Joe Dante, le Gremlins d'Hollywood > Interview scifi-universe de Joe Dante

Rencontre événementiel lors du NIFFF

Parfois, il existe des rencontres qui restent gravées pour toujours dans votre mémoire. Rencontrer Joe Dante, en face à face, et pouvoir lui poser des questions durant 15 minutes sera à n’en pas douter l’un de ces moments. Passionné, passionnant, il est le genre de personne avec qui l’on aimerait parler durant des heures et des heures. Le personnage est intègre et n’hésite jamais à dire les choses comme elles lui viennent, c’est peut-être pour ça qu’il peut être considéré comme l’un des plus grands réalisateurs et que ses films lui ressemblent tant.

 

Bienvenue M. Joe Dante, j’aimerais que vous me parliez de Dick Miller et Robert Picardo, deux acteurs avec qui vous avez énormément travaillé.
Tous les réalisateurs rassemblent des gens avec qui ils aiment travailler. J'avais vu Dick Miller depuis des années dans les films de Roger Corman, et pour mon premier film, je me suis dit "si je ne dois faire qu'un seul film, je veux l'y voir dedans." Nous nous sommes bien entendus, et il est devenu comme un talisman pour moi, dans presque tous les films que j'ai fait. La première chose que je fais quand j'ai un script, c'est de regarder s'il y a un rôle pour Dick Miller. Et puis j'ai rencontré Bob Picardo. Je ne savais pas qui il était, mais il est venu pour "Hurlements". C'était le seul à pouvoir endurer les heures de maquillage. Il était bon acteur, et génial dans ce film. Puis il y a eu Kevin McCarthy, Henri Gibson, ce sont tous des gens avec qui j'ai aimé travailler, pour lesquels j'essayais de trouver des rôles. J'ai donc autour de moi une "écurie" d'acteurs, maintenant un peu âgés.

D'ailleurs, la surprise c'est de ne pas les revoir dans "Masters of horror". C'est surprenant...
Il y a une raison ; c'est que l'on a tourné au Canada, et que là-bas, je ne pouvais amener que deux acteurs américains. Je ne pouvais pas faire venir de seconds rôles, puisque j'amenais déjà les deux rôles principaux. Donc aucun de mes amis n'est dedans, à part Bob Picardo. Mais le concept des seconds rôles récurrents est en train de disparaitre, parce qu'il n'y a plus assez d'occasions pour ces acteurs d'apparaitre dans les films et se faire connaitre comme second rôle.

J'ai noté qu'on vous parle peu de l'un de vos films ; "Matinee" (Panique sur Florida beach), où l’on retrouve tout votre amour pour le cinéma des années 60, avec l'hommage à la fourmi, la peur de la bombe. Est-ce votre film le plus personnel ?
Je ne sais pas si c'est le plus personnel, mais j'y ai mis beaucoup de moi. Oui, il se passe pendant la crise des missiles cubains, et les enfants dans le film ont l'âge que j'avais à l'époque. Les films qu'ils aiment sont ceux que j'aimais. Et les accessoires, les posters, les dessins sont les miens. Donc, j'ai mis une bonne partie de moi dans ce film. Il est un peu plus dramatique que les autres films que j’ai fait, mais il est important pour moi. Ça n'a pas été un succès fracassant, mais c'était gratifiant de voir les parents emmener leurs enfants voir ce film, pour leur montrer comment on allait au cinéma en 1962. Quel genre de films on passait, dans quel genre de cinéma. Il y avait des cinémas avec une seule salle. C’est dur à croire, je sais, mais c'était comme ça. Dans "Gremlins 2", vous vous lâchez

complètement, est-ce que les studios n'ont pas essayé de vous arrêter?
Ils ont essayé. J'ai pu le tourner comme ça uniquement parce que les studios voulaient à tout prix une suite à "Gremlins". Ils travaillaient dessus depuis des années, mais n'arrivaient pas à trouver une histoire. Ils sont venus me voir et m'ont dit qu'ils voulaient faire quelque chose avec le succès du premier, et que si je le réalisai, ils me laissaient carte blanche. Et comme c'est une offre que je n'ai eu qu'une fois depuis, avec "Masters of Horror", donc j'ai dit oui. Le budget était trois fois plus important, et la technologie avait évolué, on pouvait faire plus de choses. Mais mon idée était de parodier le premier Gremlins, et les suites en général. Et peut-être éliminer le besoin d'un "Gremlins 3". Quand les studios ont vu le film, ils ont bien sûr été horrifiés, mais c'était trop tard, donc le film est sort tel quel, et c'est un de mes films préférés.

