Critique Nous Autres [1920]

Avis critique rédigé par Thomas K. le lundi 13 juillet 2009 à 15h17

Le meilleur des 1984

« Je serai franc : nous n’avons pas encore résolu le problème du bonheur d’une façon tout à fait précise. Deux fois par jour, aux heures fixées par les Tables, de seize à dix-sept heures et de vingt et une à vingt deux heures, notre puissant et unique organisme se divise en cellules séparées. Ce sont les Heures Personnelles. A ces heures, certains ont baissé sagement les rideaux de leurs chambres, d’autres parcourent posément le boulevard en marchant au rythme des cuivres, d’autres encore sont assis à leur table, comme moi actuellement.
On me traitera peut-être d’idéaliste et de fantaisiste, mais j’ai la conviction profonde que, tôt ou tard, nous trouverons place aussi pour ces heures dans le tableau général, et qu’un jour les 86400 secondes entreront dans les Tables des Heures. »


Avant de commencer ma « critique », il est nécessaire, je crois, de préciser que je ne m’estime pas capable, même en temps que lecteur, de porter un jugement définitif face à tel un monument de la littérature. Un monument occulté par sa descendance si populaire, connue et reconnue. Un peu comme un Michel-Ange parlera plus au profane qu’un Giotto. Et bien si Orwell et Huxley sont les Raphaël et les Michel-Ange, Zamiatine est leur Giotto.
Et face à un Giotto, le critique amateur que je suis ne s’estime pas suffisamment docte pour noter une pareille œuvre.

Eugène (Ievgueni) Zamiatine, citoyen soviétique, a écrit cet ouvrage en 1920, il nous propose ici la première mise en scène d’une Utopie. Là ou les Platon et les Moore proposaient des modèles de sociétés idéales, Zamiatine nous raconte le point de vue d’un des acteurs de l’un d’entre elles. Et on comprend alors que l’écrivain soviétique, futur exilé volontaire, entrevoit un avenir peu radieux aux peuples de l’URSS…

Cette personne que nous suivrons, le long des lignes de son journal, répond au nom de D-503. Il est l’un des 10 millions de Numéros, les citoyens de l’Etat Unique. D-503 est un personnage important parmi la masse anodine des Numéros, en effet il est l’ingénieur responsable de la construction de l’Intégral, un vaisseau spatial crachant le feu, destiné à répandre, tout d’abord par le verbe, le message de l’Etat Unique aux civilisations des autres planètes. En tant que tel D-503 se pique d’utiliser ses Heures Personnelles (cf citation) pour rédiger un journal, destiné aux extraterrestres subissant encore le terrible joug de la Liberté.
Il fréquente parfois O-90, une Numéro replète avec qui les plaisirs de la chair sont simples, et il a un ami R-13, poète officiel de l’Etat Unique. D-503 pourrait donc rester dans sa vie idéale, où son seul souci resterait ses « grosses mains de singes » qui ne collent décidemment pas avec les canons de beauté officiels.

Cependant, la vie de notre sympathique ingénieur va connaître un changement important, changement initié par sa rencontre avec l’énigmatique et irrésistible I-330. A ses cotés, D-503 va transgresser de plus en plus de préceptes de l’Etat Unique. D’abords d’anodins manquements, qui deviendront finalement les viols des plus sacro-saintes lois datant de la Fondation, lors de la fin de la Guerre de Deux Cents contre les campagnes.

Lorsqu’on commence la lecture d’un ouvrage comme Nous Autres, les premiers chapitres sont grisant, car ils dressent le plus possible l’ensemble du décor. La curiosité est piquée par les descriptions du mode de vie des Numéros, leurs appartements de verres où ils n’ont rien à cacher. Leur chef, candidat unique toujours élu à l’Unanimité, le Bienfaiteur, qui président les exécutions. Les Gardiens, numéros qui, grimés comme de simples citoyens, surveillent les faits et gestes de leurs administrés. Le musée de la Maison Antique où l’on peut voir comment était la vie d’autrefois. Les auditoria où il faut obligatoirement se rendre pour chanter les louanges de l’Etat Unique… et bien d’autres éléments qui décrivent le totalitarisme dans sa plus extrême expression.

Dans son journal, qu’il adresse aux civilisations extra terrestres, D-503 commence sans s’en rendre compte à trahir une dangereuse récession vers des préceptes obsolète de l’humanité comme l’Amour, le Désir ou la Volonté. Et là je dois l’avouer, je me suis parfois perdu dans les différentes directions où Zamiatine veut nous conduire. Son écriture (ou sa traduction) est en effet parfois quelque peu chaotique.

La conclusion de à propos du Roman : Nous Autres [1920]

Auteur Thomas K.
100

Cependant, ces moments déroutants n’ont en rien altéré le plaisir que j’ai eu à lire cet ouvrage précurseur. Ce livre qui a permis à Orwell, lui-même s’en réclame, de construire un monument incontournable. Le paradoxe est que, alors que l’univers de Zamiatine est déjà plus abouti dans l’aspect inhumain de sa société, il est pourtant moins effrayant, moins oppressant que le Londres totalitaire, remplis de Télécrans, de 1984. Quoiqu’il en soit, Zamiatine a laissé une porte ouverte pour les générations futures d’écrivains, et rien que pour cela Nous Autres mérite d’être lu.

On a aimé

  • Le premier d’un genre. Un univers fascinant.

On a moins bien aimé

  • Une intrigue parfois trop chaotique.

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