Critique Conquest of the Fallen Lands [2005]

Avis critique rédigé par Amaury L. le vendredi 24 septembre 2010 à 17h01

Un monde à ne pas oublier…

Dans ces royaumes déchus, les terres abondent pour les seigneurs intrépides. La tentation d'accroître sa puissance et son domaine attise les appétits belliqueux de quelques chefs de guerre ambitieux. Dans le lointain résonnent les tambours rythmant la marche cadencée d'une armée prête au combat, est-ce la vôtre ?

 

 

On découvre une boîte compartimentée suscitant abondance et curiosité. On regarde avec intérêt les soixante tuiles hexagonales Terrain marquées d'un chiffre entre un et douze. Celui-ci informe les joueurs de l'argent reçu en cas de conquête. Le jeu comporte un deck de 128 cartes composé de troupes (hallebardiers, lanciers, archers...), de fortifications (garnison, forteresse...) et de sorts magiques (avec du texte en anglais). Les illustrations de Joshua Cappel donne un charme particulier, comme si Conquest of the fallen lands venait des années 80. La découverte se poursuit avec 72 cartes Partisan (mage, ouvrier, guerrier), cinq sets de billes chinoises, des bronzes (valeur 1, 2, 5 10, 50) cartonnés, des Aides de jeu (en anglais) et deux livrets de règles (version de base et avancée). Sans fournir un matériel extraordinaire, Assa games délivre une qualité graphique et éditoriale irréprochable. 

 REGLES NIVEAU UN, OU NIVEAU DEUX!

Conquest of the fallen lands possèdent deux livrets de règles qui présentent la version de base et celle experte.

La version de base:

On prépare le terrain de jeu selon le nombre de joueurs suivant les illustrations ci-dessous.

Le but de Conquest of the fallen lands est de devenir le seigneur le plus fortuné à la fin de la partie.

Chaque joueur joue l'intégralité de son tour avant que le suivant n'effectue le sien. On commence par recruter des partisans (guerrier, mage, ouvrier) qui servent à l'activation des cartes Troupes, Fortifications ou Magie. On ne recrute qu'un partisan par tour de jeu en dépensant cinq bronzes.

 Ensuite, on conquiert, on renforce des territoires et on lance des sorts. C'est la phase principale du jeu. Pour conquérir un territoire, il faut poser une seule et unique carte Troupe sur le terrain convoité. Si la force d'attaque et de soutien obtenue égale ou dépasse le chiffre indiqué sur la tuile Terrain, le joueur prend possession du lieu et gagne en bronze la somme inscrite dessus.  

Chaque terrain peut recevoir une carte Fortification (en plus d'une carte Troupe) qui facilite la conquête de toutes les tuiles adjacentes, en apportant sa force de soutien à la valeur d'attaque d'une carte Troupe.

En dernière possibilité, le joueur utilise une carte Sort en épuisant le nombre requis de mage puis applique l'effet. 

Un joueur a le droit de multiplier les actions décrites ci-dessus tant qu'il n'a pas épuisé toutes ces cartes Partisans. Avant de terminer définitivement son tour, il pioche une carte Troupe dans la pile, plus une supplémentaire par mage non utilisé. Pour conclure, il retourne coté face visible toutes ces cartes Partisans, de nouveau disponibles pour son prochain tour.

La partie s'arrête lorsque toutes les tuiles Terrain sont conquises. On comptabilise uniquement l'argent disponible devant chaque joueur. Le plus riche l'emporte. 

La version avancée

Elle reprend la plupart des principes exposés ci-dessus en enrichissant les actions possibles.

Un tour de jeu s'organise de la manière suivante :

1. recruter un Partisan

2. conquérir un nouveau territoire, fortifier un territoire, utiliser une carte magie.

Important : dans le jeu de base, on se sert uniquement de ces propres soutiens pour envahir un territoire. Dans la version avancée, on utilise les soutiens des autres joueurs.

Trois actions supplémentaires apparaissent :

- si on souhaite conquérir un terrain non adjacent à une de ces troupes déjà posées, il faut voler en utilisant la puissance magique de ces mages. On paie sept bronzes, plus un mage par case d'éloignement du territoire ciblé. Evidemment, le joueur doit égaler ou dépasser la force de défense du terrain à conquérir.

- On échange des cartes Troupes. Le joueur défausse une carte et en pioche une nouvelle. Chaque échange nécessite l'activation d'un mage.

- On recrute des Troupes. On pioche deux nouvelles cartes pour sept bronzes. Chaque mage dépensé pour cette action fait décroître le prix de deux (maximum trois mages).

