Critique La Montagne du dieu cannibale [1978]

Avis critique rédigé par Nicolas L. le lundi 8 novembre 2010 à 23h03

Une James Bond Girl sur le Mont Craspec

La fin des années 70 et le début des années 80 peuvent être considérés, sans trop se fourvoyer, comme l'âge d'or du cinéma gore. Pur produit d'une industrie d'exploitation, ce genre alors à l'époque très en vogue se déclinait en plusieurs ramifications thématiques. Et parmi celles-ci, les films de cannibales figuraient parmi les plus prisés par les fans de cinéma d'horreur extrême. Un engouement qui fit que nombreux furent les opportunistes à s'impliquer dans ce marché juteux (si j'ose dire). Aujourd'hui, de nombreuses productions de cette période, malgré qu'elles affichent souvent des niveaux de qualité discutables, ont atteint le statut envié d'œuvres cultes et des films comme Cannibal Holocaust, Cannibal Ferox ou Amazonia, l'esclave blonde se doivent de figurer dans la dvdthèque de tout fan de cinéma d'horreur un tant soit peu exigeant.

Le film de cannibales est indéniablement lié au cinéma bis italien. Les réalisateurs transalpins ne furent pas les seuls à exploiter le filon mais ils furent les plus en vue car bénéficiant d'un réseau déjà bien installé dans le domaine du cinéma horrifique, via leurs gialli et leurs films d'exploitation mêlant frissons, sévices et érotisme (cf. la grande mode de la nazisploitation). D'ailleurs, la plupart des cinéastes italiens qui se sont essayés à la réalisation de films de cannibales avaient auparavant œuvrés dans ces différents domaines (Joe D'Amato, Bruno Mattei, Ruggero Deodato, Umberto Lenzi étaient des réalisateurs qui surfaient sur les modes) et l'on doit le premier véritable film de cannibales - où du moins celui qui a initié cette vague de films d'aventures craspecs (1) - à Ruggero Deodato avec Le dernier monde cannibale. Les scénarios de ces films étaient relativement basiques et suivaient presque tous la même trame - des blancs paumés dans la jungle agressés par une tribu d'anthropophages - et la même réalisation - affichant une volonté de choquer via les plans les plus dégueulasses possibles, quitte à équarrir quelques animaux.

La montagne du dieu cannibale épouse ces choix de traitement. On y voit effectivement des sauvages déchirer de la chair crue avec leurs dents, des agressions aux effets bien gore (dont une castration en gros plan), des massacres d'animaux (un varan écorché vif et un singe se faisant mâchouiller la tête par un python), des danses tribales menées par des indigènes aux peintures effrayantes... Bref, tout l'attirail pour attirer les foudres de la censure et faire le "buzz" (même si à l'époque le terme n'existait pas) à travers les revues spécialisées et les fanzines. Cependant, bien que le fait qu'il soit composé de tous ces éléments narratifs et graphiques puisse le faire entrer sans peine dans le registre restrictif du film de cannibales, il est bon de signaler que le métrage de Sergio Martino s'en démarque par plusieurs de ses aspects. Et pas les moins importants.

Sergio Martino l'a longtemps déclaré: il n'était pas écrit dans ses plans que La montagne du dieu cannibale se devait d'être un "nasty movie". Selon ses dires, cela serait la production qui l'aurait obligé à introduire des plans extrêmes dans un film qu'il concevait au prime abord comme un film d'aventure exotique un peu "rough". Rien ne le prouve mais on peut cependant lui porter crédit car le cinéaste n'a jamais démontré un gout particulier pour le cinéma craspec, sa « spécialité » étant jusqu'alors le thriller sexy (dont plusieurs gialli avec sa belle-sœur Edwige Fenech). De plus, autre indice qui tendrait à admettre la véracité de ses affirmations: le film peut totalement être purgé de ses séquences les plus ignobles sans que la narration en souffre, ce qui tendrait à démontrer que l'introduction de plans craspecs fut un choix tardif. Expurgé de ses passages pornographiques et violents, le film en devient beaucoup plus quelconque, certes, mais c'est cette capacité qui lui a permet d'atteindre une certaine popularité puisque, dés le début des années 80, la version censurée se vit offrir des diffusions en prime time à la télévision. En visionnant la version censurée, on prend alors conscience que, contrairement à bon nombre de films de cannibales, celui de Sergio Martino ose développer un léger scénario, avec des personnages obéissant à des motivations différentes, certains d'entre eux cachant même leur jeu.

