Critique Repo Men [2010]

Avis critique rédigé par Nicolas L. le jeudi 15 juillet 2010 à 18h01

Le boulot, c’est le boulot !

Ancien militaire, Remy est aujourd'hui repo man pour le compte de L’Union. Honnête salarié d'une compagnie jouissant d'une grande respectabilité, il met à contribution son incroyable sang-froid et sa capacité de détachement au service d'une tâche ingrate, récupérant des organes artificiels implantés sur les mauvais payeurs. La plupart des débiteurs, évidemment, meurent misérablement durant la saisie. Cependant, un jour, Remy est victime d'un accident et doit subir une opération qui va changer sa vie, car en même temps qu'un nouveau cœur artificiel, il semblerait qu'on lui ait implantée une conscience...

Quand, il y a maintenant dix-huit mois, j'ai entendu parler de la mise en chantier d'une production SF intitulée Repo Men, j'ai de suite pensé: "Allez, encore un remake! Ils commencent vraiment à craindre à Hollywood. Et qui c'est ce Miguel Sapochmachin, d'abord?". Satané caractère, victime de mon emportement, je n'avais pas remarqué la subtile différence dans le titre avec le grand classique des années 80. Une différence mineure qui, au final, accouche d'un gouffre conceptuel tant les deux films différent, tant par le sujet que par son traitement. Ce Repo Men là est l’adaptation du roman d’Eric Garcia intitulé The Repossession Mambo.

Bien entendu, le film de Miguel Sapochnik parle de ces fameux repo men (contraction populaire de repossession men), ces agents assermentés employés par des organismes créditeurs pour saisir les biens de clients en cessation de paiement. Mais, ici, contrairement au petit bijou d'humour pulp d’Alex Cox, il ne s'agit plus de voitures que les repo men doivent récupérer mais d'organes artificiels. En effet, fortement inspiré par la crise qui a secoué les Etats-Unis et entrainé bon nombre de citoyens ruinés sur la voie du suicide, le script de Repo Men met en abyme une société où l'on peut acheter sa survie à crédit. Des contrats de confiance, accordés par une compagnie peu respectueuse des quotas d'endettement (pour Franck, responsable local de L’Union, vendre est LA priorité!), que beaucoup de clients, victimes d'échéances trop élevées, ne parviennent plus à honorer. Et c'est à ce moment qu'interviennent les repo men car, comme le si bien dit Jack, "la solidité de la civilisation ne repose pas sur le fait d'établir des règles, mais sur la capacité de les faire respecter".

Si le scénario, au final, n'est pas réellement surprenant - on devine très bien que Remy va finir par se retrouver à la place de ses victimes - et emprunte beaucoup d'idées à droite et à gauche (on pense évidemment à Minority Report et à L'âge de cristal avec cette histoire de chasseur devenant le gibier de ses anciens camarades, mais aussi à Blade Runner et Brazil), le récit se suit avec grand plaisir tant l'ambiance entretenue par Sapochnik est délectable. Une atmosphère cynique, emplie d'humour noir, qui fait de Repo Men un spectacle délicieusement cruel et caustique. Voir Remy mettre son casque audio, lancer un morceau de mambo sur son baladeur, sortir ses instruments chirurgicaux en sifflotant, et opérer à froid un pauvre type surpris dans sa maison est un spectacle totalement désopilant qui tient à la fois du grand guignol (certaines séquences sont très gore) et de l'absurde à la Monty Python (pour ceux qui se rappellent le sketch Don d’organe, du film Le Sens de la Vie).

Pour réussir dans l'humour, il est nécessaire de présenter des personnages accrocheurs et, dans le registre de la comédie noire, l'ensemble des portraits dressés de ces repo men (terriblement craints par la population et reconnaissables à leurs tatouages) est une totale réussite. Parmi tous, Jake, collègue et ancien compagnon d'armes de Remy, est le plus croustillant. Un homme consciencieux et plein d'abnégation, fier de son travail, et qui n'hésite pas à interrompre un barbecue pour aller, équipé d'un tablier de ménagère et d'un couteau de cuisine, récupérer rapidement un rein artificiel sur un client surpris dans son taxi. Aucune cruauté d'émane de cette sorte de Super Mario macabre, juste un amour du travail bien fait.

Bien que le film soit séparé en deux parties bien distinctes, la transition se fait le plus naturellement du monde, preuve que d'une bonne construction dans la psychologie des personnages. Une fois sa conscience et sa compassion stimulées, Remy ouvre les yeux sur sa condition sociale et professionnelle. Humanisé mais psychologiquement très éprouvé, il ne peut plus faire son travail. Ce changement de comportement, son ami Jack n'arrive pas à le comprendre. Cette entrainent d’hallucinantes séquences dialoguées entre ces deux personnages qui s'aiment comme des frères mais qui ne se comprennent plus.

