Critique Sympathies for the devil [2004]

"Chère mère,
En ce vingt-deuxième jour de mai, ma vie semble prendre une tournure inattendue.
Je suis toujours à l'orée des terres impies, là où, par temps clair, les ténèbres du Cercle rongent l'horizon. Je sais que vous ignorez tout de ce spectacle. Rien ne le dépasse, ni en beauté ni en puissance. Posées sur l'horizon vaincu, les ténèbres forment un mur de nuages fuligineux, instables, qui se dresse jusqu'aux cieux, dévorant le soleil pendant la majeure partie du jour..."

Rassemblées dans un recueil paru en 2004, ces nouvelles sont rééditées aux éd. Gallimard coll. Folio SF. On y trouve: une forêt de cendres, à l'heure du loup, l'erreur, la mécanique des profondeurs, la notion de génocide nécessaire et démon aux yeux de lumière. Six nouvelles pour six fins du monde ou presque, parmi les meilleurs textes de Thomas Day.

Le monde dans un futur plus ou moins lointain nous replonge dans les siècles sombres du Moyen-âge et de ses seigneurs impitoyables, qui décident de la vie ou de la mort de tous ceux qui vivent sur leurs terres. Le Duc Paul of Perth est l'un d'eux et doit se rendre au chevet de la Reine pour y accomplir un meurtre en son nom. Une forêt de Cendres est une jolie nouvelle, très bien écrite, et qui ne finit pas aussi sombrement qu'elle ne commence.
L'homme-arbre arrive aux abords d'une maison a priori inhabitée. Il découvre bientôt deux fillettes, deux soeurs inexplicablement seules. Où sont leurs parents ? Ils dorment. Dans ce monde où il ne reste que des loups, les hommes et les hommes-arbres, le temps doit faire son oeuvre. A l'heure du loup est comme un conte pour enfants particulièrement noir.

Big Mama règne sur une large zone de Londres. Son activité est financée par la feuille de chou qu'elle édite et dans lequel les actes de barbarie les plus horribles sont décrits. Des médailles d'or, d'argent et de bronze sont même décernées. Darrell Jhune doit lui payer une dette, soit donc prendre une drogue qui révèle chez lui une inquiétante schizophrénie. L'erreur est un des textes les plus forts du recueil, à l'atmosphère lugubre et sinistre.
Amsterdam est sous les eaux. Un genre de milice s'est spécialisé pour nettoyer les lieux aquatiques du banditisme qui a pullulé dans des poches d'air de la ville submergée. Ozzie fait partie des êtres génétiquement modifiés pour évoluer en toute quiétude dans les eaux et les profondeurs. La mécanique des profondeurs est un message pour les générations futures. Pas le plus marquant des textes cependant.

C'est une autre facette de Thomas Day qu'on découvre dans la notion de génocide nécessaire, l'humaniste qu'on connaît moins et qui ne transparaît que trop peu (rappelez-vous d'éthologie du tigre, nouvelle du recueil L'O10ssée - L'odyssée Folio SF en 10 nouvelles). Des extra-terrestres débarquent sur Terre avec de nombreux présents technologiques en échange d'une seule chose: pouvoir localiser tous les peuples de notre chère planète. Kashoggi, l'émissaire de l'ONU est envoyé pour rencontrer le Khan Lo Han, chef du peuple nomade mongole. Bien entendu, celui-ci refuse de sacrifier sa liberté au nom d'un accord avec des êtres de l'espace.
Enfin, démon aux yeux de lumière est un texte qui tient à la fois du sexe du rock'n roll. Loki est sur Terre et il provoque un séisme qui plonge peu à peu l'humanité dans le chaos. Sa rencontre avec Cybèle conduira-t-elle à la rédemption ? Rien n'est moins sûr.
Une nouvelle amusante qui révèle de manière flagrante cette fois-ci le deuxième degré dont l'auteur se sert dans ses textes.