Critique Tikal II [2010]

Avis critique rédigé par Benoît F. le dimanche 2 janvier 2011 à 16h29

LES AVENTURIERS DU TEMPLE PERDU

Ce fut au siècle dernier, et plus précisément en l’an de grâce 1999, que deux auteurs teutons remportèrent le fameux « Spiel des Jahres » (jeu de l’année en Allemagne) pour leur œuvre commune répondant au doux nom de Tikal. Ce jeu, devenu l’un des symboles de l’école ludique allemande, marqua une génération de joueurs désireux de tremper leur intellect dans des mécanismes de jeu simples à appréhender mais véritablement riches en termes de profondeur tactique. Depuis, du Schnaps a coulé sous les ponts et les jeux de ce type ont aujourd’hui laissé la place à des produits ciblant un public de plus en plus éclectique. Mais il arrive parfois que des contacts se prennent au détour d’un salon ludique international comme ce fut le cas pour l’éditeur suisse Gameworks et les deux heureux « papas » de Tikal, à savoir Wolfgang Kramer et Michael Kiesling. Cette joyeuse bande décida de se lancer dans une nouvelle aventure ayant encore une fois pour cadre la jungle guatémaltèque : Tikal II était né.

Une décennie (ou presque) plus tard...


L’AVENTURE C’EST L’AVENTURE

L’affaire se déroula au XXème siècle de notre ère. Après avoir entrepris la désormais célèbre exploration du site de Tikal au Guatemala, les professeurs Kramer et Kiesling décidèrent de lancer une nouvelle expédition suite à de précieuses informations obtenues sur site par l’un de leurs contacts. Ce dernier mentionna l’existence d’un temple tapi au sein d’une vallée encore inexplorée. Il n’en fallut pas plus à ces deux baroudeurs du monde scientifique pour rejoindre ce lieu craint des autochtones. Deux autres éminents archéologues les rejoignirent en chemin, les professeurs Brafsky et Pauchoniev. Mais quels secrets recèlent donc ce temple ? Vous faudra-t-il plus de deux secondes pour déplier votre tente Quechua? Les légendes des indigènes ne sont-elles que le fruit de leur imagination et pour quelles raisons vénèrent-ils ces mystérieuses amulettes découvertes au fil des pérégrinations ? Soyez celui qui pénétrera dans ce lieu mystique et en récoltera la reconnaissance éternelle de ses pairs.

 

« DANS LA JUNGLE, TERRIBLE JUNGLE, LE CUBE EST MORT CE SOIR… »

Pour les connaisseurs du premier opus, Tikal II se distingue de son aîné par l’approche esthétique et matérielle qu’il déploie tout en conservant le classicisme de son ancêtre. En effet, au diable les cubes de bois de Tikal ! Vive les splendides pions en plastique de Tikal II ! Effectivement, le concept n’est pas particulièrement tourné vers le développement durable mais la qualité est largement au rendez-vous et cela grâce à l’équipe Zibobiz qui avait déjà sévit sur Dungeon Twister Prison. Les pions représentant les explorateurs, à pied ou en pirogue, sont tout simplement magnifiques et ne parlons pas de la petite caisse de matériel utilisée pour symboliser l’avancée des points de victoire. De même, la vingtaine de drapeaux confiée à chaque joueur s’avérera particulièrement pratique afin de marquer l’évolution de l’exploration.

L’ensemble du matériel est donc de grande qualité et les illustrations de Vincent Dutrait viennent couronner le tout. En effet, l’autre idée remarquable de l’équipe Gameworks est d’avoir proposé l’introduction au livret de règles dans un format bande dessinée laissant ainsi tout le talent de l’illustrateur s’exprimer. Neuf pages sont donc consacrées à la mise en place du contexte insérant de nombreuses références à la fois ludique, cinématographique (Indiana Jones) et bédéphile (Tintin). Cette mise en bouche procure une énorme envie de se lancer dans l’aventure et se distingue totalement de l’approche proposée par son vénérable aîné.