Justement, dans Gremlins 2, on entend cette phrase à la télé "Découvrez Casablanca pour la première fois en couleurs" c'est une critique des médias.
Bien sûr, c'était à l'époque ou Ted Turner faisait ce genre de chose à tous ces films. J'étais membre du comité DGA, qui essayait de montrer aux gens que les films ont leur identité propre, que l'on ne peut pas les couper n'importe comment, les coloriser, leur ajouter des scènes. Maintenant, avec la vidéo et internet, c'est encore plus compliqué. Avec tout ce que les gens peuvent regarder ou mettre sur YouTube, et qui devrait être enlevé tout de suite après. Mais les détenteurs des droits d'auteurs ne veulent peut-être pas vraiment lutter contre ça, ça leur fait de la publicité. Maintenant, ils coupent eux-mêmes leurs émissions. On peut voir sur internet des épisodes de "Charlie's angels" de 5 minutes. Et les guildes, les acteurs, réalisateurs et scénaristes ne savent pas quoi faire de ça, parce que ça peut générer des profits, mais ça sape totalement leur travail. C'est une période intéressante. Personne ne sait vraiment quoi que ce soit. Ils ne savent pas ce qui va arriver, où passeront les films, ils ne savent pas comment faire des films ni pour qui. Ce qui est plutôt une bonne chose.

Préférez-vous le montage de "Gremlins 2" avec John Wayne ou Hulk Hogan?
Je préfère l'original, avec la pellicule qui se casse. Mais sur la télévision, une blague sur la pellicule ne marchait pas, donc on a fait une blague "cassette", avec le magnéto qui déconne, en montrant une scène avec John Wayne. Mais celle-là ne marche plus avec le DVD, car les DVD fonctionnent encore différemment. Donc, je préfère l'original.

Dans "Hurlements", il y a une créature spectaculaire, et sa transformation fut un choc à l'époque, en étiez-vous fier?
Bien sûr, c'était bien fait. Ça s'est très bien passé, mais la séquence est trop longue. Quand on l'a montré aux distributeurs, ils ont adoré, et les studios m'ont demandé de ne pas la raccourcir, mais elle est vraiment un peu trop longue. On a utilisé beaucoup de techniques, les mêmes que Rick Baker avait utilisé sur "An american wherewolf", mais la photographie était meilleure, et on arrivait mieux à cacher le latex que dans les autres films. Il y avait 3 autres films de loups-garous cette année-là, 1981 était l'année du loup-garou.

Vous avez souvent mis Robby le robot dans vos films, ou fait référence à "La guerre des mondes" et au "Choc des mondes", j'ai toujours rêvé de vous voir faire un film sur les robots, qui rendrait hommage à ces films que l'on aperçoit à travers les vôtres.
Quand je vois un film comme "I, robot", avec ces robots en images de synthèse, je me demande ce qu'on peut faire de plus avec les robots. Même, le dernier Pixar, "Wall-E", parle de robots. Je n'ai jamais eu le désir de faire mon propre film de robots, mais j'aime les films de robots.

Vous avez collaboré six fois avec Steven Spielberg, avez vous mis fin à cette collaboration après "Small soldiers", ou aurez vous d'autres projets ensemble?
Non, ça c’est juste arrêté comme ça. Les 5 premières collaborations étaient géniales, et la dernière s'est un peu moins bien passée, parce que Steven était moins impliqué. Il était occupé à diriger sa compagnie, et déléguait beaucoup de travail à des gens que je trouvais idiots, donc le film fut moins bon que ce qu'il aurait dû. Mais J'apprécie toujours Steven, nous nous sommes revus il y a quelque temps au Venise Film Festival. Dernière question, vous avez dit que parler de vos projets vous portait malchance, pourquoi? Parce que j'ai eu tellement de projets dont j'avais parlé autour de moi et qui ne se sont pas faits. Les festivals de films sont le pire endroit pour parler de ça. Parce que tout d'un coup, tout le monde est au courant que vous faites un film, et ça se retrouve dans les journaux. Et si le film ne se fait pas, les gens demandent "Qu'est-il arrivé à ce film que vous deviez faire?". Donc maintenant, je ne donne même plus le titre. J'essaie de ne plus parler de mes projets jusqu'à que je sois sûr qu'ils se fassent.