Jodorowsky's Dune > DES "ASSOCIES" DE PREMIER ORDRE

L'équipe technique

Jodorowsky a besoin d'un story-board et d'un script très précis, il veut réaliser le film sur le papier avant de le tourner. Il propose à Jean Giraud alias Mœbius de travailler sur le film.
"Je lui dis : « Si tu acceptes ce travail, tu dois tout abandonner et partir demain avec moi à Los Angeles » . Mœbius m'a demandé quelques heures de réflexion. Le lendemain, nous partions pour les Etats-Unis"
Pour l'anecdote, intimidé par la tâche à accomplir Mœbius tente de « refiler le bébé » à Druillet. Mais ce dernier secoue son ami et le persuade d'accepter l'opportunité offerte par Jodorowsky.
Ils partent à Los Angeles rencontrer LA star des effets spéciaux de l'époque, Douglas Trumbull (2001: Odyssée de l'Espace, Rencontre du 3ème Type, Blade Runner). Au bout d'une semaine de travail, le Chilien ne supporte plus la condéscendance de l'Américain et claque la porte :
"Pour les effets spéciaux, grâce au pouvoir que me donnait Michel Seydoux, je pus refuser Douglas Trumbull... Je ne pus avaler sa vanité, ses airs de grand patron et ses prix exorbitants. Comme un bon américain, il a joué à mépriser le projet et essaya de nous complexer en nous faisant attendre tout en parlant avec nous en même temps qu'avec une dizaine de personnes au téléphone et enfin en nous montrant de superbes machines qu'il essayait de perfectionner. Fatigué de toute cette comédie, je l'envoyai chier et parti à la recherche d'un jeune talent"
Mœbius attaque la pré-production du film. Le story-board et les recherches de concepts visuels sont en route... Jodorowsky est à la recherche d'un ingénieur qui puisse dessiner les navires spatiaux d'une autre façon que celle des films américains :
"Je ne veux pas que l'homme conquiert l'espace dans les navires de la NASA, ces camps de concentration de l'esprit, ces congélateurs gigantesques vomissant l'impérialisme, ces tueries de pillage et de rapine, cette arrogance d'airain et de soif, cette science eunuque, bave de crapaud n'effleurant qu'à peine le divin, le délirant, le superbe CHAOS UNIVERSEL. Je veux des entités magiques, des véhicules vibrants pour prolonger l'être de l'abîme, comme les poissons d'un océan intemporel. Je veux des bijoux, des mécaniques aussi parfaite que l'âme, des ventres-navires, antichambres de la renaissance pour d'autres dimensions. Je veux des navettes courtisanes, mues par le sperme d'éjaculations passionnées dans un moteur de chair. Je veux des fusées complexes et secrètes, des navires-oiseaux, butinant le nectar millénaire des étoiles naines des cuirassés assoiffés se mourant siècle après siècle dans un désert d'étoiles, attendant le corps vivant qui remplira leurs réservoirs vides des sécrétions subtiles de son âme... "
(Jodorowsky, Moebius et un Sardaukar !)
Il écrit à Christopher Foss, un dessinateur anglais qui illustre des couvertures de livres de science- fiction... Comme Giraud, il n'a jamais pensé au cinéma... Avec un grand enthousiasme, il quitte Londres et vient s'installer à Paris...
Dan O'Bannon (futur scénariste de Alien et de Total Recall) est engagé comme directeur des effets spéciaux et part s'installer à Paris. Jodorowsky le découvre en voyant le film Dark Star de John Carpenter lors du festival du film fantastique de Paris. Il le décrit comme quelqu'un de complètement hors de la réalité conventionnelle, O'Bannon a pour lui un réel génie.
Herbert et sa femme Bev font leur premier voyage à Paris. Une rencontre entre l'écrivain et Jodorowsky est fortement probable.
Pour Jodorowsky, la musique est un aspect vital du film. Chaque planète aura son style de musique, Magma, groupe français est pressenti pour réaliser les rythmes guerriers des Harkonnen. Avec Jean-Paul Gibon, producteur exécutif de Camera One ils partent en Angleterre chercher des musiciens. Virgin Records les reçoit et leur offre Gong, Mike Oldfield, Tangerine Dream, Henry Cow... Jodorowsky veut aussi Pink Floyd pour la planète de l'Empereur :
"J'ai eu la chance, grâce à mon film El Topo, d'être connu par ces musiciens. Ils ont bien daigné nous recevoir à Londres aux studios Abbeyroad où les Beatles avaient enregistré leur succès. Je voulais des artistes qui sachent respecter une œuvre d'une telle importance pour la conscience humaine. Ils ont décidé de participer au film en produisant un album qui allait s'appeler Dune composé de deux disques. Ils sont venus à Paris pour discuter la partie économique et, après une intense discussion, on est arrivé à un accord. Pink Floyd ferait presque toute la musique du film."
Jodorowsky rencontre Hans Rudi Giger, artiste suisse, à Paris. De retour chez lui, Giger commence à réaliser des tableaux pour conceptualiser le monde des Harkonnen :
"Son art décadent, malade, suicidaire, génial, était parfait pour réaliser la planète Harkonnen... Il a fait un projet de château et de planète qui touchait vraiment à l'horreur métaphysique"
Le dessinateur Corben est contacté pour concevoir le monde du Bene Gesserit, planète couverte de pyramides.

