Critique El Borak, Intégrale [2011]

Avis critique rédigé par Nicolas L. le vendredi 18 novembre 2011 à 00h51

Cités perdues, sectes sanguinaires et querelles de sang

Le couloir tournait brusquement vers la droite et les lampes étaient éteintes sur cette portion. Gordon saisit une de celle, allumée, du premier couloir et poursuivit son chemin. La pente se fit de plus en plus prononcée au point qu’il dû freiné sa descente en plaquant une main contre la paroi. Les murs étaient taillés dans la roche. Il savait qu’il se trouvait dans la montagne sur laquelle le temple avait été érigé. Il pensait qu’aucun des habitants de Yolgan n’était au courant de l’existence de ces tunnels, à l’exception des moines ; Yasmeena n’en avait assurément pas connaissance. Il grimaça en songeant à la jeune femme. Dieu seul savait où elle se trouvait à cette instant précis, mais il ne pouvait lui venir en aide avant de s’être lui-même échappé de ce trou à rats…. (La fille d’Erlik Khan).

Neuvième ouvrage de la collection Howard chez Bragelonne, El Borak est un recueil de nouvelles nous narrant les tribulations orientales et asiatiques de Francis Xavier Gordon, un aventurier américain originaire du Texas, état natal de l'écrivain. Très librement inspiré du britannique Lawrence, mais aussi de plusieurs personnages romanesques du début du 20ème siècle, Gordon, alias El Borak (le rapide, en arabe) s'impose comme le parfait archétype du héros pulp rencontré dans les textes d'avant-guerre. Aussi fort et incorruptible que brave et généreux, l’américain a acquis le respect, sinon l’amitié, des farouches peuples et tribus arabes, pathans et afghans. Oeuvrant loin de son pays d’origine, Gordon peut être présenté comme un reflet contemporain de Conan. En effet, si le héros cimmérien a quitté le monde barbare pour acquérir gloire et renommée au coeur d'un monde civilisé (l'Aquilonie), El Borak effectue le parcours inverse (il quitte le monde occidental pour celui de l'aventure exotique).

Au cours de ses aventures, El Borak va visiter des cités interdites légendaires, sauver des belles princesses en péril, échapper à des fanatiques sanguinaires, redessiner le paysage politique de l’Afghanistan, affronter des créatures gigantesques et, bien évidemment, terrasser de puissants et cruels criminels, agents européens et mégalomanes. Fidèle à son temps, afin de nous décrire les exploits de son héros, Robert E. Howard n’hésite pas à employer les qualificatifs les plus excessifs et abuser des métaphores, transformant El Borak en un surhomme quasi invincible (il est capable de grimper une falaise à la force de ses bras, tuer un gorille à mains nues, et battre à l’épée une dizaine de guerriers aguerris). En fait, force est d’admettre que si le procédé fonctionne assez bien avec des héros épiques comme Conan ou Kull, projeté dans un environnement moderne, il entraîne parfois le récit dans le domaine du ridicule (n’oublions cependant pas de se replacer dans le contexte de l’époque). Enfin, on sourit souvent lorsque l’écrivain nous dresse le portrait des membres des tribus locales, en usant des clichés les plus éhontés – avec un regard très occidental porté sur les us et coutumes de ces peuplades barbares (par contre, on se rend bien compte que Howard s’est bien documenté sur les particularismes géopolitiques et historiques de ces contrées lointaines).

El Borak est composé de sept nouvelles de longueurs conséquentes, traduites et compilées par Patrice Louinet, spécialiste d'Howard et responsable de cette collection, plus une introduction et étude du personnage (toutes deux de Patrice Louinet). On y retrouve la plume de l'auteur texan, écrivain qui aimait à mêler les styles, et qui fait de ces récits un étonnant mélange de classicisme victorien, de légèreté pulp et de modernisme (certains passages présentent un niveau de violence rarement rencontré dans les textes de l'époque). Toutes ces histoires s'appuient sur des intrigues assez bien ficelées - même si Howard se laisse parfois aller à quelques facilités - ,ne manquent pas d'action et de prouesses héroïques et exploitent des personnages exotiques hauts en couleurs. Petit tour d'horizon:

 Les épées des collines (30 pages): fuyant son ennemi, le hongrois Gustav Hunyadi, et sa bande de turcs, El Borak trouve un refuge dans Attalus, une cité bâtie jadis par Alexandre le Grand dans les montagnes afghanes. S'il y rencontre un ami, l'aimable Bardiliss, il va aussi y trouver des adversaires, notamment Ptolémée, maître de la cité. Mais tous devront oublier leurs différents quand les turcs, suivant les traces de Gordon, envahissent cette vallée cachée...

 La fille d'Erlik Khan (58 pages): dans cette très intéressante nouvelle (mais non dépourvue de longueurs en son milieu), Francis Xavier Gordon, désireux de régler une querelle de sang, arrive dans la cité cachée de Yolgan. Sa première intention est de tuer les deux aventuriers européens qui l'ont trahi mais, rapidement, d'autres priorités vont s'imposer, comme libérer la belle Yasmeena qui, considérée comme une déesse, est retenue prisonnière dans le temple de la ville. Une ambiance Mille et Une Nuits joliment rendue pour un texte très dépaysant.