3. piocher une carte.

4. restaurer vos partisans.

Le jeu se termine de la même manière que le jeu de base, le plus riche l'emportant toujours.

UN JEU TOMBE DANS UN OUBLI INJUSTIFIE!

Pas de préambule superflu, Conquest of the fallen lands est une bombe, un des meilleurs jeux édités depuis une dizaine d'années !

Sorti en 2005 chez un éditeur américain confidentiel Assa games, la parution de ce jeu dans un marché saturé n'a pas suscité d'intérêt particulier chez la communauté des joueurs, ni même créé un « buzz » sur internet. Aussitôt sorti, aussitôt oublié. Voilà comment une perle ludique incontestable finit dans un anonymat injustifié tant les qualités recelées par Conquest of the fallen lands dépassent aisément la majeure partie des productions actuelles, titillant les références incontournables de ces dernières années comme Dominion, Euphrat & Tigris, Caylus

Il réunit la quintessence des deux mondes ludiques les plus influents de la planète, les jeux à l'allemande et à l'américaine. Conquest of the fallend lands propose une synthèse incroyablement réussie, un métissage d'une subtile alchimie. L'auteur Andréi Burago s'inspire des jeux de cartes à collectionner comme l'incontournable Magic the gathering. En effet, on active des cartes Troupes uniquement si on dispose suffisamment de partisans inoccupés dans sa réserve. Contrairement à Magic dans lequel une pioche favorable ou défavorable contribue largement au déploiement efficient de votre deck, Conquest of the fallen lands délaisse tout paramètre aléatoire au profit d'un contrôle total de l'évolution de votre armée. On choisit ces partisans selon les cartes tenues en main. On optimise sa stratégie en essayant de poser un maximum de cartes par tour. Chaque achat d'un partisan constitue un élément clef de votre développement présent, ainsi que pour les tours ultérieurs. Il se mesure, se réfléchit afin de privilégier une solution efficace, garante d'une évolution couronnée de succès. Toutefois, la contrepartie remarquée demeure un temps de réflexion prolongée avec certains joueurs. Anticiper et programmer pendant le tour des autres ne semble pas réellement envisageable, il faut suivre avec intérêt les déplacements des armées adverses, les prises de territoire, toujours dans l'optique de garder une latitude décisionnelle ample. 

 Ce qui surprend dans ce jeu atypique, malgré une thématique médiévale fantastique à l'imagerie guerrière, c'est l'absence de confrontation directe entre les joueurs. L'auteur privilégie des mécanismes comme la programmation et le blocage plutôt que des conflits ouverts. Pourtant, on s'immerge instantanément dans cette aventure ludique fourmillant de conquêtes extrêmement rigoureuses tactiquement. En effet, lors de son tour de jeu, on calcule incessamment toutes les potentialités offertes, on essaie de se projeter quelques tours en aval et de se laisser une accessibilité à un maximum de territoires. Si un joueur insuffisamment prévoyant s'enferme sur une portion du plateau de jeu vide de territoires vacants, il encourt un ralentissement préjudiciable de son développement. Ce joueur s'oblige de recommencer ses conquêtes sur un territoire de faible défense (s'il en reste de disponible) et se prive du soutien indispensable de ces cartes Troupes préalablement posées si on souhaite s'attaquer à des régions de forte valeur. Evidemment, vos adversaires saisiront l'opportunité de s'emparer des territoires richement dotés monétairement. Ce confinement stratégique s'amplifie avec la raréfaction des régions vierges. Se retrouver dans l'incapacité absolue d'effectuer la moindre action constitue un danger constant. Cette épée de Damoclès insuffle une tension et une ébullition neuronale étonnantes, séduisant un large panel de joueurs. On s'aperçoit de l'importance de se positionner sur certaines tuiles Terrains hautement stratégiques. 

La gestion des fins de partie occasionne des choix décisionnels cornéliens comme acheter ou non un partisan. On s'interroge si cet investissement se rentabilise soit en privant un adversaire d'un gain monétaire substantiel soit en octroyant un enrichissement personnel. Comme l'argent détermine le vainqueur, la cogitation atteint son acmé lorsque Conquest of the fallen lands approche de son terme. Malgré une durée avoisinant les deux heures, surtout dans les configurations à cinq joueurs, on ne s'installe pas dans une monotonie répétitive. On ne ressent aucunement une lassitude compromettante et le plaisir demeure présent tout au long du déroulement du jeu. Conserver un attrait sur des durées conséquentes conforte l'impression que Conquest of the fallen lands tutoie l'excellence. Il demeure intéressant à trois, quatre ou cinq participants grâce à la modularité de son plateau de jeu. La version de base semble aboutie, alors qu'en est-il de la version avancée ? 

