Critique Le Diable dans le sang [2009]

Avis critique rédigé par Nicolas L. le mardi 20 janvier 2009 à 16h24

Le retour d'Aleister Crowley

A Cambridge, suite à une traumatisante expérience scientifique utilisant un système de création d'univers virtuels, le professeur Habbo, féru de sciences occultes, se voit convaincu qu'il est la pure réincarnation d'Aleister Crowley. Son comportement va alors changer de tout au tout, au grand dam des doyens de la faculté...


Ecrit par Bruce Dickinson, le Diable dans le Sang raconte l'histoire d'un érudit perverti par l'esprit d'un grand occultiste du début du vingtième siècle répondant au nom d'Aleister Crowley. Après un album solo intitulé Chemical Wedding, ce script confirme donc tout l'intérêt que porte le chanteur du groupe de metal Iron Maiden à cette figure de l'ésotérisme qui a défrayé les chroniques dans les années 20.
Personnage étrange, Alesteir Crowley (né en 1875, mort en 1947) fut, durant toute sa vie, le porte-parole d'un mouvement ésotérique atypique, complexe et provocateur. Ancien membre maçonnique et personnage influent de la Golden Dawn (il fut "viré" des deux pour ses pratiques jugées inconvenantes et obscènes), Alesteir Crowley finit par bâtir son propre dogme (la loi de Theleme, via son ouvrage le Livre de la Loi), prônant la "magie sexuelle", la consommation de drogues et mélangeant de façon difficilement analysable (au premier abord) les préceptes de différentes philosophies et divers cultes antiques et païens. La vénération du sperme et de l'acte éjaculatoire; l'amour en public, la sodomie; l'excès de drogue; moult aspects (parmi tant d'autres, aussi intéressants mais bien moins scabreux) scandaleux de ses "enseignements" qui ont fait d'Aleister Crowley une personnalité hors du commun. Ce profil anticonformiste fut récupéré par divers mouvements musicaux et spirituels, le transformant en une sorte de grand gourou, de maître à penser, et même de muse. Mais Aleister Crowley n'était pas uniquement ce personnage "people" sulfureux (bien qu'il entretenait volontiers cette image) qui faisait la une des gazettes. La "Grande Bête 666", comme" il aimait à se nommer, était aussi un homme d'une grande érudition, un prophète et un manipulateur doté d'un extraordinaire esprit d'analyse et d'un incroyable charisme. Aujourd'hui, il peut être considéré à juste titre comme un rénovateur de l'ésotérisme (il a écrit de nombreux ouvrages sur le sujet), le père de nombreux mouvements philosophiques contemporains, et l'initiateur de ce que l'on désigne communément: "les ordres néo-païens (wicca et autres)".

A la vue du film, il est indéniable que Bruce Dickinson maîtrise parfaitement son sujet. De nombreux éléments appartenant aux enseignements du maître de l'Ordo Templis Orientis sont, non seulement présents, mais employés avec justesse. Du précepte du "Fais ce que tu voudras sera toute la loi" (AL, 40 du Livre de la Loi) au mythe de la Femme Ecarlate ( les Fragments Sataniques), on retrouve bien des idées d'Aleister Crowley dans le scénario. Cependant, étant donné qu'il s'agit bien là d'un film d'horreur, Bruce Dickinson et Julian Doyle ont choisi leur camp; Aleister Crowley est, dans Chemical Wedding (oublions ce titre français totalement crétin), une sorte de prophète satanique (dans le sens populaire du terme, en oubliant l'aspect luciférien) qui pisse sur les gens et rase des foufounes des filles avant de les tuer. Une vision de l"homme un peu réductrice qui a tendance à le transformer en une sorte de psychopathe intelligent et pervers, à la manière d'un Hannibal Lecter version obsédé sexuel. Nul doute que les adeptes thélémites ne vont guère apprécier l'image. A noter d'ailleurs que le "véritable" Aleister Crowley; on ne le verra pas longtemps. Juste un petit quart d'heure, lors de la séquence d'ouverture où l'homme, malade, accueille deux étudiants dans sa chambre (avec Bruce Dickinson en personne dans le rôle du domestique).
Le film se déroule donc de nos jours, au sein de l'université. Après avoir expérimenté une machine de création virtuelle totalement révolutionnaire, un professeur de lettres versé dans l'ésotérisme se croit la réincarnation d'Aleister Crowley. Persuadé qu'il ne dispose que de quelques jours pour accomplir un "mariage chimique" qui lui permettra d'affirmer sa puissance, l'homme part à la recherche de la Femme Ecarlate, semant derrière lui une aura de stupre, de morts et de scandale. Que penser de cette oeuvre, où Aleister Crowley est plus assimilé à un simple maniaque sexuel qu'autre chose? Tout d'abord, il convient de saluer la prestation du comédien Simon Callow, vraiment impressionnant (et même assez ressemblant à son modèle), notamment lors des séquences ou il parvient à éviter le ridicule malgré l'incongru des situations (comme quand il se masturbe pendant que son serviteur le frappe à coups de canne). Ensuite, retenons ces superbes décors britanniques, ces bibliothèques chargées de livres, et cette belle photographie qui parvient à récréer une ambiance étrange, quasi mystique.