D’autre part, la rédaction des règles demeure un exemple de clarté grâce à une mise en page aérée et aux nombreux exemples illustrés. Le plateau de jeu représente le temple que vous devrez explorer via les nombreuses tuiles Salle qui composeront progressivement le plan de l’édifice. Des plateaux individuels sont également fournis évoquant le campement de chaque explorateur. Enfin, de multiples jetons en carton de bonne qualité complètent le matériel symbolisant amulettes, trésors et autres passages secrets. L’iconographie utilisée est extrêmement simple à appréhender tout en facilitant l’apprentissage des règles.

Par ailleurs, l’éditeur suisse nous livre un thermoformage qui simplifiera grandement le rangement du matériel. La boîte, un tantinet trop grande par rapport aux formats actuels, s’inscrit dans la lignée de celle de Tikal premier du nom. Comme pour Sobek, l’édition est de grande qualité et fidèle à l’image que s’est bâtie Gameworks au cours de ces dernières années : une sorte d’Ikéa du monde ludique, alliant esthétisme et sens pratique.

 

L’ARCHEOLOGIE POUR LES NULS

Le but du jeu est d’accumuler plus de points de victoire que vos comparses, eux aussi adeptes du petit pinceau en poils de chèvre. Mais il est de notoriété publique que le véritable archéologue n’est pas celui qui manipule de petits instruments saugrenus tout en effectuant des recherches improbables sur la position de la mèche capillaire dans la civilisation mésopotamienne. Bref, un archéologue digne de ce nom est avant tout un aventurier contre tout guerrier, un baroudeur adepte d’énigmes en tout genre qui vous soutiendra qu’un X n’a jamais marqué l’emplacement d’un trésor. Vous aurez donc deux mois (= deux manches) afin de prouver votre appartenance à cette noble corporation.

Chaque manche se compose de plusieurs tours de jeu et s’achève dès que la dernière tuile Action est piochée. Le tour d’un joueur se déroule en deux phases :

- La phase Pirogue : il s’agit d’un passage obligatoire durant lequel vous allez naviguer autour du temple tout en collectant des tuiles Action aux effets divers et variés (obtention d’amulette, pioche de cartes spéciales, tuiles Salle ou pions trésor, etc…). Au cours de cette phase, vous pourrez également livrer vos trésors lors de vos passages au niveau des hydravions afin d’engranger un nombre de points de victoire variant en fonction de la valeur fluctuante des artefacts recherchés.

- La phase  Explorateur : celle-ci est optionnelle et vous permettra d’entreprendre la fouille du temple avec points de victoire à l’issue. Le déplacement au sein de l’édifice est illimité et se fait grâce aux amulettes qui sont finalement des clefs dont les couleurs correspondent à celles des portes. Ensuite, il vous sera possible de planter votre petit drapeau sur une tuile Salle afin de symboliser la fouille de celle-ci. Les points de victoire perçus seront calculés en fonction du nombre de portes de même couleur dans chaque salle dans laquelle vous avez déjà placé un drapeau.

Un décompte aura lieu à chaque fin de manche prenant en considération les amulettes accumulées dans chaque campement ainsi que les tuiles Autel (salles sombres) fouillées. A cela, le décompte final ajoute la prise en compte des trésors non livrés ainsi que les effets des cartes spéciales récoltées tout au long de la partie.

Tuiles Salle et cartes spéciales

 

LA VIE (d’explorateur) EST UN LONG FLEUVE TRANQUILLE

L’histoire de Tikal et Tikal II correspond, en quelque sorte, à l’évolution du monde du jeu de société au cours de ces dix dernières années. Sans opérer de parallèle pompeux et analytique, on peut aisément dégager une tendance correspondant à une ouverture vers un public plus hétéroclite que celui des initiés de la première heure. Jadis, Tikal était perçu comme un jeu réservé à un public averti bien qu’il fut édité par Ravensburger. Aujourd’hui, Tikal II se pose comme un produit digne de son illustre ancêtre tout en courtisant un panel de joueurs plus élargi. En effet, Tikal II possède un thème plus présent que celui de son aîné ; le déroulement du jeu est beaucoup plus fluide car moins calculatoire que Tikal ; l’esthétisme travaillé attirera forcément l’œil du petit curieux que vous êtes ; enfin le matériel se prête totalement à un apprentissage en douceur.

