’ils rencontrent une naufragée loufoque (Jenny Slate, qui a fait ses armes au Saturday Night Live et chez Jimmy Fallon), étonnement propre et belle pour une nana qui vit sur une île déserte depuis 9 ans.

les Chipmunks 3

Il convient d’abord de rappeler d’où viennent ces petits écureuils chanteurs, devenus des phénomènes de la culture pop. Créé aux Etats-Unis en 1958 par le compositeur Ross Bagdasarian, ce groupe imaginaire composé de trois tamias, le fougueux Alvin, l’intello Simon et le pataud Theodore (qui étaient en fait les noms des trois patrons de la maison de disque de Bagdasarian), se caractérise par leur voix aiguë, résultante d’une accélération des enregistrements vocaux, en premier lieu par le biais d'un magnétophone. Le son produit, universellement rigolo, se rapproche un peu des vocodeurs actuels, ou d’une voix sous helium. L’un de leurs titres les plus célèbres est leur chant de Noël (vous connaissez forcément : http://www.dailymotion.com/video/x3zqk3_alvin-et-les-chipmunks-the-christma_music ). Depuis 1959, les Chipmunks ont sorti une trentaine d’albums, ont été les stars de plusieurs émissions (le Ed Sullivan Show et ses marionnettes) puis ont été adaptés en séries animées, une un peu oubliée dans les années 60 et une autre plus célèbre dans les années 80 (c’est d’ailleurs dans celle-ci que les Chipettes, l’équivalent girls des Chipmunks, font leur apparition). C’est en 2007 qu’ils occupent enfin les salles de cinéma, bien qu’ils fussent déjà les héros de plusieurs longs métrages d’animation, The Chipmunk Adventure de Janice Karman pour la MGM (sorti au cinéma en 1987, il fut un énorme échec commercial et critique) puis le doublé Alvin et les Chipmunks contre Frankenstein et Alvin et les Chipmunks contre le loup-garou, téléfilms réalisés par Kathi Castillo pour Universal en 1999 et 2000. Produit par le fils de Ross Bagdasarian (tout comme les films d'animation précédemment cités, dans lesquels Bagdasarian Jr. assurait aussi le doublage des Chipmunks et de Dave) et écrit par le scénariste des Simpson, le film Alvin et les Chipmunks était loin d’être un chef d’œuvre, mais il attirait la sympathie pour ses petites bestioles animées par la cute attitude et dont les voix accélérées amusaient la galerie. Jason Lee y tenait indirectement le rôle de Ross Bagdasarian lui-même à ses débuts. Après ce gros carton au box-office, Alvin et les Chipmunks 2 en rajoutait une couche avec les Chipettes, toujours dans le milieu du showbiz, les deux films pastichant gentiment American Idol & Cie. Notons que les Chipmunks ont récemment rencontré le célèbre René la Taupe pour le morceau Rock la vie !, mais j’avoue ne pas avoir poussé le vice jusqu’à l’écouter.

les Chipmunks

En toute modestie, Alvin et les Chipmunks 3 remplace la petite satire du showbiz et du star system du premier film (qui reprenait la trame de la success-story) et le pastiche teen movie du second (qui surfait sur la vague des High School Musical) par un récit initiatique sur le sens des responsabilités, initiation qui concerne particulièrement Alvin (toujours doublé par Justin Long), auquel il est au début difficile d’accorder la moindre confiance, au grand dam de Dave. Vaniteux et égoïste, le leader turbulent des Chipmunks met tout le monde dans le pétrin à cause d’un de ses 400 coups, et va ainsi devoir se racheter une conduite, se retrouvant à gérer un groupe comme Dave gère ses Chipmunks (la comparaison avec Dave n’est d’ailleurs pas du goût d’Alvin). Sous le poids des responsabilités et des enjeux, Alvin devient ainsi plus mature, l’impulsif devient plus réfléchi, tandis que Dave confirmera sa fibre paternelle envers les petites bestioles, qu’il considère comme ses propres enfants plus que comme de simples animaux domestiques. La relation entre Dave et Alvin est d’ailleurs celle d’un père avec son fils en pleine crise d’adolescence. Pour Justin Long, « Le message s’adresse davantage aux adultes qu’aux enfants ! » Le premier film était une représentation de l’enfance (les orphelins recueillis par un père adoptif), le second abordait l’adolescence (d’où son aspect teen movie, avec premiers amours), et le troisième marque la maturité. Par ailleurs, l’histoire de pardon concerne également le pauvre Ian/David Cross, sidekick qui deviendra un vaillant allié dans l’aventure malgré son costume de mascotte ringard, ainsi que la naufragée, personnage à priori attachant, décalé et candide qu’un twist grotesque mais bienvenu révèlera sous un jour moins lumineux (ce qui, dans un Alvin et les Chipmunks, est plutôt surprenant), nous épargnant d'ailleurs une éventuelle romance avec Dave. Quand à Simon, il devient fou et se prend pour un valeureux héros warrior (« Simone », doublé par Alan Tudyk), dans un trip espagnol qui n’est pas sans évoquer le délire de Buzz dans Toy Story 3. Pour ce qui est de la « psychologie » (un bien grand mot), ça s’arrête là, et ce n’est d’ailleurs pas pour ça qu’on va voir un film avec des Chipmunks…

