Critique Syberia #1 [2002]
Avis critique rédigé par Bastien L. le mardi 20 mai 2025 à 09h00
Lady et Oscar
Critique de la version PS3
Si l'on pouvait parler d'une certaine french touch dans le jeu vidéo durant les années 1990, l'expression est vite passée de mode même si on trouvait encore des héritiers dans les années 2000 à l'image de Benoît Sokal avec Syberia.
Le regretté Benoît Sokal (1954-2021) nous venait de Belgique s'étant d'abord fait un nom en tant que dessinateur et scénariste de bandes-dessinées avec des séries telles que Les Enquêtes de l'inspecteur Canardo (1979-2018) ou encore Kraa (2010-2014). Il investit ensuite le monde du jeu vidéo au milieu des années 1990 afin de donner naissance à L'Amerzone en 1999 développé au sein du studio français Microïds. Une collaboration qui se poursuit sur le même modèle en ce qui concerne Syberia. A savoir un développement longue-distance entre le studio montréalais de Microïds suivant les ordres du réalisateur et scénariste Benoît Sokal vivant en France et faisant souvent l'aller-retour. Un développement d'environ deux ans comprenant un grand soin apporté aux cinématique pour un jeu vidéo d'aventure façon pointer-et-cliquer aussi accessible que prenant le pari de complètement rejeter l'action. Le jeu sortit d'abord sur PC en 2002 recevant un acceuil globalement positif malgré la tourmente qui frappa Microïds connaissant plusieurs années de galère à base de liquidation judiciaire et fusion de la dernière chance entraînant le rachat de son studio canadien par Ubisoft.... En parallèle, Syberia connut des portages sur PS2 et Xbox en 2003 avant d'être repensé pour la DS (2008) puis l'iPhone (2013). La version ici testée est le portage HD des versions consoles sur PS3 et Xbox 360 en 2014. Le jeu est finalement aussi sorti sur Switch en 2017.
L'histoire se déroule en 2002 alors que l'on suit la mission de l'avocate new-yorkaine Kate Walker devant rencontrer dans les Alpes français la dirigeante d'une usine d'automates afin d'en finaliser la vente pour une multinationale du jouet. Malheureusement, quand Kate arrive dans la ville de Valadilène, elle assiste aux funérailles de la dirigeante Anna Voralberg. La situation se complique encore plus quand elle découvre que le petit-frère d'Anna, Hans, n'est pas mort faisant de lui l'héritier légitime de l'usine. Kate apprend rapidement que Hans Voralberg était un inventeur de génie mais que personne ne sait où il se trouve. Elle va donc devoir fouiller dans l'usine, la propriété et le passé des Voralberg pour partir sur les traces de cet insaisissable héritier rallongeant ainsi considérablement son séjour. Cela va lui valoir les foudres de son patron de plus en plus insistant ainsi que la suspicion de son fiancé la voyant s'éloigner. D'autant plus que son aventure va lui faire rencontrer des automates de plus en plus perfectionnés et l'entraîner dans un voyage vers l'est de l'Europe...
Aidé par Catherine Peyrot, Benoît Sokal a véritablement voulu mettre en avant le scénario dans ce jeu où l'on incarne Kate Walker qui va subir une fuite en avant se révélant une aventure aussi dépaysante qu'intérieure pour elle. L'intrigue se suit avec grand plaisir avec un créateur qui a mélangé parfaitement toutes ses obsessions. D'abord on retrouve sa fascination pour l'Europe de l'Est notamment les lieux témoignant de la grandeur de l'ex-URSS. Il y intègre aussi sa passion pour les automates ici tellement perfectionnés qu'il ancre ainsi son récit dans la science-fiction à travers les créations de Hans Voralberg. Un scénario fait de rencontres et de lieux de plus en plus insolites qui nous captivent assez rapidement grâce au ton très mélancolique insufflé dans toutes les parties de la production. Kate Walker va devoir parcourir des lieux ayant perdu leur gloire d’antan (à l'image de l'ex-URSS) quasiment abandonnés avec une quête commençant par un décès... Elle va démêler des drames tout en rencontrant de nombreuses étincelles de vies avec des personnages pittoresques mais surtout attachants. On se souviendra longtemps du personnage insaisissable de Hans, de son passé compliqué, de son génie comme de sa passion pour les mammouths. Plus qu'un MacGuffin, Hans Voralberg est un personnage incroyable pourtant complètement absent du jeu... On citera évidemment le personnage de l'automate Oscar aussi procédurier que couard... Syberia est avant-tout un jeu fait de voyages et de rencontres où chaque péripétie est un délice grâce à des dialogues souvent bien écrits.
