Joe Dante, le Gremlins d'Hollywood > Les années 80 : D'Explorers aux banlieusards

Explorers


La petite histoire : Le film conte l’histoire d'un gamin fan de science-fiction (Ben), qui, après avoir fait un étrange rève, se met à dessiner des plans. Avec deux de ses amis, ils vont tenter de construire ce que décrit le schéma et vivre certainement l'une de leurs plus grandes expériences. Lorsque Joe Dante se voit proposer « Explorers » par Jeffrey Katenberg, il tombe amoureux de l'histoire d'Eric Luke. Il y voit même l’opportunité de signer son film le plus personnel. Mais les financiers de la Paramount, suite au succès de Gremlins, y voient surtout une occasion de vendre « Explorers » comme le gros film de l'été 1985. Dès le début le film part sur une mauvaise base, Joe Dante a le malheur d'accepter sur son contrat que le film sorte pour le 15 juillet 1985, soit un an seulement pour préparer et tourner un film possédant un grand nombre d’effets spéciaux et pour gérer un énorme budget. Le réalisateur, qui jusqu'ici n’avait eu droit qu’à des moyens raisonnables, se retrouve confronté à son premier vrai « blockbuster ». De plus, alors qu'il avait créé un lien de confiance avec Jeffrey Katenberg, ce dernier quitte la Paramount pour aller du côté de chez Disney, abandonnant Dante avec de nouveaux dirigeants qui vont même aller jusqu'à lui imposer la sortie du film quelques jours avant la date prévue. Des jours que Dante estimaient précieux pour amener le film là ou il aurait voulu. Joe Dante - même s'il nie officiellement qu'il existe un autre montage - avoue cependant qu'il existe bien des bobines faisant de son métrage un film bien plus onirique, bien plus proche de ce qu'il aurait voulu. Des détails qu'il a du couper - ou renoncer à finaliser - à cause d'une date fixée bien trop courte.
 




Les petits détails du film : Même si Joe Dante trouve le film assez éloigné de ce qu'il aurait aimé qu'il soit, sa touche personnelle reste bien présente, et cela, sur plusieurs niveaux. Niveau 1 : hommage aux films de « Drivin » Bien avant « Panique sur Florida Beach » où Joe Dante a conçu de toutes pièces un faux film des années 50 (Mants), Joe Dante ici met en scène un faux film de « Drivin »avec « Starkiller (avec la participation de Robert Picardo) », sorte d’hommage aux films « Z » italiens qui n’est pas sans rappeler un film comme « Starcrash ».
 




Niveau 2 : hommage traditionnel à travers les écrans de télévision Comme pour tous ses films, Joe Dante se sert toujours de l’écran pour mettre en avant des vieux films, toujours avec le désir d’apporter quelque chose au film. Par exemple, en plaçant une séquence de « la guerre des mondes », Dante montre tout d'abord que le personnage de Ben est un fan de science-fiction, puis illustre l’idée commune sur la nature des contacts extra-terrestres. Autre exemple, une séquence « des Survivants de l’infini » où finalement le parallèle est fait puisque, comme pour le film de Joseph Newman, les héros en viennent à créer une machine sans avoir la notion exacte de ce qu’ils élaborent.



à gauche :la guerre des mondes / à droite : Le jour où la terre s'arrêta


Niveau 3 : les fidèles de Joe Dante Difficile de ne pas se répéter sur ce point, les mêmes noms revenant constamment pour chacun des films de Joe Dante, excepté que les apparitions ne seront pas toujours directes. Si, comme mentionné plus haut, on retrouve Robert Picardo à travers un « film dans le film » (mais aussi au poste de doubleur), Belinda Balaski sera surtout présente comme « effet de voix ». Quant à Dick Miller, bien qu’ayant une fois encore un rôle secondaire, celui-ci n’en reste pas moins essentiel, puisqu’au final on y voit un adulte qui, fut un temps, devait ressembler à Ben et qui a finit par oublier ses rêves et ainsi perdre un peu de lui-même. À noter qu’une fois encore Jerry Goldsmith compose une superbe orchestration, Rob Bottin s’éclate sur les Aliens et enfin John Hora signe une magnifique photographie.

Cheeseburger film Sandwich (Amazon Women on the moon)


La petite histoire : Dante fut très touché par l’échec artistique et commercial de l’expérience « Explorers ». Du coup, il décide de s’associer avec Finnell pour fonder leur propre compagnie : Renfield Productions. Suite à cela, il signe un accord de développement avec la Warner pour développer des films durant 2 ans. Ayant du mal à trouver des projets qui l’enthousiasme, et toujours sur le coup de la déception « Explorers », Joe Dante préfère se rabattre sur des entreprises plus modestes. Il réalise donc deux épisodes pour la série produite par Spielberg « Histoires fantastiques » et un de la Quatrième Dimension. Bien que toujours en attente d’un projet coup de cœur - mais comme il faut bien se nourrir et que le principe l’amuse -, il accepte de réaliser 5 séquences d’« Amazon Women on the moon » au côté de John Landis qui tente de renouveller l’expérience de « The Kentucky fried Movie », un succès de 1977. Les 5 séquences réalisés par Dante sont : Hailooming (1.07mn) ; Bullshit or not ? (2.40mn) ; Critics Corner (4.23mn) ; Roast Your loved one (9mn), Reckless Youth (5.13mn), à noter que pour le montage télévisuel il existe une sixième séquence appelée : French Ventriloquist’s (4.15mn).
 