les Chipmunks 3

La principale attraction ici comme dans les deux précédents opus, c’est de voir des petits écureuils animés reprendre avec leur voix si particulière les grands tubes du moment et d’autrefois, et ce en toutes circonstances, même paumés sur une île déserte. C’était très drôle au début du premier Alvin et les Chipmunks, ça l’est moins dans le troisième (car c’est finalement toujours la même chose), mais le procédé reste amusant et les voix vocodées forcent à sourire. Les films Alvin et les Chipmunks, c’est un peu des juke-box de reprises façon Chipmunks. Les chansons chantées par les écureuils sont cette fois plus adaptées à leurs situations, en témoigne d’ailleurs leur répertoire : ils chantent notamment Survivor de Beyoncé Knowles, S.O.S. de Rihanna, ou encore Bad Romance de Lady Gaga.

Comme dans Les Schtroumpfs ou Hop (des mêmes producteurs, tiens tiens), Alvin et les Chipmunks 3 exploite l’idée éculée mais ludique des petites créatures fantaisistes plongées dans un milieu qui leur est inconnu, et trop grand pour elles. Avec ses animaux domestiqués qui se retrouvent dans leur milieu naturel d’origine, dans lequel ils se sentent totalement perdu, le film reprend l’argument de Madagascar 2 et du The Wild de Disney. Débutant comme un « film de croisière » avec moult péripéties sur un paquebot de rêve (c’est déjà un peu mieux que nos La Croisière ou Bienvenue à bord bien de chez nous) avant de virer au « film de naufragés » d’abord dans l’eau puis dans des paysages de rêve (l’île paradisiaque), ce Alvin et les Chipmunks 3 assure plus l’aventure que les deux premiers films, qui se déroulaient en ville, dans des intérieurs fades, et affichaient une bling-bling attitude irritante, que délaisse grandement ce troisième film définitivement moins hip-hop et moins teen, mais toujours très enfantin. Bien qu’il ne s’y passe pas grand-chose non plus (autre que des chamailleries ou Simon qui se bat avec un poisson carnivore sans aucune raison), si ce n’est pendant un final aussi volcanique qu'expédié, Alvin et les Chipmunks 3 avance pépère dans un cadre exotique bienvenu en cette période si froide (mais dans le fond chaleureuse) des fêtes de Noël. Il faut dire que l’équipe est allé filmer à Cocoa Beach et à Port Canavera en Floride, ou même à Hawaii (et aussi à Vancouver, mais c’est moins glamour), d’où cette agréable sensation de vacances paradisiaques, d’autant plus que le réalisateur n’est pas avare en plans larges sur les paysages ou sur la mer. Du coup, on s’y sent bien, même si les Chipmunks & Cie ont l’air d’aventuriers en herbe sans aventures à vivre. Jason Lee a déjà plus d'activité que dans Alvin et les Chipmunks 2, ou il était cloué à un lit d'hôpital pendant tout le film, et il forme ici avec David Cross un tandem plutôt sympathique, aussi chamailleur que les petits rongeurs qu'ils recherchent.

Simon

L’humour est évidemment très enfantin, se résumant principalement à des gags burlesques (la séquence du cerf-volant est trépidante), à des chamailleries (une course-poursuite pour s'accaparer un fruit) et, bien entendu, aux reprises humoristiques de chansons célèbres. Mais cette fois le film ne verse pas dans la vulgarité à base de pets et de rôts (absents ici). On peut aussi y trouver des clins d’œil amusants au Gollum du Seigneur des AnneauxMon précieux »), à Titanic (facile) et surtout au Seul au Monde de Robert Zemeckis (la naufragée collectionne les ballons et les balles en guise d’amis imaginaires). Les scénaristes (qui étaient déjà à l’œuvre sur le deuxième film) faisaient cependant preuve d’un peu plus de finesse dans les Kung-Fu Panda, qui racontaient également une initiation à la maturité et l'apprentissage des responsabilités. Sur le premier film, le scénariste des Simpson se permettait, notamment via le personnage caricatural du producteur, une critique inoffensive, simpliste voir hypocrite sur le capitalisme, le showbiz et plus particulièrement le marché de la musique d’aujourd’hui. Révélés par leur titre le plus célèbre (le fameux chant de Noël), symbole d'une époque révolue (les années 60), les Chipmunks, "fashionisés", finissaient, au contact du maléfique producteur Ian, par chanter du R’n’B merdique, du rock, de la pop, du reggae et du hip hop, en tout cas de la soupe formatée. Ils étaient déclinés en goodies, avaient des hordes de fans, étaient fringués comme des cailleras (cf. les affiches), avaient tout ce qu’ils voulaient et allaient devenir de purs produits commerciaux. Le message, un minimum virulent, était à peine masqué par une morale mielleuse sur la famille. Mais ce premier film avait le mérite de ne pas être si tendre avec l'industrie de la musique. Sur son île déserte, Alvin et les Chipmunks 3 n'a plus grand-chose à raconter.