Même si celle-ci reprend la plupart des mécanismes, les ajouts complexifient le jeu de base en accentuant le facteur réflexion. Les joueurs sont confrontés à davantage de possibilités d'action. La version avancée ouvre des horizons tactiques et stratégiques poussés et demande une programmation millimétrée, exigeante au niveau de la concentration et de la cogitation. Evidemment, la durée d'une partie s'allonge nettement, on approche d'un temps de jeu de trente minutes par joueur. Les dilemmes soumis aux seigneurs en herbe s'intensifient. Comme les soutiens deviennent communautaires, chaque pose s'accompagne inéluctablement des éventuelles conséquences ultérieures. On tente de ne pas favoriser les adversaires, de se conserver quelques « chasses gardées ». Les cartes Partisan Mages obtiennent un rôle prépondérant car certaines actions spécifiques requièrent leur présence et surtout leur disponibilité comme le recrutement de nouvelles cartes Troupes (le coût en bronze diminue avec l'activation des mages). La magie semble indispensable pour augmenter vos chances de victoire. Si on se retrouve piéger dans une impasse (plus de territoires adjacents inoccupés), les mages apportent des solutions alternatives comme le vol au dessus de plusieurs tuiles Terrain. Ne pas s'appuyer sur la force magique atténue le spectre d'actions envisageables.

Les deux versions restent séduisantes à la pratique et difficile de dégager une favorite. Le jeu de base requiert une réflexion et une cogitation moins intenses que sur la version avancée. Toutefois, si on apprécie Conquest of the fallen lands sous sa forme basique, jouer en mode expert permet de découvrir des facettes inédites et d'exploiter une richesse mécanique exceptionnelle. Andrei Burago offre un grand jeu, injustement ignoré par les joueurs, qui bénéficie d'un renouvellement incroyable, un plateau de jeu différent à chaque partie, une variété intéressante dans les actions proposées, deux règles qui changent réellement la façon de jouer, et un matériel honorable, que demander de plus !

 ET IL SE JOUE A DEUX AVEC CETTE VARIANTE?

Alors que la tranche de la boîte affiche un trois à cinq joueurs inintéressant pour les couples, une variante pour deux a vu le jour et donne entière satisfaction. La voici :

Préparez le terrain comme lors d'une configuration à trois joueurs.

Prenez cinq pierres d'une couleur inutilisée.

Le premier joueur pose une première pierre sur un terrain de valeur 1, le second sur un terrain de valeur 2, et ainsi de suite. Les cinq territoires ( de valeur 1, 2, 3, 4, 5) marqués par une pierre sont inaccessibles pour les deux joueurs. Le second joueur commence la partie. Toutes les autres règles demeurent identiques (version de base comme pour la version avancée).

 

La conclusion de à propos du Jeu de société : Conquest of the Fallen Lands [2005]

Auteur Amaury L.
95

Quelle injustice ! Alors que les éditeurs ne cessent d’éditer des jeux qui se ressemblent, certains jeux novateurs passent complètement à la trappe. Qui a entendu parler, excepté quelques connaisseurs avisés, de Conquest of the fallen lands ? Pourtant, ce jeu dévoile des qualités énormes, le prédisposant à devenir un hit. Malheureusement, sa diffusion confidentielle et son manque de visibilité ont freiné sa réussite commerciale, le confinant à un oubli immérité dès sa parution. Bénéficiant de deux règles distinctes, ce jeu propose un métissage réussi du jeu dit « à l’allemande » (mécanique bien rodée) et « à l’américaine » (thématique présente). L’auteur Andrei Burago a su merveilleusement tirer la quintessence de ces deux influences ludiques majeures. On navigue entre des mécanismes parfaitement huilés et une thématique accrocheuse immersive. Grâce à une tension savamment conservée, malgré des parties tournant autour des cent vingt minutes, Conquest of the fallen lands captive ces participants. On comprend mieux la signification de la relativité du temps qui passe, mais on ne conçoit pas comment ce jeu exceptionnel soit passé complètement inaperçu lors de sa sortie en 2005, tant le jeu surpasse aisément 90 % des jeux édités actuellement. Conquest of the fallen lands, un jeu à ne pas laisser tomber !

On a aimé

  • Original.
  • Très prenant.
  • Tactique et stratégique.

On a moins bien aimé

  • Durée des parties (et encore).

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