Brent vit la lame de Gordon faucher le yusufzai barbu et bondir vers Muhammad Ez Zahir avec une haine trop primitive pour accorder à son adversaire une mort honorable. Il para le coup de tulwar de Muhammad et écrasa la poignée de son sabre sur le visage de l’afghan. Mais tuer l’homme n’était pas suffisant pour satisfaire sa destructrice fureur guerrière ; toute sa passion embrasée réclamait une mort de chien pour son ennemi. Tel un torrent déchaîné, il frappa sauvagement son adversaire à coups de crosse et de garde, faisant reculer et tomber l’homme, lui faisant l’honneur de l’embrocher avec sa lame. Muhammad s’affaissa finalement au sol, le crâne fracassé…(Le fils de l’aigle).

Dans Le faucon des collines (58 pages), El Borak va rencontrer Willoughby, un agent anglais envoyé par l'émir et l'ambassade britannique. Le diplomate s'est vu confier la mission de convaincre l'américain de cesser ses attaques contre les intérêts de l'un des chefs tribaux de la région, Afdal Khan, avec lequel Gordon et ses compagnons ont une querelle de sang. Trahi par ses "alliés", Willoughby va alors être sauvé et recueilli par El Borak dans la citadelle d'Akbat, assiégée par Baber Ali, l'oncle d'Afadl Khan. Un récit très guerrier qui marque les esprits par son soucis du détail quasi militaire.

 Avec ses 112 pages, La mort à triple lames est la plus longue nouvelle consacrée aux aventures d'El Borak. Dans ce récit à l'intrigue étonnamment complexe pour un texte pulp, Francis Xavier Gordon se lance dans une lutte contre des conspirateurs qui éliminent un à un les princes et rois d'Asie. Accompagné de ses amis Lal Singh et Yar Ali Khan, il va alors découvrir le repaire de ce mouvement mystérieux. Dans une vallée évité par les autochtones, car hantée par les djinns, se dresse Shalizar, une ancienne cité où le cheikh Al Jebal, assisté par un agent russe, a redonné vie à l'ancienne secte des Assassins. Une aventure extraordinaire dans laquelle Gordon va devoir sauver de l'esclavage la belle Azizun, libérer des amis de leur prison et affronter une créature extraordinaire.

Texte étonnant, à la petite ambiance western, que Le sang des dieux, nouvelle de 54 pages au cours de laquelle Gordon, qui s'est porté au secours de son ami ermite Al Wazir, va devoir s'allier avec son ennemi, l'américain Hawkston, pour repousser l'attaque de bédouins menés par Shalan Ibn Mansour, un chef de clan qui souhaite la mort des deux hommes. Mais dans ces collines escarpées, séparées de la civilisation par les dunes du désert arabique, quelque chose est tapie, attaquant son heure pour frapper. Serait-ce ce djinn tant redouté par les bédouins?

Le fils de l'aigle, texte de 72 pages, est assurément mon préféré. Avec un excellent sens du rythme et du suspense, Howard nous entraîne dans la cité cachée de Rub El Harimi, un ville de voleurs et de brigands où siège le clan des Tigres Noirs d'Abd ed Khafid. On y accompagne Richard Drent, un américain détenu prisonnier et destiné à être vendu comme esclave, et Shirkuh, un mystérieux kurde qui, une fois entré dans Rub El Harimi, va se lier d'amitié avec Ali Shah, l'un des notables de la ville. Conspiration, espionnage et action au programme de cet excellent récit d'aventure exotique.

Le fils du loup blanc (32 pages) est la nouvelle la plus faible de ce recueil. Toutefois, elle n'en est pas moins totalement inintéressante. Sa faiblesse vient principalement de quelques incohérences concernant le profil d'Olga, un agent allemand au comportement inconstant, et du traitement de certains passages, qui apparaissent comme trop peu travaillés. Heureusement, l'intrigue, qui voit Gordon et Olga s'allier avec l'ennemi pour éliminer une bande de sanguinaires déserteurs turcs qui ont renié l'Islam et qui rêvent de relever l'empire de Turan, et le ton, très violent, contribue à rendre agréable la lecture de ce texte imparfait.

La conclusion de à propos du Recueil de nouvelles : El Borak, Intégrale [2011]

Auteur Nicolas L.
80

El Borak, l'un des héros les moins connus d'Howard, se voit enfin dédier un recueil digne de son rang. Sorte de version contemporaine de Conan, le texan Francis Xavier Gordon va nous entraîner dans des extraordinaires aventures orientales pleines de péril et de vils ennemis, à la découverte de cité cachées et d'extraordinaires trésors. Avec El Borak, l'action et l'héroïsme est au rendez-vous, le tout traité avec le style si particulier de Robert E. Howard, au ton étonnamment moderne

On a aimé

  • Le style si particulier d'Howard
  • Des récits d'aventure de qualité
  • Un héros pulp très intéressant

On a moins bien aimé

  • Le coté invincible d'El Borak

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