Critique Khronos [2006]

Avis critique rédigé par Nicolas L. le samedi 17 mai 2008 à 19h48

Batisseurs et horlogers

Dans Khronos, un jeu de placement et de majorité, les joueurs sont invités à voyager à travers le Temps pour acquérir le plus grand nombre de richesses. Pour cela, ils devront réaliser des constructions de trois différents types – civils, religieux et militaires – et de trois tailles à travers trois époques qui sont le moyen-âge, la renaissance et les temps modernes. Et chaque période possède ces propres caractéristiques faisant que les constructions n’y ont la même valeur que dans les autres. LE PRINCIPE DE JEU
Il faut donc considérer le jeu comme en trois dimensions. En effet, ces trois époques sont représentées par trois plateaux différents : - Le plateau de commanderies : correspondant au moyen-âge. Les constructions les plus importantes, celles qui permettent d’asseoir une suprématie, sont les bâtiments militaires. Normal, vous me direz, en cette période de trouble. Et si ces constructions vous permettent d’avoir le monopole sur un domaine (un ensemble de constructions adjacentes), c’est la population de ces domaines qui vous amènera les points de victoire. - Le plateau des prieurés : correspondant à peu près à la renaissance. Les constructions qui permettent d’asseoir une suprématie sont les constructions religieuses. Mais comme plus haut, la somme récoltée dépend essentiellement de la population de ces domaines. - Le plateau des confréries est un peu particulier dans le sens que les joueurs ne peuvent pas y construire. Les seules constructions qui s’y trouvent sont les constructions civiles datant des plus vieilles périodes et les ruines civiles et militaires (que les joueurs peuvent rénovées en payant le prix). Par contre, ils peuvent y placer des pions de population. Tout cela parait assez simple au premier abord, mais détrompez-vous car cette sorte de Tigre & Euphrate en 3D (notamment avec la fusion des domaines, pour ceux qui connaitraient) est dotée d’un niveau de subtilité très poussé. En effet, sachez que pour construire des bâtiments, les joueurs n’ont pas besoin d’attendre un écoulement linéaire du Temps pour passer d’un plateau à l’autre. Et oui, vous l’avez compris, ce sont des voyageurs du Temps ! Donc, pour illustrer cela, chaque joueur possède deux pions aventuriers qui lui permettent (contre une somme modique) de voyager d’un plateau à l’autre au début de son tour de jeu. Ensuite, en fonction de sa main de cartes (2 cartes par aventurier), il peut envisager des constructions.
L’ASPECT ALEATOIRE
Cette main de cartes est piochée en début de tour par le joueur (ou, pour être plus correct, en fin de tour précédent, ce qui lui permet de réfléchir pendant les tours de jeu adverses). C’est en utilisant ces cartes dites de construction (peu nombreuses, à 5 joueurs c’est la galère, on passe son temps, à mélanger la pioche) que le joueur va pouvoir construire différentes bâtisses. En fonction de sa taille et de son type, chaque bâtisse présente un cout en points de construction (de 1 à 5). Par exemple, pour construire un Donjon, une construction militaire de 2 points, le joueur va devoir posséder dans le tour deux cartes Construction Militaire. En jouant ces deux cartes, il va pouvoir construire un Donjon sur un plateau où se trouve l’un de ses aventuriers (sauf sur le plateau des confréries car les constructions, rappelez-vous, y sont impossibles). Vous avez donc compris que les plus grandes bâtisses ne peuvent être construites en une seule fois. Il faut donc passer par des améliorations.
Ex : un joueur a ses deux aventuriers sur le plateau des Prieurés. Sa main contient 1 carte Construction Militaire et 3 cartes Construction Religieuse. Il peut donc construire un monastère (3 points). Le tour suivant, toujours en veine et n’ayant pas déplacé ses aventuriers, il décide de jouer deux cartes Construction Militaire qu’il vient de piocher pour transformer son monastère en Abbaye (prix 5 points).
Vous avez deviné que la main de cartes joue donc un rôle primordial dans le jeu. Ceux qui sont en déveine auront du mal à construire une stratégie, même si en payant, il y a la possibilité de changer tout ou partie de sa main. Il y en a qui aime, d’autres moins, et d’autres qui s’en servent comme excusent quand ils perdent (non, non, je ne vise personne en disant cela, n’est-ce pas Vé.., oups).


