Critique L'épouse de bois [2010]

Avis critique rédigé par Nicolas W. le mercredi 17 février 2010 à 21h16

Un désert d'Arizona où règne Mages et Change-formes

"Il fallait six Mages pour former un cercle. La terre, le ciel, les quatre directions. Dans ce cercle, se trouvait l'esprit, le mystère, la beauté sauvage de la terre qui les portait. Mais le Mage de la nuit, des collines de l'est, ne hantait plus les nuits depuis plusieurs années, maintenant selon le décompte du temps humain."

Mythopoeic Award 2006

Dans le désert de l'Arizona près de la ville de Tucson, le poète David Cooper est retrouvé noyé dans le lit d'une rivière asséchée. Ses dernières volontés font mention de sa correspondante, Maggie Black, poète et journaliste. A celle-ci, il lègue sa maison dans le désert et tous ses travaux. C'est l'occasion rêvée pour Maggie d'en apprendre plus sur celui qu'elle considère comme son mentor. Cependant, dans ce pays désertique, elle va découvrir que la poésie s'inscrit dans les pierres et revêt bien des formes telle que cette fille-lapin si mystérieuse. Il lui reste à découvrir ce qui a causé la Mort de Cooper et ce que font ces coyotes qui rôdent aux abords de sa propriété...

Le nom de Terri Windling ne doit certainement rien vous dire. Pourtant, sachez qu'elle est une éditrice et auteure des plus reconnues outre-Atlantique. Détentrice de 9 World Fantasy Awards, d'un Mythopoiec Award et d'un Bram Stocker Award, rien que ça, elle n'a pourtant jamais eu les honneurs d'une traduction dans l'Hexagone. Lacune réparée avec l'édition par les Moutons Electriques de L'épouse de bois dans la collection de la bibliothèque voltaïque. Roman mélangeant fantasy, magie et poésie au cœur du désert de l'Arizona mais aussi seul roman adulte de l'américaine, L'épouse de bois est un roman singulier.

Dans ce récit, l'auteur américaine se propose de nous plonger au cœur du désert, parmi les cactus, les coyotes et les pumas. Tout un pan du roman est donc consacré à ce fascinant paysage, à cette ambiance toute particulière d'une contrée sauvage où l'humain est un intrus et où les pierres murmurent et chuchotent au grès du vent. C'est là le premier paradoxe du livre. Il faut reconnaître le talent incroyable déployé par Terri Windling pour plonger son lecteur dans cet étrange pays, on peut sentir la chaleur du désert sur notre peau et le chant nocturne des coyotes, une de ces atmosphères assez indescriptible et aussi terriblement efficace grâce à l'écriture léchée et poétique employée par l'américaine. Pourtant, la mise en place du cadre de l'histoire est lente, très lente. C'est donc ici que repose le premier avertissement, ce roman ne plaira pas à ceux qui recherchent de l'action car elle est presque totalement absente.

Malheureusement, c'est aussi la condition sine qua none pour faire de L'épouse de bois ce qu'il est. Grace à cette atmosphère et à ces descriptions méticuleuses, le récit peut nous entraîner dans les tribulations de Maggie Black venue connaître son maître Davis Cooper. Pour ce faire, elle va s'imprégner de la terre et mener son enquête parmi les nombreux papiers laissés par le poète. Cette relation est au centre du roman, elle forme la pierre angulaire du récit non seulement capitale pour comprendre le personnage de Maggie mais aussi pour dévoiler les mystères du désert. Ici encore, Terri Windling fait merveille puisque le personnage de Maggie Black est des plus réussis tout comme Davis Cooper ou encore Johnny Fox. On sent cette volonté de mettre femme et homme sur un pied d'égalité, de leur donner des rôles capitaux sans véritable supériorité de l'un ou de l'autre. Femme forte avec toutes ses contradictions, ses démons et ses rêves, la poétesse est aussi fascinante que son nouvel environnement.

Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si les deux principaux protagonistes sont des poètes. Tout comme certains personnages secondaires sont des artistes au sens plus large. En fait, L'épouse de bois n'est pas tant un roman de fantasy ou fantastique qu'un roman sur l'écriture, la création artistique et l'amour des mots. Un amour transmit par la poésie, omniprésente dans l'œuvre non seulement par le style de Windling mais aussi par des extraits de divers poèmes d'auteurs réels ou imaginaires. On remarquera dès lors l'érudition de l'américaine qui cite tour à tour Borges et Neruda (Le roman s'inspirant pour sa part de l'œuvre du peintre Brian Froud qui signe la magnifique couverture). La mise en abîme de cette difficulté de créer, de cette dichotomie entre plaisir et souffrance est l'attrait principal du roman, faisant de celui-ci un livre de "fantasy" plus que singulier et assez unique. On peut craindre que ce parti pris laisse nombre de lecteurs insensible à toutes ces choses sur le bord du chemin. Les autres pourront apprécier un voyage aussi complexe que raffiné.

L'autre paradoxe de L'épouse de bois c'est l'utilisation des éléments fantasy. En ces lieux reculés, réside une magie aussi vieilles que les pierres elle-même. On y croise des Mages, des Truqueurs ou des Change-formes. Ces touches d'éléments fantastiques sont très discrètes et parfois justement trop discrètes. Il faudra attendre un tiers du roman pour vraiment les discerner et comprendre les implications dans la trame principale. Ce choix de l'auteur laissera perplexe tant l'univers et les créatures qu'elle imagine sont superbes et poétiques. On regrette énormément que seul la figure de Crow soit vraiment exploitée et que celle de Pan-Pan ne le soit par exemple pas davantage. C'est d'autant plus dommage qu'arriver vers la fin du roman, on découvre tout un panthéon stupéfiant et intelligemment utilisé. Restes à se demander dans quelle mesure le charme du roman est lié à cette discrétion... Le non-dit ne fait-il pas le charme particulier de l'œuvre en question ?

Finissons par l'histoire en elle-même qui oscille entre fantastique, fantasy et policier. L'intrigue, comme déjà expliquée, débute lentement voir clairement trop  lentement mais finit par prendre son essor. Les développements et les finalités de celle-ci ne sont pas toutes évidentes et certaines valent leur pesant d'or. A ce titre, on mentionnera que la vie sentimentale de l'héroïne n'est pas lourde comme trop souvent mais douce et aussi poétique que le texte lui-même.

"Les Rincons ont besoin de toi, de même que les coyotes, les cerfs, les lièvres...Tous ont besoin de toi. Je ne supporte pas de t'imaginer dans des pays plats où les pierres ne chuchotent pas ton nom. Reviens, ou laisse-moi venir"

La conclusion de à propos du Roman : L'épouse de bois [2010]

Auteur Nicolas W.
80

Que faut-il donc faire à propos de L'épouse de bois ? Est-ce un bon roman ou un pétard mouillé ? Pour la première question, cela n'appartient qu'à vous après avoir lu cette critique et surtout de votre sensibilité. Si vous aimez la poésie et les mots, le fantastique discret et raffiné, une écriture fine et les ambiances mystiques, alors oui L'épouse de bois est fait pour vous. Les autres ne verront qu'un roman trop long et manquant de générosité. Quand à la seconde question, oui, le seul roman adulte de Terri Windling est un très bon livre qui allie un grand nombre de qualités que l'on ne peut ignorer. On espère simplement voir un jour un nouveau récit de l'américaine qui nous plongerait davantage dans son univers surréaliste fait de mythes et légendes. En attendant, gageons que L'épouse de bois ne passera pas inaperçu dans nos contrées !

On a aimé

  • L'ambiance
  • Le style poétique
  • La réfléxion sur la création artistique
  • Les créatures
  • Les personnages

On a moins bien aimé

  • La lenteur du récit
  • Le sujet fantastique juste effleuré
  • Le manque d'action

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