Bifff : l'évènement The Raid 2 Berandal
Le film de Gareth Evans balaye tout sur son passage

Au milieu des films oubliables de la journée, un poids lourd se démarque bien qu'il ne soit pas du registre fantastique : le très attendu The Raid 2 : Berandal.

Commençons d'abord par le moins attendu The Gambler who wouldn't die. Nikita est une sorte de croque-mort. Son job : conduire dans sa voiture noire les macchabées vers leur dernière résidence. Ses passions dans la vie : courtiser des femmes plus jeunes que lui et jouer au Poker. Mais voilà, le jeu de cartes, lorsqu'on joue avec des inconnus et qu'en plus on à la mauvaise idée de perdre, ça peu coûter cher ! Bien plus que la mise que l'on est censé rembourser. Nikita va donc devoir s'acquitter de sa dette en servant de gibier à un groupe de richissimes personnes. S'il survit à 20 minutes de chasse, il aura remboursé sa dette, sinon il ira lui aussi résider au cimetière.

Acteur aux rôles multiples et ayant gagné une grande renommée jusqu'à avoir gagné un Prix d’Interprétation à Cannes pour Love and Anarchy, Giancarlo Giannini cumule ici les étiquettes puisqu'il joue le rôle-titre et dirige le film The Gambler who wouldn't die (Ti Ho Cercata in Tutti i Necrologi), sorte de Chasses du Comte Zaroff quelque peu transformées puisqu'ici il s'agira surtout de raconter la déchéance d'un homme qui finit par se croire invulnérable, tout en développant une relation quasiment sadomasochiste avec une jolie demoiselle aussi riche que paumée.

La mise en bouche de The Gambler who wouldn't die est appétissante : l'idée-même de voir un homme prendre le risque, par soif de richesse et de pouvoir, de perdre la vie en pensant être de toute manière touché d'invulnérabilité peut conduire à des réflexions intéressantes. Surtout que dans la première partie l'interprétation apparaît comme solide et la photographie particulièrement soignée. Certes on se demande bien comment un vieil employé des pompes funèbres, sans un sou et qui possède un super costume de lapin (point de prédiction à se faire chasser), peut attirer de si jolies demoiselles dans son lit (sa femme au départ étant déjà d'une incroyable beauté)...mais peu importe, puisque l'essentiel est bien là : nous sommes intrigués par cette plongée en enfer et observons avec attention cet être qui désir spontanément jouer avec le feu.

Mais mille fois hélas, l'histoire du trio de scénariste Luca D'Alisera, Ludovica Rampoldi et Massimo Gugliemo ne tient pas sur le long terme. Un peu comme si, passé un tiers du film, tout ce beau monde ne savait plus trop orienter les péripéties de ce pauvre Nikita et en amenant une histoire d'amour qui à bien du mal à nous apparaître crédible, tout se transforme en un brouillon d'idées qui se croisent tout en faisant que les survoler. La chasse est donc mise plus ou moins de côté au profil de cette relation. Et si au départ on peut croire à une histoire de vengeance - tout y est fait pour - les scénaristes s'écartent très vite de cette option pour finalement conter la rencontre de deux paumés qui développent une passion pour l'adrénaline. Pourquoi pas, car cela ne reste-t-il pas dans la thématique de la chasse à l'homme ? Sauf qu'on n' y croit pas un instant à cette histoire, l'alchimie entre les deux acteurs semble ne pas passer ensuite, et la construction de cette liaison sombre dans la caricature facile avec un basculement d'émotions bien trop soudain. Puis clairement on ne sait plus trop ce qu'on nous vend puisque désormais la mise en scène tout comme le scénario oublient en cours de route les chasseurs et l'idée de la soif de pouvoir, tout comme l'ancienne compagne de Nikita, pour se focaliser sur un duo d'acteurs ou de temps à autre F. Murray Abraham viens glisser une tête. Au fur et à mesure que le film avance il déçoit, et la fin aussi ridicule que parodique viendra définitivement ternir nos bonnes impressions de départ.

(Avis de The Gambler who wouldn't die par Richard B.)

