Critique Beowulf et Grendel [2006]

Avis critique rédigé par Nicolas L. le jeudi 17 août 2006 à 08h20

Chasse au Troll vengeur

Lié par le sang à Hrothgar, le roi des Danes, le viking Beowulf (qui devient un goth dans le doublage français, ne me demandez pas pourquoi…), accompagné de 12 guerriers, traverse la mer afin de lui porter secours. Il semblerait en effet que son royaume soit ravagé par la fureur d’un terrible Troll.
La légende de Boewulf est un poème épique anglais datant de la fin du 10ème siècle. Racontant les exploits d’un héros invincible, cette ode en vers, probablement rapportée en terre d’Angles par les colonisateurs danois, est donc encore plus ancienne que la geste d’Arthur et l’Anneau des Nibelungen. Ce texte très important de la littérature britannique sera d’ailleurs l’une des principales sources d’inspiration (avec les sagas islandaises tirées des textes sacrés de l’Edda) de J.R.R. Tolkien lorsqu’il écrivit son célébrissime Seigneur des Anneaux.
Cependant, malgré son statut de texte majeur dans la culture britannique, le récit des exploits de Beowulf, et notamment son combat avec le troll Grendel, a rarement été porté sur les écrans. En effet, à part un très beau film d’animation sorti en 1998 (avec Ralph Fiennes dans le rôle de Beowulf) et le pathétique film de Graham Baker en 1999 (avec un totophe Lambert bondissant), il faut dire que le héros suédois n’a guère eu les faveurs des cinéastes. Avec le succès du Seigneur des Anneaux de Peter Jackson qui a relancé l’intérêt des producteurs envers le genre épique, les affaires de Beowulf sont toutefois en train de reprendre.
En attendant le blockbuster de Robert Zemeckis dont la sortie est annoncée pour l’année 2007 (avec Ray Winstone dans la peau du héros), le cinéaste scandinave Sturla Gunnarsson nous propose une version probablement plus sobre que ne sera celle du réalisateur américain. Au niveau du script, il a choisi tout d’abord de garder entière la trame générale et de mettre en valeur la substance philosophique du texte. En effet, en montrant dans les premières minutes du film l’assassinat du père de Grendel par Hrothgar et ses hommes, il a décidé de nous raconter une dramatique et douloureuse histoire de vengeance. Transformé en témoin, le spectateur se trouve balancé entre deux sentiments contradictoires (la crainte de ce troll sauvage et la compassion envers cet être malheureux) qui le mettent mal à l’aise vis-à-vis des agissements d’un Beowulf ignorant des faits. Un excellent choix narratif (loin des habituels et gavant rebondissements hollywoodiens), qui laisse le spectateur devant de nombreux questionnements, notamment sur la justification des actes de Grendel, de sa mère, de Beowulf, ou même de Hrothgar.
L’une des autres bonnes surprises de cette petite production canadienne est le choix du lieu de tournage. L’islandais a en effet eu l’initiative de mettre en boîte son film sur son île natale. Et il n’y a qu’un seul mot pour qualifier ces décors démesurés : magnifique ! Loin des plateaux sophistiqués propres aux productions américaines, cette beauté sauvage et naturelle, baignée par une photographie somptueuse nous apporte une véritable sensation de dépaysement géographique et même chronologique, tout en apportant un aspect réaliste à cette reconstitution médiévale. Stellar Gunnarsson insiste d’ailleurs fortement sur le coté réaliste de cette aventure. Avec Beowulf & Grendel, vous serez invités à faire connaissance avec l’environnement de ces farouches peuples du Nord. Une attention toute particulière a donc été portée sur l’aspect ‘’reconstitution’’ avec la maison commune, le feu de garde, le tumulus funéraire, le petit cheval viking et son tölt (une allure spécifique à cette race, entre le trot et le galop), les sobres vêtements faits de brais et de fourrure (seul Beowulf porte un heaume à nasal élaboré), et les coutumes capillaires bien étudiées (symbolique des nattes). Le tout démontre un grand respect du cinéaste pour sa culture.
Malheureusement, tout n’est pas aussi bien réussi. Même si l’on ne s’attendait pas réellement à une débauche d’effets spéciaux et un déferlement d’action, on peut regretter un certain manque de rythme dans la narration et une édulcoration du texte original (qui est bien plus violent). Et même si l’on peut comprendre que le froid puisse générer une certaine langueur, on se prend parfois à s’impatienter devant le manque de tenue dramatique de certaines séquences vraiment mollassonnes. La faute n’en revient pas qu’à l’équipe technique et aux lignes de dialogues parfois un peu trop modernisées (avec de nombreuses plaisanteries quelque peu ‘’décalées’’ mais assez drôles). Les comédiens y sont également pour beaucoup. Si le suédois Stellan Skarsgǻrd s’en sort très bien dans le rôle du roi Hrothgar et que le monolithique Gerard Butler (Attila, Dracula 2001) est étonnamment moins fade que d’habitude, on ne peut en dire autant du reste de la distribution, bien costumée mais mal inspirée. La pire des performances est probablement celle de Sarah Polley dans le rôle de la sorcière Selma, pas du tout crédible, limite ridicule. Le choix de cette actrice pour un rôle si dur est d’ailleurs un mystère pour moi. Bref, cet aspect nuit grandement à la qualité générale de l’œuvre et c’est bien dommage….

La conclusion de à propos du Film : Beowulf et Grendel [2006]

Auteur Nicolas L.
70

Sorti de manière assez confidentielle sur les écrans canadiens et américains et encore inédit en salle dans l’hexagone, le film de Stellar Gunnarsson est une œuvre respectueuse du mythe, à la photographie superbe et la trame intelligente. Seule une réalisation un peu nonchalante et une interprétation parfois médiocre empêche le film d’atteindre les sommets. A voir cependant… Et si vous brûlez de savoir où Michael Crichton a bien pu trouvé l’inspiration pour son 13ème guerrier, visionnez Beowulf et Grendel, vous allez vite piger…

On a aimé

  • Respect du mythe
  • Décors magnifiques
  • Photographie somptueuse
  • Aspect ‘’reconstitution médiévale’’ pointue.

On a moins bien aimé

  • Réalisation très moyenne
  • Interprétation inégale
  • La sorcière Selma, ou Charmed au pays de Beowulf

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