Critique Tristan et Iseult [2006]

Avis critique rédigé par Nicolas L. le mercredi 7 mars 2007 à 17h32

Un amour éternel trop rationalisé?

La légende de Tristan et Iseult est l’une des plus célèbres de part le monde.Elle raconte la dramatique histoire d’amour entre Tristan de Cornouailles, jeune prince ensorcelé par un philtre magique (absorbé par accident), et la belle Iseult d’Irlande, femme de son père adoptif. Très dure, avec d’évidentes références érotiques, la légende est également un magnifique conte chevaleresque dans lequel le brave Tristan, ballotté par le destin, terrasse le géant Morholt, tue le dragon d’Irlande et sauve son pays de l’invasion. Séparés par leurs fonctions et leur devoir, les deux amants ne se pourront se rejoindre que dans la mort…
Cette belle histoire, retranscrite de manière quasi-définitive dés le 12ème siècle, se voit récupéré à la fin du 19ième par un Richard Wagner qui voyait en cette légende un reflet de sa vie privée. Epurant grandement le coté mythologique, il en garde l’essence mystique et la profondeur romanesque propre à la chanson de geste pour créer son célèbre opéra Tristan + Isolde. Rien de scandaleux tant l’histoire a subit durant les siècles de multiples variantes et interprétations. Et c’est cette version à la fois épique et intime que le trio Kevin Reynolds, Ridley Scott et Tony Scott ont décidé de mettre en image.


Une initiative assez rare pour être saluée. Car il faut dire que Tristan et Iseult a rarement reçu les faveurs des cinéastes, qui lui ont toujours préféré sa variante kymrique, à savoir la Geste d’Arthur, avec laquelle il partage d’ailleurs de nombreux points communs idéologiques et religieux. Cette version de plus de deux heures est donc, par la force des choses, la principale projection de la légende sur grand écran. Une décision probablement favorisée par les récents succès publiques et critiques des adaptations des contes nordiques de Beowulf et du Nibelungen (L'Anneau sacré). Remarquez, on ne va pas s’en plaindre…
Surtout quand le résultat arrive à la hauteur de nos espérances. Ce qui est le cas avec le film de Kevin Reynolds. Et cela même si l’on peut regretter que l’ex-meilleur ami de Kevin Costner (une amitié qui a chaviré en même temps que les décors de Waterworld) n’est guère gardé l’aspect mythologique du thème et ait gommé les références mystiques en transformant le personnage très important de Brangien (créatrice du philtre d’amour) en une simple servante. Et ce n’est pas tout. Suivant le même raisonnement, on se rend compte que Morholt n’est plus un géant, mais un simple homme doté d’une force colossale. Il n’est donc plus la personnification allégorique de la menace « barbare » (dans le sens grec du terme), mais le simple bras armé du roi d’Irlande. Et, pour finir, l’intervention du Destin par l’intermédiaire de la scène du cheveu d’or déposé par un oiseau est purement et simplement supprimée au profit d’une séquence mettant en scène une conspiration montée par des barons anglais et le roi d’Irlande.

Mais attention, le film n’en pas moins référentiel pour autant. On sent simplement que les frangins Scott, probablement peu à l’aise avec les aspects fantastiques des anciens récits, ont préféré créer une sorte de film historique fantaisiste. Et finalement, cela s’avère être une bonne idée (même si j’adore les combats contre les dragons…). Cela a l’avantage de donner à Tristan et Iseult des aspects plus réalistes, plus dramatiques, qui sont plus à même d’interpeller la sensibilité du spectateur. De plus, on sait combien sont à l’aise Ridley Scott et Kevin Reynolds dans ce genre d’exercice, le premier avec Gladiator et un magnifique (et trop méconnu) Les Duellistes, et le deuxième avec un Robin des Bois de bonne facture.
Pour ce faire, la première chose sur laquelle se sont penchés les initiateurs de ce projet, c’est sur la notion de réalisme et de crédibilité. Un gros effort a donc été fait dans la conception des costumes et dans la construction des décors. Le village de Cornouailles et le Château d’or sont d’une perfection absolue, notamment le siège du roi Marke avec son château sur motte. Un véritable régal pour l’œil, d’autant plus que les paysages sont extraordinairement mis en valeur par de majestueuses prises de vue opérées par la caméra aiguisée de Kevin Reynolds. Ce qui nous amène au deuxième atout de Tristan et Iseult : la qualité de la réalisation.