les Chipettes 3

Techniquement, c’est dans la lignée des précédents films, en plus coloré (cadre exotique oblige). Il n’y a pas une grande évolution dans l’animation par rapport aux autres films du même genre (animaux/créatures animés dans un film live), rien de transcendant pour un budget un peu plus important que ceux des précédents films (60 et 75 millions). Les Chipmunks ressemblent toujours autant à des peluches vivantes (d’autant plus que la texture des fourrures est palpable), ce qui les rend particulièrement mignons pour qui a le cœur tendre (peut-être même toi, inconditionnel de Michael Bay), le problème étant que Jason Lee a trop souvent l’air de parler dans le vide (ce qu’il fait, d’ailleurs) et que les incrustations des bestioles en CGI dans les décors réels ou en interaction avec les acteurs ne sont pas toujours justes, comme dans les autres opus. En clair, ça manque de vie, le comble étant que les bestioles stars ont l’air plus naturelles que des acteurs assez mauvais (mais peu nombreux, puisqu’il n’y a ici que trois personnages humains), à l’exception d’un David Cross toujours aussi drôle (son personnage de producteur loser et cabotin est le meilleur de la saga) qui passe toute la durée du film dans un costume kitsch de canard.

les Chipmunks 3

S’il a commencé sa filmographie avec la comédie débile Gigolo à tout prix (surpassée par sa suite, l’inénarrable Gigolo malgré lui) et qu’il a discrètement travaillé sur le INLAND EMPIRE de David Lynch, Mike Mitchell, habitué aux divertissements familiaux puisqu’il réalise Famille à louer (avec un Ben Affleck sans-amis envahissant le quotidien de James Gandolfini pendant les fêtes de Noël), L'Ecole fantastique (sorte d'Indestructibles en film live avec Kurt Russell) et Shrek 4 (qui rattrapait un peu la purge qu'était Shrek le troisième) en plus de doubler Andy dans Le Chat Potté et Wedgie dans Monstres contre Aliens. Mitchell fut très tôt un pro de l’animation, puisque ses premiers courts métrages remarqués étaient déjà des films d'animation. Le cinéaste a donc un certain savoir-faire dans la technologie (aussi bien pour les humains en prise de vue réelle que pour les animaux qui parlent en CGI), comme ses deux prédécesseurs, Tim Hill (Les Muppets dans l'espace, Garfield 2, Hop) et Betty Thomas (Dr. Dolittle, à noter qu’elle produisait justement le Famille à louer de Mike Mitchell). Avec ce savoir-faire mais sans grande inspiration, il trousse ici un petit film d'aventures enfantin sans prétentions, plutôt ludique et parfaitement adapté aux vacances de Noël (donc n'emmenez pas par erreur vos enfants voir Père Noël Origines), comme il le serait aussi aux vacances estivales.

Alvin 3 affiche allemande

La conclusion de à propos du Film : Alvin et les Chipmunks 3 [2011]

Auteur Jonathan C.
50

Sorti comme d’habitude pile pour les fêtes de fin d’année (tous les 2 ans il y a du Chipmunks pour Noël dans les salles), Alvin et les Chipmunks 3 est un divertissement pas désagréable qui ravira les enfants même si, au rayon des films de Noël, il ne fait pas le poids face à Happy Feet 2, Hugo Cabret ou même Mission : Noël. Mais en préférant le soleil à la neige, ce film pop et coloré dégage un charme exotique relaxant qui détonne en cette période hivernale. C’est par ailleurs assez court (1h25) pour ne pas laisser le temps de s’ennuyer, bien qu’il ne s’y passe presque rien malgré l’aventure croisière + île déserte et que les Chipmunks soient fatiguant à la longue, comme des enfants turbulents qu’on voudrait envoyer au lit pour regarder un film tranquillement. Les tubes repris par les Chipmunks fonctionnent à plein régime, et c’est le principal intérêt d’un film avec des petits rongeurs qui ont la capacité de chanter. Alvin et les Chipmunks 3 respecte l’esprit festif et le charme un brin ringard de ces bestioles teigneuses et bavardes mais aux bouilles si mignonnes.

On a aimé

  • Un cadre exotique agréable
  • D'amusantes reprises à la Chipmunks
  • Plus d'aventure, moins de bling-bling teen
  • Pas de gags pipi-caca
  • Des bestioles mignonnes

On a moins bien aimé

  • Mignonnes mais agaçantes, ces bestioles...
  • Un scénario maigre
  • Réalisation sans éclats
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