 

Le premier The Raid avait frappé fort, c’est le cas de le dire. Sur une intrigue minimaliste conceptuelle et une unité de temps et de lieu réduite, Gareth Evans (dont le premier film, Merantau, n’était déjà pas passé inaperçu) enchainait avec une virtuosité brutale les scènes d’action viscérales, menés par le prodige Iko Uwais (révélé, justement, par Merantau). Après ce succès surprise et le buzz engendré, Gareth Evans dispose d’un plus gros budget pour réaliser la suite et en profite ainsi pour adapter le scénario initialement prévu pour le premier The Raid mais qu’il avait dû mettre de côté, faute de moyens. Le scénario, qu’il a lui-même écrit, est cette fois très élaboré, plus ambitieux, et s’étale sur 2h30, ce qui est exceptionnel pour un film d’action. En terme d’ampleur, on pourrait qualifier cette suite du Parrain 2 du film d’arts martiaux. Mêlant film de gangsters et film d’infiltration, Gareth Evans déroule une histoire classique dans la grande tradition des films du genre, embrasant tel un John Woo (une de ses principales influences dans son cinéma) les clichés romanesques du récit de mafieux tragique, avec toute sa mythologie cinématographiques, ses trahisons, ses tueries, ses exécutions, ses assassins, ses codes d’honneur, ses rivalités entre clans (à la Kinji Fukasaku) et son histoire d’amitié entre le flic infiltré et le jeune mafieux. Pour le coup, les personnages principaux sont développés (le héros renfermé joué avec force par Iko Uwais, le jeune mafieux campé par un sosie de Brandon Lee, le sbire Eka auquel on finit par s’attacher…) et Gareth Evans prend tout son temps pour raconter son histoire, peut-être même un peu trop.

En effet, le jeune cinéaste gallois s’attarde plus que de raison dans de longs tunnels de dialogues un peu pompeux et pas toujours très captivants, quoique constamment bien filmés et bien interprétés. Là où le premier The Raid allait droit à l’essentiel (à savoir : l’action), ce qui lui valait des reproches du genre « bouh le scénario est nul », The Raid 2 : Berandal se perd un peu dans une intrigue dense et tortueuse, difficile à suivre au début mais pour laquelle on finit par se captiver une fois les personnages et les enjeux clairement définis. En dépit de quelques fulgurances d’action qui viennent rappeler ce qu’on attend réellement d’un tel film (à ce titre, la première baston dans la prison fait plaisir à voir), la première heure est donc assez longuette et on ne pourra cette fois pas reprocher au film un scénario trop maigre. C’est dans sa deuxième heure (et demi) que Gareth Evans tient ses promesses de film d’action ultime, en enchainant des morceaux de bravoure hallucinants (la course-poursuite en voitures, l’assaut dans le hangar, l’affrontement dans le couloir contre les deux tueurs…) comme on en voit une fois tous les 10 ans dans le cinéma d’action, jusqu’à un combat final quasi-mythologique à couper le souffle qui parvient, et fallait y aller fort pour y arriver, à surpasser celui du premier The Raid (et cette fois il n'est pas entrecoupé d'autres scènes en parallèle) ! Au même titre que Yayan Ruhian dans le premier The Raid, on devrait encore entendre parler du charismatique Cecep Arif Rahman, l'increvable adversaire final d'Iko Uwais dans The Raid 2 : Berandal. C’est ainsi qu’en 150 minutes, une dizaine de scènes d’action démentielles sont parsemées en crescendo (elles sont de plus en plus fortes, d’où l’impression au premier abord d’être déçu devant la première heure) dans une intrigue assez banale mais racontée avec un réel talent et une vraie passion qui parviennent à en tirer de l’émotion, du souffle, de la grandeur, et même aussi un peu d’originalité (par exemple avec ses deux assassins iconiques tout droits sortis d’un manga : la fille aux marteaux incarnée par Julie Estelle et le type à la batte de baseball, dont les démonstrations dans l’art du meurtre sont aussi gratuites que grisantes).

Tantôt posée, épurée et statique dans les dialogues en huis-clos, tantôt nerveuse, rentre-dedans et virevoltante dans les scènes d’action (filmées en grande partie en plans-séquences !), la mise en scène est magistrale, d’une inventivité débordante même dans l’action (le carnage boueux dans la cour de la prison est visuellement impressionnant), et on a du mal à croire qu’elle est assurée par un jeune réalisateur qui n’en est qu’à son troisième film, même s’il peine encore à digérer ses références. Mais The Raid 2 : Berandal scotche aussi par son utilisation d’une violence inouïe et viscérale qui rappelle le choc de la découverte des gunfights de John Woo : c’est une véritable orgie de corps mutilés, criblés de balles, brisés, désarticulés telles des marionnettes morbides, jetés dans le décor au même titre que des objets, à se demander d’ailleurs s’il n’y a pas eu des morts pendant le tournage tellement les cascadeurs semblent en avoir pris plein la gueule. Ça hurle, le sang gicle, c'est parfois très gore (les effets sont d'ailleurs saisissants), les bris d’os font très mal, chaque coup porté sonne comme un choc, tandis que la bande-son accentue l’intensité et la poussée d'adrénaline des scènes d’action. Le film est empli d'une fureur cathartique jubilatoire. Petit regret : le personnage de Yayan Ruhian est expédié après avoir démontré sa force dans deux grosses bastons, peut-être parce que l’acteur tenait déjà un autre rôle (le fameux Mad Dog) dans le précédent The Raid et qu’il était donc déjà « identifiable ». Mais sinon, on tient bien là un nouveau monument du film d’arts martiaux, en même temps qu’un bon film de mafieux et d’infiltration. Gareth Evans est bien parti pour marquer le cinéma d’action par une nouvelle trilogie de référence.

