Critique Bran Mak Morn [2009]

Avis critique rédigé par Nicolas L. le mardi 8 juin 2010 à 20h44

Penetrez dans l'univers des pictes

Bran Mak Morn arriva dans les sombres marécages de l’ouest. Un vent glacial soufflait sur l’étendue surgelée et sinistre, quelques hérons  battaient doucement leurs ailes dans le ciel gris. Les longs roseaux et les herbes des marais ondulaient irrégulièrement ; à l’autre bout de ce paysage de ce paysage morne, quelques mares stagnantes reflétaient la lumière terne. Ç et là se dressaient des tertres curieusement réguliers ; Bran aperçut un alignement de mégalithes qui se profilaient sur le ciel blafard… Des menhirs, érigés par quelles mains inconnues ?.. (Les vers de la terre).

Bran Mak Morn, titre de ce livre, est le nom d’un héros picte créé par l’écrivain Robert E. Howard. Comme nous le dévoile Patrice Louinet à travers ses recherches compilées dans cette intégrale,  ce personnage, tout comme les pictes (un héros picte, Brule le tueur à la lance, tient d’ailleurs une grande place dans l’univers de Kull), était cher au romancier texan.  Bran serait en fait le deuxième personnage imaginé par l’écrivain, le premier étant El Borak.  Mis de coté durant des années, Bran Mak Morn pris réellement vie en 1926, avec Les hommes des ténèbres, deuxième texte consacré à l’histoire de la nation picte.

Physiologiquement et psychologiquement, Bran Mak Morn, né dans l’imaginaire d’un Howard adolescent, entre parfaitement dans le moule dans lesquels ont été coulés les autres héros de l’auteur ; brun, la peau matte, une grande volonté, et un objectif ambitieux. Celui de Bran Mak Morn est de redonner au peuple picte sa gloire oubliée,  de rallumer la lumière de la fierté dans les yeux d’une nation lâche retombée dans la sauvagerie. Mais, pour cela, il va devoir réduire à néant la puissance des Celtes et repousser l’invasion romaine. Une barbarie glorifiée opposée à une morne civilisation, dans un univers pseudo-historique, baignant dans les sortilèges et les légendes, voilà un thème récurrent cher à Howard.

Un coup de revers sectionna les muscles du coup d’un carle qui brandissait avec peine une grande hache. Au même instant Hordi Raven assena un coup qui aurait dû s’enfoncer dans l’omoplate de Cormac. Mais la cotte de maille fit dévier le fil de la lame du Corbeau et presque immédiatement il était embroché par cette pointe étincelante qui semblait se trouver partout à la fois, tissant une toile de mort autour du grand Gaël… (La nuit du loup)

A travers ses aventures épiques (quatre nouvelles et un poème, tous présentés dans ce recueil), Bran Mak Morn va croiser le chemin de plusieurs autres personnages howardiens, comme le gaël Cormac de Connacht ( Les rois de la nuit, dernière nouvelle de la bibliographie de l’auteur où figure également Kull, le roi atlante ), le danois Wulfhere (Les rois de la nuit,  La nuit du loup), le hors-la-loi Turlogh le Noir (L’homme noir, nouvelle se déroulant dans une période picte tardive où Bran apparaît sous la forme d’une idole), le norvégien Thorfel le Blond (L’homme noir) et quelques autres individus farouches et déterminés.

D’autres nouvelles mettent en scène la résistance picte, mais après la disparition de Bran Mak Morn. Le héros (roi des pictes dans Les rois de la nuit), est cependant parfois présent par l’esprit, comme dans L’homme noir, qui parle d’un raid picte sur un camp viking pour récupérer une idole qui n’est nul autre que Bran divinisé. Dans La race perdue, c’est le breton Corocuc qui va rencontrer les derniers survivants du peuple picte, dirigés par Berula, et réfugiés dans de profondes cavernes. L’affrontement entre les Nordiques et les Pictes est à nouveau le sujet de La nuit du loup. Dans cette longue nouvelle, le chef Thorwald, Briseur de Boucliers et ses carles vont découvrir ce qu’il en coûte de sous-estimer les clans pictes des îles des Shetland, le tout sous le regard du gaël Cormac Mac Art.