LE PARADOXE TEMPOREL
L’aspect génial du jeu. En effet, les parties ne se déroulent pas d’une façon linéaire donc il est fort possible de construire des bâtiments sur le plateau des commanderies alors que d’autres existent au même emplacement sur l’un ou les deux autres plateaux plus tardifs. Lorsque vous faites ceci, vous créez un paradoxe temporel qui détruit le bâtiment le plus récent, et qui se voit alors remplacé par le nouvellement créé.
Cet aspect, très important, qui engendre bon nombre de destructions dans vos constructions alors que vous ne jouez pas, entraine que dans Khronos il est un peu utopique de vouloir construire une tactique sur le long terme. Avec d’autres éléments, comme le faible nombre de tours de jeu, cela me laisse à penser que Khronos doit être considéré comme un jeu à la tactique construite au tour par tour (au mieux, un tour à l’avance), les joueurs devant faire preuve d’une grande capacité de réaction et d’improvisation afin d’amasser sur le coup le plus d’argent possible.
LE JEU DE GAMERS
La nécessité de percevoir le jeu en 3D n’est pas le seul aspect qui fait de Khronos un jeu de gamers. En effet, il faut savoir que les joueurs doivent obéir à un grand nombre de contraintes et d’interdictions qui rendent le jeu assez complexe (la règle est cependant parfaitement claires). Ces contraintes sont pour la plupart parfaitement justifiées et nécessaires (le jeu est extrêmement bien pensé) et existent pour gérer particulièrement les conflits dans les suprématies sur les domaines et les glissements de construction dans le Temps. Cependant, malgré la légitimité de leur présence, ces détails de règle alourdissent le jeu et ne le rendent pas facilement accessible au grand public.
LE STYLE
Le thème est bien présent sur le plateau, mais ne croyez pas pour autant participer à un jeu riche en évocation historique quand vous vous asseyez à une table de Khronos. Non, le jeu est bien trop porté sur la réflexion et le faible nombre de tours ne laisse pas aux joueurs la possibilité de « folâtrer » dans le Temps. Il faut faire au plus direct, optimiser ses coups, calculer ses dépenses et ses gains rapidement. Tout cela entraine autour du (des) plateau(x) une ambiance très studieuse, voire tendue (dans le bon sens du terme bien sûr). Les tours de jeu sont d’ailleurs assez longs, les joueurs réfléchissant beaucoup, et la patience des joueurs attendant leur tour en voyant détruire ses constructions par les adversaires est mise à rude épreuve.
Pour cette raison, je déconseille fortement les tables de plus de 4 joueurs, sous peine de voir les tours de jeu s’éterniser.
Au niveau de l’interaction directe entre les participants, il n’y en a pas. La seule façon d’influer sur le jeu de l’adversaire est de le bloquer sur le terrain ou de détruire ses constructions par des paradoxes temporels. Un système finalement assez classique.
ET LE RESTE
C’est vrai. En général je vous en parle en premier, mais là j’avais tellement envie de vous parler du principe que j’en ai oublié de vous présenter le produit sous son aspect esthétique. Allons-y donc, si vous le voulez bien.
La boîte est très joliment illustrée, mais elle est inutilement profonde. Hormis si les auteurs visent à nous proposer des futures extensions (ce dont je doute), je me demande bien à quoi sert tout ce vide.
Le plateau – pliable en trois parties - est lui aussi très joli et élégamment illustré. La population (qui sert aussi de marqueur de propriété) se résume à des petits cubes en bois de couleur. Un détail qui ne facilite pas l’immersion dans le thème, d’autant plus que les pions aventuriers sont eux aussi de simples cylindres de bois colorés.
Dans la boîte, on trouve aussi des pièces de monnaie en carton rigide et les tuiles de construction, simples mais de bon gout (enfin, je dirai plutôt de mon gout).
Enfin, pour finir, Khronos comprend un paquet de 32 cartes de construction ce qui, comme je le disais plus haut, est très peu pour construire une pioche pour 5 joueurs. Calculons, 4 cartes par main, cela fait 20 cartes en un tour de jeu. Ce qui revient à mélanger la défausse tous les deux tours ! Bon, je rouspète, mais en même temps, comme je déconseille les parties à 5 joueurs…

La conclusion de à propos du Jeu de société : Khronos [2006]

Auteur Nicolas L.
90

Khronos est un jeu de réflexion génial. De plus, contrairement à bon nombre de jeux « allemands » où le thème fait juste office de panoplie, on sent vraiment le principe du voyage temporel au cours des parties. Cela ne m’étonne pas de Hicham, le boss du Matagot, qui est un passionné d’Histoire. Mais attention, Khronos n’est pas un jeu grand public, c’est un jeu ou l’on se triture vraiment les méninges (j’ai même entendu certains le traiter « d’antiludique ») et où le moindre faux pas entraine une irrémédiable défaite. Bref, si vous êtes un fan des jeux de placement et de majorité sophistiqués, Khronos est fait pour vous. Sinon, ben, je en sais pas trop… à vous de voir, ou plutôt d’essayer.

On a aimé

  • Un jeu de réflexion qui nécessite réactivité et sens de l’improvisation
  • Un thème assez présent
  • Un matériel de bonne facture malgré quelques petits défauts
  • Des parties acharnées, avec beaucoup de renversements de situations
  • Un jeu pour gamers acharnés.

On a moins bien aimé

  • Une règle assez difficile à assimiler

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