Critique Le spectre aux yeux d'argent #1 [2010]

Avis critique rédigé par Nicolas L. le vendredi 20 avril 2012 à 14h27

La Croisade infernale

En 1219, la cinquième croisade échoue aux portes de Damiette, les soldats du Christ se voyant terrassés par une mystérieuse épidémie de peste. Mais cela, c’est la version officielle. A Rome, le pape Grégoire IX, en conflit larvé avec l’empereur Frédéric II, vit très mal ce revers et charge un  templier, Guillaume de Sonnac, de mener une enquête sur les circonstances réelles qui ont conduit à cette catastrophe. Et c’est ainsi qu’en 1227 la Commission des Mires voit le jour. Ses membres ne doivent des comptes qu’au pape en personne. Une dizaine d’années plus tard, après avoir mené quelques investigations dans le royaume, il est temps pour Guillaume de Sonnac de s’embarquer avec ses compagnons pour Damiette, à la recherche de nouveaux indices…

Fruit du travail commun d’ IZU et de Alex Nikolavitch, Le spectre aux yeux d’argent se pose comme le premier tome d’un récit mêlant avec habileté Histoire et fiction. Après s’être excellemment documentés sur cette période mouvementée, les scénaristes se sont appuyés sur des personnages et des faits réels (ou du moins considérés comme tels) en respectant la chronologie des évènements pour enrichir leur propre mythologie, construite sur fond d’horreur pure et de grand œuvre alchimique. D’aucun d’entre vous me répondront que digresser sur l’Histoire est une manœuvre qui est loin d’être révolutionnaire. C’est vrai. Mais force est de dire qu’ici, sans vouloir discréditer le moins du monde les travaux des autres artistes spécialisés dans le genre, l’ensemble est particulièrement bien ficelé, avec une construction narrative qui fourmille de bonnes idées. A l’instar de la construction du groupe de personnages…

Chaque personnage d’importance se voit bénéficier d’un chapitre flashback, presque entièrement dédié à sa présentation. Et comme ce premier tome est fort d’une belle pagination (140 pages), les scénaristes ont pu s’autoriser le luxe de faire dans le détail. Cette méthode permet également de développer naturellement l’environnement des héros, et particulièrement les personnages secondaires, qui sont loin de n’être que de simples seconds couteaux aux profils transparents. Au final, La structure du Spectre aux yeux d’argent évoque ces séries télévisées modernes qui s’attardent longuement sur les personnages via le traitement de flashback (Lost est un bon exemple) qui s’intercalent dans l’arc principal. Il en ressort un lot de personnages dotés de fortes individualités, propices à de belles possibilités dans le développement des futurs rapports de groupe. Quand au lecteur, il choisira son favori non pas en fonction de sa durée d’exposition mais de ses propres sensibilités. Entre le charismatique Guillaume de Sonnac, le cynique Gautier de Puységur, la fougueuse Clotilde d’Angers, le téméraire Ulric de Syracuse, le rusé Giancarlo ou le sombre frère Jéhu, chacun y aura son content.

L’intrigue, qui se déroule alternativement en Europe et en Terre Sainte met en scène plusieurs factions qui se vouent une haine farouche. L’enjeu pour les personnages principaux est d’oublier temporairement leurs ressentiments pour faire face, ensemble, à une menace commune : les Assassins, une secte ismaïlienne qui use d’alchimie pour se construire une invisible armée de serviteurs morts-vivants. La tache est loin d’être simple, surtout quand, mandaté par le pape et ancien croisé, on doit côtoyer des envoyés du khan et des timurides. Quand à la nature même de leur mission, ils vont brutalement découvrir sa démesure, à travers une scène qui va ébranler leur foi et leur courage légendaire…

Excellent dessinateur, Zhang Xiaoyu donne au récit le dynamisme nécessaire en s’appuyant sur un découpage extrêmement cinématographique. Jouant des cases comme un réalisateur de films d’horreur le ferait avec le cadre d’une caméra, Zhang Xiaoyu nous offre des scènes d’action d’une grande efficacité, n’hésitant pas à aller très loin dans le gore, le crayonné du dessinateur appuyant la nature « dirty » du récit. La couverture, d’ailleurs, brillante et contrastée, jure un peu avec le style choisi et, en conséquence, ne reflète pas vraiment l’ambiance ressentie lors de la lecture. En conclusion, on ne peut que féliciter Zhang Xiaoyu d’avoir su retranscrire en images un excellent script, en usant de ses propres influences dans le domaine de l’horreur (on pense à Alien, de Ridley Scott), pour nous offrir un spectacle aussi énergique que viscéral.

La conclusion de à propos de la Bande Dessinée : Le spectre aux yeux d'argent #1 [2010]

Auteur Nicolas L.
95

Premier tome de la série Crusades, Le Spectre aux yeux d’argent mêle, avec intelligence et habileté, fiction horrifique et Histoire des Croisades pour nous offrir un récit terriblement accrocheur, magnifié par la présence de personnages bien construits. De plus, graphiquement, question qualité, le travail effectué par Zhang Xiaoyu n’est pas en reste, avec une belle gestion dynamique et un rendu horrifique vraiment très efficace. Un superbe album, prometteur pour la suite…

On a aimé

  • Plus de 140 pages d’une BD de qualité !
  • Un scénario habilement ficelé
  • Des personnages bien construits
  • Une horreur très efficace
  • Des dessins de qualité

On a moins bien aimé

  • La couverture

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