Les joies du camping

Par ailleurs, Tikal II n’est en aucun cas la pâle copie de son illustre prédécesseur. Certes, la profondeur tactique est moindre que dans le premier opus mais n’est-ce pas là le prix à payer lorsqu’on s’oriente vers une forme de vulgarisation ludique. Loin d’être péjoratif, ce terme évoque simplement une tendance actuelle et constatée. La force de Tikal II réside dans sa capacité à attirer un public aussi bien joueur que familial. Tout le monde y trouvera son compte et la durée relativement courte des parties (60 minutes) pour un jeu de ce format accentuera cette impression. Le déroulement du jeu s’opère tranquillement, sans temps mort et cela grâce au nombre restreint d’actions à effectuer. De plus, le facteur aléatoire est présent sans être hors de contrôle : la possibilité de choisir entre trois éléments de la pioche (cartes spéciales, tuiles Salle et jetons Trésor) garantira une certaine maîtrise sur le jeu tout en préservant l’excitation que procure la présence du hasard. A noter qu'une variante propose un contrôle plus étendu sur la pioche des jetons Trésor en exposant ces derniers face visible rendant ainsi le choix plus tactique à la manière des Aventuriers du Rail. Enfin, le jeu se pratique aussi bien de 2 à 4 joueurs tout en préservant l’intérêt initial.

Toutefois, le renouvellement du jeu connaîtra quelques difficultés au fil des parties. Certaines options s’avèreront plus payantes que d’autres notamment celle reposant sur le choix des cartes spéciales qui réserveront des surprises de taille en fin de partie. De même, l’acquisition des jetons Passage Secret s’imposera comme nécessaire et réservera des profits conséquents aux plus rapides. A contrario, la collecte des clefs en vue du décompte ne sera pas forcément récompensée à hauteur des actions dépensées pour les acquérir. D’autre part, la possibilité de faire le tour du plateau en pirogue et en une seule fois empêchera les joueurs d’être confronté à des choix cruciaux : il faudra simplement être plus rapide que vos adversaires dans l’acquisition des tuiles les plus intéressantes. Bien heureusement, le tour de jeu change de sens entre les deux manches : les premiers seront les derniers…à jouer.

La conclusion de à propos du Jeu de société : Tikal II [2010]

Auteur Benoît F.
80

Tikal II est un très beau produit jouissant d’une édition de grande qualité. Grâce à cela, ce jeu attirera autant les joueurs néophytes que confirmés. Cependant, ces derniers remarqueront vite la limite des options tactiques proposées. Pourtant, Tikal II peut se poser comme un tremplin permettant à une certaine tranche de joueurs de franchir le pas vers des jeux moins accessibles de prime abord tel que Tikal premier du nom. Simplicité d’accès et fluidité sont les maîtres mots de ce nouvel opus. Au final, Tikal II opère un « zoom » sur l’un des sites archéologiques les plus réputés de la civilisation maya contrairement à Tikal qui se consacrait à la découverte de plusieurs temples au milieu d’une jungle luxuriante. L’approche est élégante et didactique tout en préservant l’héritage du premier épisode ; les deux jeux sont pourtant très différents en termes de mécanismes. En tout état de cause, le dernier né de l’éditeur suisse vous fera passer, sans aucun doute, un agréable moment d’aventure.

On a aimé

  • La qualité et la beauté du matériel
  • La simplicité des règles
  • Le rythme fluide des parties

On a moins bien aimé

  • Un renouvellement tactique limité

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