Puis arrive Beth dans la vie de Remy, sorte de Super Jaimie désabusée et romantique qui, par son coté Inspecteur Gadget de charme (ses yeux peuvent changer à volonté de couleur, on peut brancher un casque audio dans son oreille, son vagin est multifonction...), parvient à nous émouvoir et nous faire rire (parfois de manière un peu gênée). Débute alors une romance désespérée entre Remy et cette fille qui va les entrainer dans un ghetto servant de refuge à bon nombre de fugitifs. Un ghetto riche en personnages hauts en couleurs, comme ce chirurgien asiatique, une fillette de neuf ans qui s'amuse comme une petite folle dans ses opérations clandestines. C'est d'ailleurs dans cette partie, la plus dense, qu'est glissé discrètement un évènement clé, bien masqué dans le fil du récit, instaurant un progressif changement de ton qui trouvera une explication dans le final.

La réalisation de Miguel Sapochnik parvient à brasser avec bonheur le cyberpunk, la SF spéculative, le film noir (voix off à l'appui), l'actionner américain, le bis gore et cinéma HK. Quelques autres métaphores se faufilent dans la trame comme la descente dans les sous-sols qui évoque ces rafles SS, avec ces pauvres ères tentant de fuir des exécuteurs impitoyables. Le cinéaste forge principalement l'efficacité de son métrage à partir des décalages et des collisions thématiques, dans la réalisation comme dans la mise en scène, mettant souvent en opposition les images, le contexte et une bande originale excellente et variée. Il alterne sans cesse entre les ambiances grotesques et graves, créant une instabilité dans le ton qui interpelle forcément le spectateur. Les séquences d'action et les chorégraphies martiales, si elles ne sont pas très inventives, sont de qualité et restent très lisibles (la scène dans le couloir est digne de figurer dans un métrage de John Woo ou de Park Chan-Wook). Le gore est souvent mis en avant, principalement lorsque les repo men farfouillent dans les chairs, un innocent sourire aux lèvres. La séquence finale, au parfum extatique, où Remy et Beth se charcutent mutuellement pour désactiver leurs implants peut facilement être appréhendée comme un violent et passionné accouplement BDSM aux multiples et sanglantes pénétrations (on louche alors vers David Cronenberg).

Autre point positif: l'interprétation, avec quatre comédiens en parfait accord avec le délire de Sapochnik. Jude Law, dans la peau de Remy, accomplit un travail sans faille (comme d'habitude serait-on tenté de dire) et on est heureux de se voir confirmer que l'humour noir lui sied bien. Il en effet parfois très drôle... et même de temps en temps impressionnant! Il se fait cependant voler un peu la vedette, en raison de son personnage un peu plus lisse que les autres, par un Forest Whitaker absolument génial en boucher sympathique et un brin puéril et un Liev Schreiber - délicieusement détestable dans la peau d'un commercial cynique et vénal - qui prouve encore ici qu'il est l'un des plus doués "méchants" d'Hollywood.

Le seul gros reproche, finalement, que l'on peut faire à Repo Men, c'est de nous proposer une histoire peu surprenante, peu propice à réflexion et récupérant un très grand nombre de clichés (même si c'est pour les détourner). En effet, hormis lors de son très réussi twist final (un bel hommage à Total Recall), l'intrigue, payant un peu son aspect référentiel et "pastiche", ne parvient jamais à nous surprendre. Ce coté prévisible était bien entendu inévitable mais il nous prive de ces moments d'excitation et d'émotion qui font les grands films. A coté de cela, et là on rentre dans le domaine du subjectif, ce fourre-tout thématique et ce second degré omniprésent pourra déplaire, c'est sûr, à un certain public, à la fois choqué par le coté politiquement incorrect (et nihiliste) du récit et une violence graphique qu'il trouvera de très mauvais gout.

La conclusion de à propos du Film : Repo Men [2010]

Auteur Nicolas L.
70

S'il avait bénéficié d'un scénario un peu plus ambitieux, Repo Men aurait surement été un véritable joyau SF. Hors, même si le twist final s'avère très réussi, c'est loin d'être le cas. Force est d'admettre que le film de Miguel Sapochnik est cependant loin d'être un mauvais film. On a affaire ici à une truculente comédie noire interprétée par des acteurs très talentueux avec, derrière la caméra, un réalisateur qui, s'il ne fait pas toujours preuve d'une grande personnalité, connait assurément très bien son métier. A voir.

On a aimé

  • Un humour noir décapant
  • Une formidable interprétation
  • Une réalisation appliquée
  • Pour les amateurs de gore
  • Un mélange de thème réussi
  • Un twist final désopilant

On a moins bien aimé

  • Un pur divertissement et…
  • …un traitement peu propice à reflexion
  • Un récit souvent prévisible

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