Belinda Balaski veuve malgré elle !

Les petits détails du film : Une fois encore l’équipe de Dante se retrouve quasiment au grand complet, il se rajoutera ici l’actrice Carrie Fisher qui collabora aussi avec Dante dans le film « Les banlieusards ». A noter que Dante se fait plaisir ici avec un « Reckless Youth » qui lui permet de signer une séquence en noir & blanc et de pasticher les années 30.

L’aventure intérieure (Innerspace)


La petite histoire : Le lieutenant Tuck Pendleton participe à une expérience et se retrouve réduit et transféré accidentellement dans le corps d’un employé de supermarché, à la place de celui d’un lapin. Nouvelle collaboration Spielberg / Joe Dante. L’aventure intérieur est un projet par fraîchement nouveau pour Dante puisqu’une première proposition lui était parvenue en 1983, mais jusqu’alors le réalisateur n’y voyait qu’une simple copie de « Voyage fantastique » de Richard Fleischer. La donne change en 1986 puisque le script proposé fut retravaillé comme une comédie fantastique à la Jerry Lewis. Joe Dante y voit aussi une occasion, après le traumatisme « Explorers », de prouver qu’il est capable de faire un film « normal », et en effet même si de son propre aveu « L’aventure intérieure » fut le tournage le plus relaxant de sa carrière, il est peut-être celui qui s’éloigne le plus de sa touche personnelle (quoique…).
 




Les petits détails du film : Cette fois la touche Joe Dante est un peu plus discrète. Par exemple, John Hora n’est plus au poste de directeur de la photographie - mais il fait une apparition amicale dans le film en tant que comédien. Par contre, Jerry Goldsmith compose toujours la partition et les maquillages sont toujours signés de Rob Bottin.
 




Si les subtils hommages à travers les écrans ont disparu, le casting « des habités Joe Dante » est toujours là, Kevin McCarthy occupe le rôle du « grand méchant », Robert Picardo offre une de ses meilleures prestations en interprétant « le Cowboy », Dick Miller s’amuse à jouer les chauffeurs de taxi et même Chuck jones (déjà présent sur Gremlins) fait une apparition en client de supermarché.

Les Banlieusards (The burbs)


La petite histoire : Ray Peterson décide de rester paisiblement chez lui durant ses vacances. Petit à petit il s’interroge sur ses voisins, les Klopeck. Il acquiert assez vite la conviction que ceux-ci ont commis des meurtres, et ce n’est pas ses voisins, Mark Rumsfield et Art Weingartner qui vont le dissuader de cette idée, au contraire. Seule sa femme, Carol, semble prendre du recul par rapport à ce que Ray imagine. Au moment où lui parvient le scénario de « The Burbs » Dante est pris entre une grève de scénaristes qui s’annonce à l’horizon, un film en développement annulé suite à un désaccord de casting (Little Man Tate) et la préparation d’un Gremlins 2 - qu’il a fini par accepter de faire. Ayant une courte période de disponibilité, et afin de ne pas laisser un blanc dans sa carrière entre l’Aventure intérieure et Gremlins 2, Joe Dante accepte donc de réaliser « The Burbs », un film qu’il pense pouvoir achever avant que la grève ne soit effective. Le scénario se boucle donc assez rapidement et le tournage peut débuter avant la fameuse grève. Mais voilà, comme souvent, des choses écrites dans le script ne fonctionnent pas sur le plateau et la grève des scénaristes interdit au scénariste Dana Olsen de corriger le tir - bien que ce dernier soit présent sur le tournage en qualité de co-producteur. Du coup, Dante va encourager ses comédiens à créer leur personnage. Cela fonctionne assez bien jusqu’au final, qui ne satisfait personne. Plusieurs fins furent donc tournées et finalement, au grand désespoir de Dante, ce fut celle qu’il trouvait la moins drôle qui fut choisie.
 




Les petits détails du film : Joe Dante retrouve Dick Miller et Robert Picardo en leur donnant des rôles assez courts comme éboueur, John Hora à la photo additionnelle et bien sûr Jerry Goldsmith pour la conception de la musique du film. « Les Banlieusards » possède donc casting un peu moins habituel. Reste à souligner que le réalisateur collabore pour la deuxième fois avec l’actrice Carrie Fisher.



à gauche Robert Picardo et Dick Miller face à Rick Ducommun / à droite, Bruce Dern avec Henry Gibson


Même si ce film s’éloigne quelque peu du genre « fantastique », il y reste tout de même fortement attaché sur plusieurs aspects, tout d'abord parce que Joe Dante reprend son habitude de transmettre une information via des écrans de télévision avec une scène de sacrifice humain qu’il transforme peu après en rêve (j’avoue n’avoir pas identifié le titre du film), puis ensuite, sur des mises en situation - comme une qui n’est pas s’en rappeler « Frankenstein ». Ainsi, même lorsque le réalisateur essaie tant bien que mal de changer de registre (en abordant comme ici une thématique assez parodique au final de « fenêtre sur cour »), il ne peut s’empêcher d’y apporter son amour des films qui ont bercé sa jeunesse.