Critique Tobago [2010]

Avis critique rédigé par Amaury L. le vendredi 6 août 2010 à 13h03

Il n’y a que les moaïs qui m’aillent…

Sur l’île de Tobago, d’étranges statues en tuf volcanique observent le ballet incessant de jeeps tournoyant dans leurs paysages paradisiaques et tropicaux. Des hommes et des femmes espèrent retrouver des trésors enfouis depuis des temps immémoriaux. Toutefois, une malédiction plane sur la tête de ces aventuriers si jamais ils déterrent des objets maudits par les ancêtres des autochtones…


Une boîte à trésors…

Gigamic a bâti sa réputation en offrant régulièrement des jeux profitant d’un matériel réussi et de règles originales, Tobago ne faillit pas à cette politique séduisante. L’illustration exotique de Victor Boden nous plonge dans une atmosphère truffée d’aventures et de mystères repoussant les frontières du rationnel. Le plateau de jeu bluffe par son inventivité les joueurs qui le découvrent pour la première fois. Constitué de trois parties distinctes et amovibles, il permet d’offrir trente deux configurations de départ différentes. Trois magnifiques statues, trois palmiers et quatre huttes augmentent considérablement le plaisir tactile et accentue le bien-fondé de la thématique.

Un classicisme habille les éléments restants comme les 41 cartes Or dont 2 Malédictions, 20 tuiles hexagonales Amulette, 60 jetons Rose des vents (15 par joueur), 52 cartes Indice, 68 cubes en bois en quatre couleurs, quatre véhicules 4 x 4 sujets à des polémiques futiles, une aide de jeu et une règle abondamment illustrée et parsemée d’exemples. Gigamic enchante avec ce matériel magnifique.

Les fameux 4 x 4 de la polémique. Certains joueurs refusent de jouer à Tobago en prétextant qu’introduire des 4 x 4 dans un jeu se déroulant autour d’une thématique attachée à la nature est un acte anti-écologique. N’oublions pas que Tobago est fabriqué en Allemagne et non en Chine, ce qui concrètement se traduit par une pollution moindre en rejet de gaz carbonique liée au transport.


Voici l’ensemble du matériel… (Photo éditeur)

 

Règles bien statuées…

Les joueurs recherchent des trésors sur l’île. Celui qui accumulera le plus de pièces d’or remportera la partie.

A son tour, le joueur choisit entre deux actions et en exécute une seule. La première consiste à fournir un indice en posant une carte Indice sur un des quatre trésors recherchés. Celle-ci donne des informations sur les emplacements éventuels du trésor. Chaque carte Indice ajoutée doit affiner et restreindre le champ de recherche. Une aide de jeu pratique synthétise les effets des différentes cartes Indice.


Quelques cartes Indice…

Lorsque les possibilités se limitent à une quinzaine d’endroits, on emploie les cubes en bois (une couleur pour chaque trésor) pour matérialiser visuellement les potentialités. En complément, un joueur appose un jeton Rose des vents de sa couleur sur la carte Indice qu’il vient d’ajouter. Cela sert lors la résolution d’une quête.

Un trésor est découvert si le lieu est clairement identifié (un seul cube de la couleur appropriée reste en jeu).

La seconde action consiste à bouger son 4 x 4 sur l’île jusqu’à trois étapes. Une étape signifie se déplacer sur un même type de terrain ou changer de type de terrain.

Quand le joueur a réalisé son action, son tour se termine. Le jeu se poursuit tant qu’un explorateur n’emmène pas son 4 x 4 sur un trésor entièrement découvert.

Quand un 4 x 4 se situe sur la case d’un trésor retrouvé, la répartition commence. Le joueur initiateur donne autant de cartes Or que de cartes Indice posées par leurs propriétaires (jeton Rose des vents). Chacun regarde secrètement ses cartes et les restitue au distributeur qui les mélange en ajoutant une carte supplémentaire inconnue de tous. Dans un ordre précis (de la dernière carte Indice posée à la première), il révèle au joueur concerné la première carte Or (entre deux et six pièces d’or). Si celui-ci accepte, il récupère la carte Or et défausse son jeton Rose des vents. En cas de refus, le choix appartient au joueur suivant. On procède ainsi jusqu’à l’attribution de toutes les cartes. Il existe deux cartes Malédiction qui font perdre des trésors si le joueur n’a pas auparavant récupéré une amulette.

La partie se termine quand toutes les cartes Or ont été attribuées. L’explorateur possédant le plus de pièces gagne la partie.

Quelques cartes Trésor et une Malédiction (tête de mort).


Touche pas à mon trésor !

Tobago édité en 2009 par Zoch zum spielen vient de bénéficier du savoir-faire de Gigamic qui délivre un jeu totalement en langue de Molière. Si dans l’actualité moderne des jeux de société, le sentiment qui domine semble la relative uniformité conceptuelle des sorties, tant les rouages se ressemblent d’un opus sur l’autre, Tobago apporte une vraie originalité, un souffle novateur à cette aseptisation mécanique.

