Critique Mama [2013]

Avis critique rédigé par Vincent L. le lundi 8 avril 2013 à 12h22

Un film efficace, mais pas totalement abouti...

Si, au fil des années, Guillermo Del Toro s'est construit une solide réputation auprès du public, des critiques et des professionnels, il est également devenu une véritable marque dans ses activités de producteur. Ainsi, à l'instar d'un Joel Silver (dans un autre registre), il y a une Del Toro's touch, indéniable, qui transparaît de chacun des films qu'il parraine, et auxquels il apporte la notoriété nécessaire à une exploitation grand public. Au fil des longs-métrages, on s'est petit à petit aperçu que la grande force de Del Toro producteur est finalement de ne pas vampiriser les réalisateurs (souvent débutants) qu'il accompagne ; ainsi, contrairement à un Luc Besson qui apporte une touche bien reconnaissable à ses productions (rendant au final ses réalisateurs aussi anonymes qu'interchangeables), on sent que sa participation se fait au regard de la thématique du film, et qu'une véritable liberté est laissée au metteur en scène dans son travail formel.

En témoigne ainsi la qualité fluctuante des films ainsi produit, entièrement dépendante du talent intrinsèque du réalisateur (preuve, une nouvelle fois, qu'ils ne sont pas que de simples yes-men). Pour un Orphelinat à la mise en scène impeccablement maîtrisée, on dressera un bilan bien plus mitigé de longs-métrages décevants comme Les Yeux de Julia ou Don't Be Afraid of the Dark. De fait, au fil des années, on a finit par comprendre que lire sur une affiche un "Guillermo Del Toro présente" indique que l'on va voir des fantômes, un traitement dira t-on "ibérique" (par opposition au traitement "asiatique"), mais ne garantit au final d'aucune espèce de qualité. Adapté du court-métrage éponyme, Mama, premier film d'Andrés Muschietti et dernière production en date de Guillermo Del Toro, peut aujourd'hui se flatter d'occuper le haut du panier, s'avérant plus convaincant que ses prédécesseurs, sans pourtant réussir à dépasser les limites du genre.

D'un point de vue global, Mama souffre de ce que l'on pourrait appeler le symptome du "crash aérien", c'est à dire que le film commence très haut, très fort, puis voit sa qualité baisser tout au long de son déroulé jusqu'à se terminer sur un épilogue peu convaincant. On retiendra donc principalement du long-métrage son premier tiers, réussi tant sur un plan scénaristique que grâce à sa mise en scène à la fois efficace et inspirée. Loin des poncifs du genre sur les maisons hantées ou sur les vengeances d'esprits d'outre-tombe, l'idée de faire du principal antagoniste un fantôme finalement bienveillant dans ses motivations casse une certaine routine, et permet d'installer des éléments inédits intéressants (toute la séquence d'ouverture est plutôt remarquable). Dans le même ordre d'idées, donner à l'héroïne le même but que le fantôme en question permet d'installer une dualité assez pertinente entre ces deux protagonistes que tout le reste oppose.

Puis, passé ce premier tiers très convaincant, le film commence à patiner, et on se rend petit à petit compte que Mama n'a plus rien à raconter. L'ensemble de la partie centrale, dénuée de nouveaux enjeux, s'avère totalement immobile d'un strict point de vue dramatique. Dès lors, le film tourne à vide, ne fonctionnant plus que sur les schémas de films de fantôme traditionnels, multipliant les effets de styles pour plus ou moins bien masquer cette vacuité. Si l'épilogue permet au long-métrage de partir dans une direction nouvelle, il ne réussit ni à être vraiment innovant (on retourne sur les lieux du départ, on ressort un cadavre du placard pour le donner au fantôme, etc.), ni à être franchement convaincant dans sa conclusion. Malgré une volonté affichée de ne pas aller vers un happy-end facile et démago, le traitement tranche trop avec ce qui avait été mis en place précédemment pour réellement convaincre et laisser, au final, un sentiment positif.

Ce serait malgré tout oublier que le film bénéficie d'une excellente maîtrise formelle : la mise en scène réserve ainsi régulièrement des surprises appréciables et certains effets de styles (notamment dans la première partie) sont indéniablement efficaces, y compris pour un public rompu au genre (et donc, par définition, moins aisément impressionnable). Malgré une propension à céder à la facilité au fur et à mesure (les jumps-scares deviennent de plus en plus nombreux au fur et à mesure de l'avancée du film) et à trop exposer le fantôme au grand jour dans le dernier acte, Mama bénéficie d'une ambiance bien travaillée qui lui confère une identité appréciable, et s'appuie d'une direction d'acteurs parvenant à contrebalancer les faiblesses du scénario en terme de construction de personnages, deux preuves du talent de son réalisateur, Andrés Muschietti, qui ne se pose ici pas en vulgaire copycat de son prestigieux producteur.

On notera enfin le travail très appréciable fait sur tout ce qui concerne l'aspect esthétique. Ainsi, loin des canons du film de fantôme ibérique, le design de la Mama semble tout droit sortir d'une toile de Modigliani ; cela confère à cet antagoniste une identité visuelle forte, originale et, par bien des côtés, assez fascinante. De même, nombre partis pris visuels donnent une saveur bien particulière aux éléments mis en scène, et, s'ils ne seront pas nécessairement du goût de tous (le flashback sur l'histoire du fantôme est à la limite de la faute de goût, mais parvient, on ne sait pas trop comment, à bien s'intégrer dans le tout), force est de reconnaître qu'ils posent une vision différente qui tranche avec le commun des films du genre. Tout cela donne à Mama suffisamment d'originalité pour passer outre ses faiblesses scénaristiques, et au final se poser comme un film agréable qui a au moins le mérite de ne pas avoir volé son succès public.

La conclusion de à propos du Film : Mama [2013]

Auteur Vincent L.
65

Nouveau film de fantômes made in Guillermo Del Toro, Mama se révèle au final bien plus convaincant que ne pouvaient l'être Don't Be Afraid of the Dark, Les Yeux de Julia ou même (dans une moindre mesure) L'Orphelinat. Andrés Muschietti nous propose ici une mise en scène soignée et appliquée, une esthétique impeccablement travaillée et une histoire proposant quelques éléments originaux. On regrettera toutefois que le scénario s'épuise intégralement dès son premier tiers, n'ayant par la suite plus rien à offrir de nouveau en terme d'enjeux dramatiques sinon une multiplication de séquences surnaturelles plus ou moins inspirées. L'épilogue, peu convaincant malgré une prise de risque indéniable, laisse au final sur une impression mitigée qui pourrait presque faire oublier que dans le genre, Mama est tout de même ce que l'on a eu de plus efficace depuis un petit moment.

On a aimé

  • Une mise en scène appliquée,
  • Travail esthétique appréciable,
  • Un premier tiers réussi,
  • Quelques effets de styles efficaces,
  • Un casting solide.

On a moins bien aimé

  • Un scénario qui finit par tourner à vide,
  • Un final peu convaincant,
  • Beaucoup d'effets de style faciles.

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