Car, si la mise en scène des séquences intimistes reste dans le domaine de la réalisation classique du genre – sans aucun sous-entendu péjoratif -, il en est tout autrement lors des phases épiques, et notamment des combats. La séquence du tournoi est d’ailleurs un parfait exemple de cette maîtrise du cadrage et du montage dont Kevin Reynolds va faire preuve durant toute la durée du métrage. C’est vif, violent, bestial et furieusement incisif, tout en restant clairement visible. En ayant choisi d’utiliser et de moderniser (steadycam oblige) les techniques cinématographiques utilisés dans les années 40 et 50 (les choix d’angles dans les duels m’ont rappelé un certains Les Vikings, de Richard Fleischer), il est évident que le cinéaste a fait les bons choix, et son goût pour le classicisme a finalement fait mouche.
Qui dit film romanesque, dit personnages forts, ceci nécessitant une interprétation de premier plan. Et là encore, on a droit à une bonne surprise. Tout d’abord étonnant avec sa coupe de cheveux improbable, James Franco, dans le rôle titre de Tristan, nous rassure rapidement avec un jeu sobre, sans fioritures et effets de manche inutile. Il en résulte un homme effacé devant son destin, presque introverti, et relativement charismatique dans les séquences d’action. Ensuite, avec son petit air de Kate Winslet, on reconnaît la jolie Sophia Myles qui incarne une parfaite Iseult la Blonde (le personnage de Iseult aux mains blanches, quand à lui, a été supprimé à l’occasion de l’écriture de scénario, privant l’héroïne de son coté « obscur »). Déjà remarquée dans la série des Underworld (malgré présence de la sculpturale Kate Beckinsale), la jeune comédienne britannique confirme tout le bien que je pensais d’elle, avec une interprétation quasi théâtrale, aux parfums « Opheliens ». Cependant, la gifle ne vient pas des deux personnages principaux, mais de celui du roi manchot : Marke. J’ai toujours trouvé que Rufus Sewell avait beaucoup de talent, et je suis heureux de constater que j’avais pleinement raison. Il suffisait de lui donner sa chance. Ce qu’a fait Kevin Reynolds a attardant longuement sa caméra sur lui. J’ose même comparer sans hésitation son jeu à celui de Nigel Terry, magnifique dans son rôle d’Arthur (Excalibur, de John Boorman). On y trouve la même amplitude dramatique, et un impressionnant sens du verbe (à voir uniquement en version originale pour en profiter).

La conclusion de à propos du Film : Tristan et Iseult [2006]

Auteur Nicolas L.
78

Tristan et Iseult est un film superbe, presque parfait. Des costumes à la réalisation, en passant par les décors et l’interprétation des personnages par des comédiens doués, il n’y a pratiquement rien à reprocher au film de Kevin Reynolds. Et pourtant, pourtant… Comme je regrette que le scénario ait préféré coller à l’opéra de Richard Wagner au lieu de s’approprier la légende celtique dans son intégralité. Au-delà de l’absence de « fantasy », ce que je regrette en fait le plus, c’est la disparition de ces nombreux symboles qui rendent les personnages principaux uniques et immortels. Les icônes idéologiques que sont les deux amants maudits perdent un peu de leur signification et le fait de la rationaliser les rend peut-être plus palpables, mais aussi moins… magnifiques. Un beau spectacle, cependant…

On a aimé

  • Réalisation de qualité, majestueuses prises de vue extérieures
  • Superbe interprétation
  • Décors et Costumes

On a moins bien aimé

  • Un script qui gomme de nombreux aspects importants de la légende
  • Une volonté de rationalisation

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