Nous scrutâmes le lac. Aucune embarcation sur l’eau étale. Pas d’ennemi en vue parmi les roseaux épars qui poussaient sur les berges. Nous nous retournâmes, fouillant la lande de bruyère du regard. L’autre romain s’écroula à son tour en silence, tombant en avant, une courte lance fichée entre ses épaules… (Les hommes des ténèbres)

Les six nouvelles, écrites entre 1927 (La race perdue) et 1931 (Les vers de la terre) ont, en plus de leur sujet, un autre point commun : leur excellence ! Un texte se démarque cependant des autres, il s’agit de Les vers de la terre, nouvelle de 50 pages dans laquelle Bran Mak Morn va devoir céder aux avances d’une abjecte créature hybride pour assouvir une vengeance sur un dignitaire romain. Ce texte est l’un des tous meilleurs jamais écrit par Howard et, par son atmosphère sombre et ophidienne, évoque les ambiances nihilistes et maléfiques propres aux histoires de Conan. Dans cette nouvelle, Howard marque d’ailleurs la différence entre les pictes et les peuples mongoloïdes habitant les profondeurs de la terre. Cette espèce légendaire qui prend parfois le nom de Petit peuple.

Au sujet du petit peuple, Patrice Louinet nous fait découvrir qu’Howard a, au fil des années, revu sa copie. S’il fait au début l’amalgame entre pictes dégénérescents (la noblesse picte est restée pure alors que leur sujets se sont transformés en hommes petits et disgracieux) et Petit peuple, l’auteur va ensuite, en grand partie sous l’influence de Howard Phillips Lovecraft (avec lequel il entretint une régulière correspondance à partir de 1930), bien marquer la différence, faisant même des deux races des redoutables adversaires (comme dans Les vers de la terre). Pour appuyer cette argumentation, Patrice Louinet nous présente trois textes rares, ayant pour héros des personnages contemporains.

Les pictes étaient différents de nous par leur aspect général, avec leur petite stature, leur yeux et leurs cheveux noirs, et leur peau sombre, tandis que nous étions grands et puissants, avec des cheveux blonds et des yeux clairs. Mais nous étions cependant issus du même moule. Ces Enfants de la nuit n’étaient pas humains à nos yeux, avec leurs corps rabougris et contrefaits, leur peau jaune et leurs visages hideux. En vérité, c’était des reptiles, de la vermine… (Les enfants de la nuit)

Dans la première nouvelle, Le petit peuple, un texte incomplet écrit en 1928, Howard nous présente les pictes comme des sortes de korrigans haineux, idolâtres et sanguinaires. Surgis du passé, au cœur d’un site néolithique, il s’attaque à une jeune demoiselle anglaise en promenade nocturne. Dans les textes suivants, Les enfants de la nuit (1930) et Le peuple des ténèbres (1931), le petit peuple n’a plus rien à voir avec les pictes puisqu’il s’agit d’une ancienne race mongoloïde ayant dégénérée pour devenir des créatures hideuses et ophidiennes vivant dans les profondeurs de la terre ; celles étant à l’origine des légendes parlant de trolls et de gobelins. Il est à noter que les deux dernières nouvelles  (dans lesquels les héros vont revivre une ancienne vie après avoir subis un traumatisme) présentent des propos terriblement racistes et doivent par conséquent être replacées dans le contexte de leur époque.

L’ouvrage s’achève sur plus de 150 pages d’appendices. Une véritable mine d’or où le fan de Robert E. Howard pourra y puiser moult informations sur les techniques créatives de l’auteur, à travers la lecture d’archives et de travaux du romancier (textes inachevés, synopsis, versions de travail) et des études de Rusty Burke (une très intéressante chronologie) et Patrice Louinet, aux propos toujours aussi passionnants.

La conclusion de à propos du Recueil de nouvelles : Bran Mak Morn [2009]

Auteur Nicolas L.
95

Avec Bran Mak Morn, le travail effectué par Patrice Louinet (qui bénéficie encore des belles illustrations de Gary Gianni) est, une fois encore, admirable. L’ouvrage se compose, comme d’habitude pour cette série de recueils consacré à Robert E. Howard, de deux parties ; les textes d’Howard (retraduits ici intégralement) et des appendices excellemment documentés. Sixième volume de cette collection consacrée au célèbre écrivain texan, Bran Mak Morn est un véritable bijou pour tous les amateurs de fantasy et de romans épiques pseudo-historiques ».

On a aimé

  • Un ouvrage magnifique indispensable aux fans de Howard

On a moins bien aimé

  • Pas d'édition de luxe

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