(Avis de The Raid 2 : Berandal par Jonathan C.)

 

Changement total de registre avec le mexicain Espectro. Alors qu’elle espionne sa voisine psychopathe, une medium paranoïaque et agoraphobe (la douce Paz Vega ici en mode timbrée) car traumatisée par un viol se barricade dans son appartement, alors que ce dernier semble hanté par un fantôme qui la harcèle. Comme peut l’indiquer ce résumé primaire, Espectro mange un peu à tous les râteliers et parle de tout et de n’importe quoi en enchainant poncif sur poncif dans un scénario balourd et incompréhensible (alors qu’on devine très vite ou le réalisateur veut en venir, jusqu’à ses révélations ridicules), au fil d’une narration foutraque sans queue ni tête (d’ailleurs il n’y a ni début ni fin). Espectro, c’est un peu comme si le Répulsion de Polanski avait été réalisé par Michael Bay, avec aussi du Paranormal Activity, du Fenêtre sur cour, du Ring, etc. Visuellement c’est assez soigné, tant dans la mise en scène (assez inventive) que dans la photographie (feutrée et chaleureuse, à l’espagnole), mais le montage part complètement en vrille, accumulant jump-cut attendus, flashbacks ringards, effets clipesques de mauvais goût et gros bruits pour faire sursauter (alors qu’ils ne sont même pas calés correctement sur les apparitions horrifiques).

On se retrouve ainsi devant un film d’épouvante psychologique tapageur, tape-à-l’œil, pompeux et racoleur dont la bande-son assourdissante est presque insupportable. Chaque effet, chaque rebondissement, chaque geste et même chaque transition sont surlignés et ampoulés, ce qui rend le visionnage d’Espectro rapidement agaçant et rébarbatif, annihilant toutes les thématiques intéressantes qui auraient pu ressortir d’une telle histoire. Tous les clichés ressortent du placard, jusqu'au coup de l'apparition-surprise dans le miroir de la salle de bain lorsqu'il se referme (et la musique ne manque pas d'en faire des tonnes pour nous rappeler qu'on est censé sursauter). Les réactions de Paz Vega, actrice habituellement superbe et adorable que le réalisateur Alfonso Pineda Ulloa parvient ici à enlaidir et à rendre crispante (fallait le faire), sont difficile à cerner et ne permettent pas de rendre le personnage sympathique, au contraire. A retenir, outre une réalisation sensorielle appliquée (même si bariolée) typique du cinéma de genre ibérique : la scène de la salle de bain, ou l’héroïne punit sévèrement l’œil lubrique qui l’espionnait à travers le mur. C'est une des rares fois ou le film retient l'attention, entre deux baillements et soupirs impatients.

(Avis de Espectro par Jonathan C.)

 

Ensuite le Bifff a proposé à son audience de découvrir Soulmate, première oeuvre d'une enfant du pays.

Traumatisée par la mort de l'homme de sa vie, Audrey tente de mettre fin aussi à la sienne. Qui dit "tentative" veut aussi dire "échec", et du coup la veuve décide alors de louer un cottage dans un coin perdu pour remettre de l'ordre dans sa tête. Si Audrey découvre très rapidement une voisine particulièrement envahissante, elle mettra un peu plus de temps à constater la présence d'un colocataire assez flippant qui a une tendance à traverser les murs et à être invisible pour le commun des mortels.

Après quelques rôles plus ou moins importants et 3 courts métrages comme réalisatrice, Axelle Carolyn écrit et réalise son premier long-métrage. Et même si le nom de Neil Marshall apparaît comme producteur (il y fait aussi un cameo) il ne faut pas s'y tromper : le budget de cette première entreprise est sommes toutes modeste et on trouvera déjà là le mérite de voir une mise en scène soignée et appliquée ne cherchant pas l'esbroufe, mais jouant uniquement sur l'interprétation de ses comédiens et sur une musique assez efficace du très expérimenté Christian Henson (Triangle, Severance, Grabbers...).  Soulmate est aussi un film qui respire autant la sincérité que la passion.