Par contre, en mettant l'accent sur la facette "freak" du profil psychologique d'Aleister Crowley, Julian Doyle oriente le récit vers une simple succession de crimes tordus pas vraiment discrets (mais que fait la police??). On se dit: pourquoi pas? mais encore aurait-il fallu, pour que cela fonctionne parfaitement, que le cinéaste parvienne à donner du relief à cet aspect "satanique" - peut-être en allant plus loin dans la démonstration graphique. Cette puissance maléfique, cette extraordinaire aura magique, le réalisateur parvient de temps en temps (mais en de trop rares occasions) à l'illustrer par l'image. On retiendra ainsi la cérémonie finale ou la frénésie sexuelle de ses adeptes à l'étage de la boutique ésotérique. Mais, en hésitant en permanence entre un traitement au second degré et une narration très sérieuse et copieusement argumentée par des discours que ne comprendront que les initiés, Julian Doyle finit par s'égarer et s'endormir, et nous aussi, par la même occasion.
Du coté des protagonistes, en plus du magicien et de son serviteur, il y a Mathers (il porte le nom du magicien Samuel Liddell Mathers, éminent rosicrucien, fondateur de la Golden Dawn, il fut le mentor de Crowley), le seul apte à contrecarrer les plans d'Habbo/Crowley. En effet, comme tout "antéchrist", le Crowley de ce film a son ennemi, son soldat du Bien. Dans Chemical Wedding, l'opposition se voit matérialisée par le Fils de la Lune, qui n'est rien d'autre que l'un des avatars "bénéfiques" de Crowley. Ignorant son statut d'élu, fraîchement débarqué des USA, cet homme va se dresser sur la route d'Habbo/Crowley et de ses disciples. Hélas, mille fois hélas, quel dommage d'avoir choisi un interprète aussi fade pour interpréter un personnage aussi important! Un manque de charisme qui se trouve amplifié lors des scènes où les deux adversaires se retrouvent face à face. On en arrive presque à se désintéresser totalement de son sort... et j'ai même été déçu qu'il parvienne à mettre hors d'état de nuire le maléfique magicien.

La conclusion de à propos du Film : Le Diable dans le sang [2009]

Auteur Nicolas L.
50

Le Diable dans le Sang fourmille de bonnes idées. Le scénario, bien argumenté, se concentre cependant sur les aspects les plus controversés d'Aleister Crowley. Cela transforme l'occultiste en un maniaque sexuel mégalomane très puissant mais la réalisation, trop hésitante, n'arrive pas à en faire un personnage fort. Et que dire du "héros" du film, aussi charismatique qu'une huître. Bref, un film moyen, qui mérite néanmoins que l'on s'y attarde.

On a aimé

  • Scénario bien argumenté
  • Atmosphère bien rendue
  • Simon Callow, très convaincant

On a moins bien aimé

  • Un réalisation hésitante
  • Aleister Crowley, au profil un peu réduit
  • Finalement peu choquant

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