La montagne du dieu cannibale est également un film particulier de par la composition de son casting. En effet, si la présence d'un vieux briscard de la série B italienne, Claudio Cassinelli, n'étonne personne, plus surprenantes sont celles de Stacy Keach (le futur Mike Hammer) et surtout d'Ursula Andress. Même si elle s'y montre aussi expressive qu'une endive, il est indéniable que la présence en tête d'affiche de l'ex-James Bond Girl a contribué à faire de ce film une œuvre culte, d'autant plus qu'elle accepte de s'y montrer nue, au cours d'une séquence de préparation rituelle qui a marqué de manière indélébile la mémoire d'un bon nombre de spectateurs. Une scène osée qui fut d'ailleurs maintenue dans la version censurée, donc diffusée à la télévision (en même temps, il était difficile de la couper, étant donné qu'elle est indispensable à la compréhension de l'intrigue et qu'elle n'est composée que de plans impudiques)! Et le moins que l'on puisse dire, c'est que la star d'origine suisse y porte de la plus belle des manières ses 42 printemps. A défaut de montrer du jeu, elle dévoile ses formes...

Bon, La montagne du dieu cannibale ne se résume pas à Ursula Andress dans le plus simple appareil. Affirmer cela serait être injuste avec un Sergio Martino qui a tenté ici de mettre en forme une sorte de relecture moderne et horrifique des Mines du roi Salomon et de tous ces films de jungle qui ont probablement bercé son enfance. Pour ce faire, cet artisan appliqué (et parfois talentueux) n'a pas hésité à tourner dans des décors réels, en Malaisie principalement, afin d'apporter le plus de réalisme possible à son métrage, et cela malgré des conditions de tournage difficiles. D'ailleurs, au final, il parvient si bien à remplir ses objectifs que son film affiche les mêmes "coquetteries" - aujourd'hui bien démodées - que les vieux métrages de Tarzan avec cette multiplications d'inserts et plans de coupe animaliers qui nous donne parfois l'impression étrange de visiter un zoo. En fait, seule la musique complètement décalée (j'hésite à dire hors-sujet) des frères De Angelis nous fait réaliser que l'on visionne là un produit atypique, lorgnant à la fois vers le produit d'exploitation et le film d'aventures grand public.

Revenons maintenant à l'aspect horrifique. Dans la version censurée, le passage le plus marquant est certainement la découverte du docteur Stevenson, un cadavre momifié et crucifié, vénéré comme un dieu par les pukas et ayant un compteur geyger à la place du cœur; un champ-contre-champ très efficace, alternant plan américain et gros plan, prenant comme point de vue sa femme, Susan (Ursula Andress). Dans la version intégrale, la prédominance de cette scène s'efface derrière une étrange séquence d'orgie montée un peu n'importe comment, avec la présence de plans totalement gratuits exposant des comportements zoophiles et une séquence d'onanisme féminin. La castration en gros plan d'un pukas accusé d'acte blasphématoire (il n'a pu résister aux charmes d'une Ursula Andress entravée) est aussi un moment de cinéma craspec assez saisissant (les effets gore sont assurés par Paolo Ricci). Mais bon, même en considérant tous ces passages extrêmes, La Montagne du dieu cannibale est loin d'atteindre les niveaux horrifiques des modèles du genre (Cannibal Ferox, Virus Cannibale, etc.).

(1) J'ai toujours eu du mal à considérer Au pays de l'exorcisme, réalisé par Umberto Lenzi en 1972, comme un représentant de cette vague de film. On y parle certes de jungle (thaïlandaise) et de cannibales, on y voit quelques scènes de cruauté animale mais le sujet du film (une romance mièvre) et l'absence de craspec rapprochent plus l'œuvre du film d'aventure tendance « hippie » que du film gore.

La conclusion de à propos du Film : La Montagne du dieu cannibale [1978]

Auteur Nicolas L.
60

Au final, La montagne du dieu cannibale est un petit film d’aventures horrifique qui, s’il a marqué les mémoires en son temps (principalement grâce à la séquence où Ursula Andress se retrouve nue et entravée), se révèle aujourd’hui assez inoffensif, surtout si l’on prend la peine de jeter un voile pudique sur ses aspects putassiers et malsains (les morts d’animaux). La version intégrale est un peu plus « hard » mais dotés de passages que l’on pourrait qualifier d’hors-sujet. Heureusement pour l’intérêt de l’œuvre, le professionnalisme de Sergio Martino (un réalisateur sous-estimé) fait que l’ensemble affiche un niveau technique correct, rendant son visionnage agréable.

On a aimé

  • Bonne maitrise technique
  • Un scénario un peu plus travaillé que les autres films du genre
  • Une séquence culte
  • Quelques scènes choc
  • Un film de jungle aux aspects vintage pas désagréable

On a moins bien aimé

  • Du cinéma d’exploitation très sage
  • Des inserts horrifiques hors sujet
  • Des acteurs peu concernés (Ursula Andress)

Acheter le Film La Montagne du dieu cannibale en un clic

Nous vous proposons de comparer les prix et les versions de La Montagne du dieu cannibale sur Amazon, site de vente en ligne dans lequel vous pouvez avoir confiance.

Retrouvez les annonces de nos dernières critiques sur les réseaux sociaux

Sur Facebook | Sur Twitter