Après, le gros souci de Soulmate s'il se situe donc pas en terme de direction et de mise en scène, se trouve être certainement dans le fait qu'il est trop proche de L'Aventure de Madame Muir tout en ne profitant pas pleinement de la même portée des sentiments. Alors certes, dre toute façon beaucoup aujourd'hui ne doivent pas connaître et ne verront peut-être jamais le chef-d'oeuvre de Joseph L. Mankiewicz, reste qu'une bonne partie du scénario d'Axelle Carolyn semble y être très influencé. Vous me direz (et vous auriez bien raison) : aujourd'hui quel film ne marche pas sur les sentiers d'un autre ? Mais voilà, on ne peut ignorer la comparaison et on en vient à regretter que lorsque la réalisatrice s'éloigne de cet univers et de cette référence c'est pour retomber dans quelques clichés plus ancrés dans notre époque (bien qu'elle ait l'intelligence de pas sombrer dans la mode du found-footage). Il y avait cependant une approche de la scénariste très intéressante autour du partage et de la réception du deuil et on regrette qu'Axelle Carolyn n'ait pas poussé plus loin cette piste qui lui aurait permis de se démarquer du jeu des comparaisons.

Sinon on appréciera et on retiendra le jeu tout en retenu d'Anna Walton (The Mutant Chronicles, Hellboy 2, les légions d'or maudites) , un peu moins celui de Tom Wisdom qui au départ se montre convaincant mais n'arrive pas pleinement à jouer le côté « saute d'humeur », qui arrive vers la fin.

Au final, Soulmate n'est clairement pas un mauvais film, il est même très attachant, le coeur est à l'ouvrage, il n'y a aucune prétention et beaucoup de sincérité et le résultat est vraiment agréable à regarder, mais comme bon nombre de productions actuelles il n'arrivera pas à marquer sur le long terme. Pour le reste, il est réellement et de très loin plus agréable de voir un film comme celui-ci ou le classicisme n'a rien de déshonorant et a le mérite d'être honnête et soigné, plutôt que le film suivant dont nous vous parlerons ci-dessous.

(Avis pour Soulmate par Richard B.)

 

« Père pardonne-leur, car ils ne savent ce qu'ils font »... en fait non ! Car à la vision de la chose, ils savent certainement ce qu'ils font, et du coup ils ne méritent aucun pardon ! Voilà bien l'idée qui se dégage de la vision d'un film comme The Borderlands.

Deacon est dépêché par le Vatican afin de se rendre dans une bourgade désolée du sud de l’Angleterre et tester la véracité de phénomènes paranormaux si déroulants. Accompagné d'un spécialiste en caméras miniatures et du père Mark, présent afin de valider le miracle, Deacon va procéder à une analyse méticuleuse de la vieille église du coin. Au programme : des cris qui viennent du mur ? Des moutons qui prennent feu et potentiellement des forces maléfiques qui ne sont pas contentes !

Comme il est question ici de descendre un film en flèche, je vais employer pleinement le terme du « je », car je sais bien qu'il existe quelques fans inconditionnels de ce type de films dits found-footage qui de base n'est pour moi pas vraiment du cinéma, et c'est pas le cas présent qui me fera changer d'avis (bien que je souscrive à une ou deux exceptions). J'ai habituellement tendance à être indulgent, mais à la vision de The Borderlands d'Elliot Goldner il m'apparait difficile de faire autrement tant j'y vois de l'opportunisme. Le found-foutage étant hélas bien à la mode, Elliot Goldner nous dévoile un film dans la parfaite tendance de la vague Paranormal Activity à la sauce anges, démons & Cie, le tout affublé d'une image dégueulasse, d'acteurs inexistants et dans lequel l'impression que rien ne se passe domine. En fait non, ce n'est pas qu'une impression, puisque j'avoue avoir - sans la moindre honte pour le coup - somnolé une quinzaine de minutes sans avoir eu l'impression d'avoir raté quelque chose. Rien ne me semble à sauver, hormis peut-être le fait de voir le générique de fin apparaitre et sonner ainsi ma libération tant j'ai lutté pour ne pas fuir de la salle. Aucun attachement vis-à-vis des personnages, aucune ambiance, des clichés qui s'empilent les uns sur les autres, le tout amené par une image aussi dégeulasse que peu réfléchie. Alors oui j'accepte que le peu de budget conduise parfois à faire avec les moyens du bords s'il s'agit de nous raconter une bonne histoire ou se focaliser sur une interprétation solide. Mais ici ce film est une honte à tous cinéastes amateurs ou professionnels qui se décarcassent à créer des oeuvres un minimum soignées et qui ne trouvent parfois pas leur place dans des salles. Le found-footage amène une pollution de produits comme celui-ci ou tout le monde semble penser qu'il suffit d'utiliser ce procédé pour faire un film. Bien non !

(Avis pour The Borderlands par Richard B.)

Auteur : Jonathan C.
Publié le samedi 12 avril 2014 à 11h48

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