Critique Dragon Rage [2011]

Avis critique rédigé par Benoît F. le lundi 23 mai 2011 à 10h30

La fureur du dragon

« Les humains. Ces êtres vils et splendides à la fois. Envahisseurs, destructeurs, créateurs, pères… tout comme nous, dragons, grands vers, créatures de légendes, condamnés et perçus comme une horde de feu se moquant des frontières établies par les hommes. La cité d’Esirien s’est sentie menacée par notre présence dans des montagnes pourtant lointaines. Ce lieu nous paraissait idéal pour notre couvée. Géants, trolls, gobelins et autres créatures impures ont quitté l’endroit à notre arrivée, craignant que notre colère ne s’abatte sur eux. Etres stupides ! Il n’a pas fallu longtemps pour que les hommes prennent peur eux aussi, désireux de préserver leur havre si insignifiant. Alors ces derniers ont levé une armée dans le but infâme de piller notre antre. Ils détruisirent également les œufs de notre portée… voici ce qu’est la civilisation des hommes. L’heure de l’envol a sonné, les humains vont payer cette forfaiture… »

Chroniques esiriennes du Maître-baladin Franksis Lhavanne, Chapitre I, tome XII

 

 

VERY OLD SCHOOL

Il y fort longtemps, dans une galaxie très très lointaine, vivait un bon docteur du nom de Lewis Pulsipher. Ce personnage, féru d’histoire militaire, décida un beau jour de mai, ou bien de décembre, je ne sais plus… bref, cet homme prit la décision de rendre plus accessible les jeux de type wargame. Vous savez, ce genre de jeux se déroulant sur des cartes criblés d’hexagones utilisant de petits pions carrés quasiment illisibles afin de symboliser les unités militaires ! Ce fut donc en 1982 que Mister Pulsipher décida de livrer son Dragon Rage. Considéré comme une bonne introduction au monde si hermétique du wargame, Dragon Rage se distinguait par ses mécanismes relativement épurés pour l’époque et un thème plutôt attractif.

L'édition de 1982!

 

Ainsi, aujourd’hui, de nos jours, maintenant, tout de suite, l’éditeur Flatlined Games décide de rééditer la bête en proposant une version multilingue (français inclus). Les règles ont été réécrites sans apporter de profondes modifications au système de jeu. On sent que l’éditeur a voulu préserver la sève originelle du jeu tout en proposant du renouveau grâce au plateau réversible présentant la cité fortifiée d'Esirien d’un côté et le village Orc de Nurkott de l’autre. D'ailleurs, ce dernier est considéré comme l’apport notable de cette nouvelle édition.

La cité d'Esirien

 

le village Orc de Nurkott

 

Concernant le matériel de jeu, on peut dire que l’éditeur belge nous livre du solide, du costaud, du genre à résister aux ambiances moites et enfumées d’un tripot pékinois. Le carton utilisé pour les 213 pions et marqueurs est de très bonne qualité, prêt à affronter d’innombrables manipulations. Il en va de même pour les aides de jeu, en anglais dans le texte. Vous pourrez télécharger la version française de certaines d’entre elles sur le site de l’éditeur (ici).  Deux livrets sont également inclus : un manuel de règles et un manuel de référence. Le premier permettra de se lancer rapidement dans l’aventure via une approche relativement didactique. Le second possède un contenu plus poussé, détaillant la totalité des paramètres de jeu ainsi qu’une flopée de scénarios en tout genre. Les deux ouvrages sont bien organisés et remplissent parfaitement les fonctions qui leur ont été attribuées. L’un est synthétique pour une prise en main rapide ; l’autre est exhaustif.

 

D’un point de vue esthétique, l’illustration s’affichant sur le facing de la boîte en dit long sur le sujet. Cependant, cette magnifique réalisation de Miguel Coimbra (7 Wonders, Cyclades) peut apparaître à certains comme trompeuse après l’ouverture de la boîte. En effet, pions et marqueurs se distinguent par leur austérité tout en proposant des illustrations manquant d’arguments esthétiques. On notera cependant leur aspect pratique. Les deux cartes proposées, cité humaine et village Orc, possèdent un rendu convenable sans surcharge à caractère informatif. Néanmoins, on affichera une préférence totalement subjective pour le village des « peaux vertes », celui-ci ayant bénéficié d’un soin esthétique plus intéressant du point de vue des couleurs.

 

 

UN DOUBLE DRAGON PATRON!

Dragon Rage est jeu d’affrontement pour deux joueurs, à savoir un défenseur et un envahisseur.  L’un incarne les humains ou les orcs, tandis que l’autre contrôle un groupe de créatures : dragons, géants, serpents de mer, etc. Le  but du joueur Humain, ou Orc, est de résister à l’assaut des méchants pas beaux. Il s’agira de préserver certains lieux synonymes de points victoire pour l’envahisseur et cela durant un nombre déterminé de tours de jeu. Dans ce but, chaque camp reçoit des pions d’unités en début de partie. Ces derniers affichent divers informations telles que le type de combattant, ses valeurs de combat, de moral et de déplacement.

 

Ensuite, les participants choisissent un scénario pouvant opposer des factions diverses et variées. Les dragons demeurent les vedettes du jeu mais rien ne vous empêche d’organiser une confrontation entre humains, orcs ou toutes autres créatures présentées dans le livret de référence.