L’atout majeur provient de la pose des cartes Indices qui, au fur et à mesure de l’avancée de la partie, affine le lieu où se trouve le trésor. Lors des premières tentatives, cette astuce crée des difficultés de conceptualiser abstraitement les possibilités, les cubes aidant à la visualisation concrète uniquement lorsque le dénouement est proche. Le risque d’erreur important induit naturellement une coopération atypique dans un jeu compétitif. En effet, tous les participants lors de la pose d’une carte Indice amenant des paramètres sujets à des interprétations erronées, réfléchissent communément à leurs résolutions. L’entraide apporte une convivialité rafraîchissante dans les jeux où l’individualisme prime.

Avec l’expérience, cette étape se digère et octroie l’ouverture de nouvelles stratégies. On se projette quelques coups en amont pour tenter d’élucider rapidement les lieux des trésors ou au contraire tenter le gros coup en capitalisant énormément de cartes Indice sur un unique trésor. En début de partie, les cartes Malédiction ne menacent pas les joueurs puisqu’elles se trouvent dans les 29 dernières cartes Or. C’est le moment propice où chacun essaie d’obtenir sans aucun danger des cartes Or en grand nombre. Evidemment, vos adversaires ne se gêneront pas pour vous doubler et s’enrichir à votre détriment. Cette course calculée afin de récupérer les cartes Or pimente Tobago en créant une tension permanente chez les joueurs. On angoisse de ne pas optimiser ses coups, de ne pas participer à la répartition d’un trésor lucratif. L’ingéniosité mécanique du partage étonne par l’atmosphère enfiévrée qu’elle déclenche. Chaque joueur ne connaît qu’une petite partie des cartes Or et cela incite à la prise de risque. On refuse des cartes Or faibles dans l’espoir d’en souffler une plus lucrative, mais si une Malédiction apparaît, toutes les cartes Or pas encore attribuées du trésor disparaissent en poussière. On se sent toujours impliqué dans le jeu, même pendant le tour des autres joueurs.

Evidemment, l’aléatoire garde une importance lors du tirage des cartes Or. Un joueur récupère parfois des cartes Or numériquement faibles, ne lui attribuant que peu de points. Inversement, un aventurier veinard cumulera en une ou deux cartes davantage de points qu’un autre avec le double. Pourtant, au lieu de pénaliser Tobago, cette injustice contribue à libérer une bonne ambiance autour de la table, avec les exclamations outrées des malchanceux et les éclats de rires des mieux lotis. Les cartes Malédiction offre aussi leurs lots de gestuels dépités et de sourires satisfaits quand la victime retourne en première ou seconde carte cette fatidique sentence (perte de toutes les cartes Or non attribuées). Reconnaissons que le destin choisira souvent, entre joueurs expérimentés, le vainqueur en lui conférant l’avantage de carte Or valorisées. Tobago se joue de deux à quatre joueurs mais la meilleure configuration, sans conteste possible, semble celle qui rassemble le potentiel maximum autour du plateau de jeu triangulaire. On assiste alors à de véritables joutes tactiques où chacun optimise l’action offerte. On essaie de gagner un tour en faisant coïncider le dernier emplacement d’un trésor avec le lieu où se trouve son 4 x 4. On bouscule la planification des autres participants en jouant une carte Indice qui lui interdit de rejoindre en un tour le prochain trésor. On essaie de s’accaparer un trésor, ou au contraire de se disperser. L’apport des amulettes amplifie les possibilités d’action à chaque tour et amenuise la part de hasard. Elles protègent des effets négatifs d’une carte Malédiction et possèdent des avantages décisifs pour la conquête d’un trésor disputé si employées intelligemment comme retirer un cube, déplacer son 4 x 4 de trois étapes supplémentaires, poser une nouvelle carte Indice. De plus, la règle autorise un joueur, lors de son tour, à utiliser autant d’amulettes qu’il le souhaite. Le principe des amulettes enrichit le tour traditionnel d’un joueur tout en complexifiant le jeu, le détournant probablement d’un public néophyte.

Toutefois, Tobago ne s’adresse pas uniquement aux joueurs confirmés, il demeure accessible à un public plus familial. Les règles présentées gardent une relative simplicité même si quelques tours de jeu aideront grandement à leur compréhension, si on souhaite partager l’expérience avec des personnes moins habituées à la pratique ludique. La beauté du matériel ainsi que sa thématique attrayante finiront de séduire les hésitants. Avec une durée ne dépassant l’heure de jeu, il s’invite facilement lors d’une soirée jeux avec des amis ou dans un cadre familial.

www.gigamic.com

La conclusion de à propos du Jeu de société : Tobago [2010]

Auteur Amaury L.
88

Tobago, malgré des règles accessibles, proposent des mécanismes innovants grâce à l’ingéniosité des cartes Indice qui donnent toute sa quintessence au jeu. Même si le hasard conserve une place importante, il ne dessert que modérément l’ensemble tant l’ambiance générée comble cette lacune. Avec l’atout esthétique mis en œuvre par l’éditeur Gigamic, la tentation de succomber aux charmes mystérieux et remplis d’aventures de Tobago semble un combat perdu d’avance. Si vous cherchez un jeu original, magnifique, bénéficiant d’un renouvellement des parties conséquent, sans tomber dans une complexité rebutante, l’acquisition de Tobago palliera assurément ces attentes. Tobago, une bénédiction !

On a aimé

  • Matériel irréprochable
  • Mécanismes originaux
  • Règles accessibles
  • Configuration à 4 joueurs

On a moins bien aimé

  • Le hasard lors de la répartition des cartes Or

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