On s'identifie ainsi parfaitement à Kate Walker qui découvre en même temps que nous une sorte de monde parallèle fascinant fait d'automates et de mammouths... Syberia semble ainsi être une parabole sur l'art et le jeu vidéo où le joueur/Kate Walker se fait happer par des mondes imaginaires qui vont réussir à le déconnecter avec douceur et bonheur d'une réalité pénible faite d'un patron impatient, d'un petit copain égoïste, d'une amie ayant des choses à se reprocher ou encore d'une mère trop bavarde. Syberia nous demande de nous détacher d'un quotidien banal pour une invitation au voyage dans des lieux qui ne payent pas de mine au premier abord mais qui se révèlent pleins de surprises. Cela fonctionne aussi car le jeu nous offre une direction artistique d'une incroyable beauté nous plongeant dans une sorte de vallée de l'étrange où des lieux connus comme une usine, une université ou un train sont revisités à la sauce Benoît Sokal mélangeant démesure soviétique et ambiances proche du steampunk. Le tout dans une magnifique 3D précalculée qui rend parfaitement honneur au génie créatif de Sokal car chaque décor est une merveille qui nous plonge dans cette douce ambiance mélancolique (impression renforcée par une musique aussi discrète que plaisante) avec un sens du détail efficace et une coloration toujours à propos. Se balader dans Valadilène, l'université de Barrockstadt ainsi que dans les autres lieux qu'on vous laisse découvrir est un bonheur constant.
Si le jeu tient encore largement la route artistiquement, on ne peut malheureusement pas autant en dire d'un point de vue technique. En effet, le portage PS3 de Syberia est bien trop paresseux manquant cruellement de propreté. Ce n'est ainsi pas normal qu'un jeu de 2003 (dans sa version PS2) connaisse autant de scories 12 ans après sur une console plus puissante. Certes la réslution été adaptée mais il y a trop de ralentissements, des chargements un poil longs entre deux zones où le son qui saute parfois... C'est vraiment dommage car il devait y avoir moyen de sublimer l'expérience à moindre frais sans dénaturer l’œuvre originale... Au moins les cinématiques en images de synthèse sont plus belles que jamais en HD étant aussi un marqueur de leur époque et offrant un supplément d'émotion au récit. Mais on ne peut s'empêcher de penser que le jeu accuse quand même son âge 20 ans après ce qui est évidemment logique. Il faut donc accepter de jouer à un titre au rythme volontairement lent mais qui est accentué par ses lourdeurs venues du passé. On pense notamment aux dialogues qui manquent cruellement d'intensité avec des comédiens récitant au mieux leur texte mais sans réel conviction par moments. Néanmoins Françoise Cadol (alors la voix de Lara Croft) s'en sort mieux en Kate Walker jouant bien le détachement progressif de son personnage envers son ancienne vie et l'engouement qui la gagne durant cette aventure. Puisqu'on est dans le rayon des défauts, terminons justement avec une fin un peu abrupte qui semble plus préparer la suite qu'offrir une conclusion satisfaisante...
Comme dit précédemment, Syberia est un jeu d'aventure façon point-and-click souhaitant avant-tout mettre en avant son scénario, ses ambiances et sa direction artistique. De fait, les joueurs ne jurant que par le gameplay risquent d'être déçus au même titre que ceux cherchant des énigmes à la Myst ou à la Monkey Island. Rien d'aussi poussé ici avec des énigmes assez simples et logiques car on ramasse peu d'objets et leurs connexions nous apparaissent très facilement. Le jeu fait quand même furieusement penser aux Resident Evil de la PSOne, l'action et les zombies en moins. En effet, on se déplace dans des décors en 3D précalculée en caméra fixe découvrant de nombreux objets mais aussi écrits nous renseignant sur le scénario. Et nous devront faire beaucoup d'allers-retours pour utiliser les objets trouvés au bon endroit ou auprès de la bonne personne. Une progression lente mais toujours plaisante pour que l'on s'imprègne comme il faut de l'ambiance lors de nos explorations. Le principal défaut du gameplay est lié à la version console car on peut avoir du mal à placer Kate au bon endroit pour déclencher le changement de décor qui est assez capricieux. Mais si on est pris par l'histoire alors ce jeu d'aventure aux énigmes accessibles sera une véritable respiration vidéoludique qui saura vous marquer pour plusieurs raisons. On a souvent glosé sur les jeux français magnifiques des années 90 (Rayman, les adaptations Infogrames, Another World...) à la difficulté légendaire et Benoît Sokal semble un digne héritier de cet exigence artistique tout en rendant l'ensemble beaucoup plus accessible.
On vous le conseille si vous aimez Resident Evil, Benoît Sokal, la mélancolie...
La conclusion de Bastien L. à propos du Jeu Vidéo : Syberia #1 [2002]

Pour tout joueur n'ayant pas peur de prendre son temps et qui accepte un jeu ayant vieilli, alors Syberia est une pépite très attachante. Un univers sublime où règne une certaine mélancolie avec une héroïne perdue dans des lieux désolés mais où le souffle de l'aventure est bien présent. Une fuite en avant faîte de tableaux précalculés sublimes où des énigmes accessibles viennent ponctuer une progression toujours plaisante. Dommage que le portage HD soit si paresseux.
On a aimé
- La direction artistique de BenoÎt Sokal
- L'ambiance mélancolique mélangé à un sentiment d'aventure prenant
- Les personnages dont l'héroïne Kate Walker
On a moins bien aimé
- Un gameplay assez simpliste
- Ca a pris son coup de vieux
- Un portage HD paresseux
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