Un tour de jeu se déroule de la manière suivante :

- Phase de déplacement de l’envahisseur

- Phase de souffle du dragon

- Phase de mêlée de l’envahisseur

- Phase de magie du défenseur

- Phase de renfort de la cité

- Phase de déplacement du défenseur

- Phase de tir du défenseur

- Phase de mêlée du défenseur

- Avancement du marqueur de tour

 

Les combats se résolvent à l’aide d’un tableau croisé indiquant la force de l’attaquant et celle du défenseur. Grâce à cet outil, un seuil à dépasser via un jet de dé est déterminé.

Concernant les conditions de victoire, le défenseur remporte la partie dans les cas suivants :

- les troupes de l’envahisseur sont détruites,

- aucun point de victoire n’est acquis pendant dix tours,

- dix tours passent sans unités de l’envahisseur à l’intérieur de la cité (ou du village selon la carte choisie).

Pour l'envahisseur, il s'agira d'accumuler un certain nombre de points de victoires défini par le scénario.

 

 

CŒUR DE DRAGON

Flatlined Games est une toute jeune maison d’édition proposant un premier jeu au matériel honorable. Mais quelles sont les raisons de ce choix éditorial reposant sur une relique du temps passé ? En effet, peu de personnes ont entendu parler de Dragon Rage et sortir ce grand ancien du placard représente un sacré défi. La réponse est pourtant toute simple : le boss de Flatlined Games, Eric Hanuise, garde certainement de très bons souvenirs de la pratique de ce jeu au cours de ses tendres années ludiques. La réédition de Dragon Rage apparaît donc comme un choix du cœur lié au désir de faire connaître ce jeu à un public plus large que celui du cercle des initiés de jadis. Néanmoins, et malgré toute la bonne volonté affichée, il sera difficile de rivaliser avec les nouvelles références du genre en matière de wargame d’initiation. Conflict of heroes, Battlelore et autres jeux Columbia Games sont passés par là avec le succès qu’on leur connaît. Alors qu’elle place reste-t-il à Dragon Rage ? Il y a 30 ans, le jeu de Lewis Pulsipher faisait figure de wargame d’initiation en comparaison des productions du moment, mais aujourd’hui la donne a changé et Dragon Rage se situe dans un marché de niche dont seuls les adeptes et connaisseurs apprécieront les qualités.

 

En effet, les nombreuses phases de jeu illustrent parfaitement le côté « réservé à un public averti » du jeu. Non pas que les règles soient extrêmement compliquées mais il s’avèrera difficile de rivaliser avec les jeux d’affrontement actuels, plus intuitifs et plus adaptés au monde ludique moderne. La durée moyenne d’une partie (environ 2 heures) enfonce le clou et renforçe elle aussi cette impression de jeu conçu pour les hard core gamers.

Cependant, Dragon Rage possède des qualités qui provoqueront l’adhésion d’un public déjà rompu à l’exercice. Les mécanismes de jeu proposent une vision asymétrique de l’ensemble et un très bon équilibre entre factions. Effectivement, jouer les humains/orcs et les dragons s’avèrera totalement différent et chacun prendra un certain plaisir à pratiquer les deux camps. Une analyse minutieuse de la situation tactique sera nécessaire pour les deux factions et encore plus pour vos gentils dragonnets. L’affrontement entre humains et orcs demeurera plus classique et totalement ancré dans les standards du genre. A contrario, les dragons seront plus techniques à manipuler et raviront les adeptes de l’art du déplacement et de la prise d’objectifs.

 

De plus, le renouvellement du jeu est garanti par les nombreux scénarios proposés et la possibilité de prolonger l’aventure via un mode Campagne finalement peu intuitif dans son application. On notera également la prépondérance des jets de dés, générant à la fois de petites frustrations mais aussi des faits épiques qui émoustilleront les moustaches des vieux grognards.

La conclusion de à propos du Jeu de société : Dragon Rage [2011]

Auteur Benoît F.
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Les rééditions de vieilleries ludiques sont devenues monnaie courante. Ce petit brin de nostalgie que nous avons tous y est sans doute pour beaucoup. Mais ces grands anciens du monde ludique ont-ils encore leur place de nos jours? Cela apparaît évident pour certains jeux; pour d'autres, il sera difficile de se faire une place auprès de productions en adéquation avec le comportement des joueurs d'aujourd'hui. Malheureusement, Dragon Rage semble faire partie de cette seconde catégorie. Non pas que le jeu soit déplaisant, loin de là, mais son discours semble désormais désuet. Cependant, on saluera la volonté d'un éditeur, d'un homme, à vouloir revivre et partager des sensations et des sentiments liés à son passé ludique. Pourtant, certains joueurs plus ou moins habitués à la pratique du wargame prendront du plaisir dans la pratique de Dragon Rage. Le jeu de Lewis Pulsipher demeure un jeu riche dont les adeptes ne se lasseront pas de sitôt.

On a aimé

  • L'aspect asymétrique
  • Un matériel de qualité
  • Le renouvellement des parties

On a moins bien aimé

  • Réservé à un public très averti
  • Un matériel un peu trop "old school"
  • De nombreux jets de dés générant quelques frustrations
  • Beaucoup moins intuitif que les productions actuelles

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