Un casting de rêve...

Pour les acteurs, Jodorowsky choisi son fils Brontis pour interpréter Paul Atréide, il veut Charlotte Rampling pour le rôle de Jessica mais celle-ci refusera. Orson Welles doit jouer le Baron Harkonnen, Alain Delon sera Duncan Idaho et Mick Jagger est approché pour le rôle de Feyd-Rautha Rabban. David Carradine se déplace à Paris pour travailler le rôle de Leto. Amanda Lear sera Irulan, la fille de l'empereur. L'acteur qu'il veut le plus c'est Salvador Dali, pour interpréter l'Empereur fou.
" Dalí accepte avec beaucoup d'enthousiasme l'idée de jouer l'Empereur de la galaxie. Il veut filmer à Cadaquès et utiliser comme trône un W.C composé de deux dauphins entrecroisés. Les queues formeront les pieds et les deux bouches ouvertes serviront l'une à recevoir le « pipi «, l'autre à recevoir le « caca «. Dalí pense que c'est d'un horrible mauvais goût que de mêler le « pipi » et le « caca ». Il veut choisir sa cour parmi ses amis, veut dire ce qu'il veut. Je lui demande s'il est prêt à montrer son sexe et son anus et lui me dit que non et qu'il voudrait être doublé, qu'il veut seulement qu'on le voie assis. Il ne veut pas être dirigé (mis en scène). Il veut faire ce qu'il veut. Je lui demande : « Si j'étais un riche propriétaire et que je disais de me peindre ce que vous vous voudriez mais dans une forme de tableau octogonale, vous le feriez ? » Dalí : « Oui » . Moi : « Alors, c'est possible de travailler ensemble, je vous dirigerai en vous posant des questions (la forme) et vous me répondrez comme vous voulez avec des actions ». Dalí accepte. Moi, je pense que la bataille va être formidable. Il va falloir que je trouve des questions qui ont une seule réponse. Et aussi, il va falloir que je prévoie ses réponses comme dans une partie d'échecs. L'idée d'un jeu pareil me semble authentiquement surréaliste et je suis plus que jamais prêt à travailler avec le peintre. Un cinéaste qui a fait un film pour la T.V avec Dalí me dit qu'il est imprévisible jusqu'au point de choisir pour être filmé des coins obscurs malgré que l'ont ait passé toute la journée à éclairer des décors où il refuse au dernier moment de mettre les pieds. Ça me donne l'idée d'éclairer le jour du tournage avec Dalí non seulement le décor, mais aussi les couloirs, les waters, les toits, tout. Si je n'ai pas de coins sombres, cette bataille sera gagnée. Je voudrais faire aussi faire une poupée en polyéthylène, sa réplique, pour l'utiliser comme son double dans le film.. Je médite longuement et je prends cette décision finale : je réduis le rôle de Dalí à une page et demie du script. J'accepte son prix, 100 000 dollars l'heure, mais je ne le prends que pour une seule heure. Le reste, je le filmerai avec son double robot. Je lui donne la petite page et demie, et Dalí accepte la proposition parce que son honneur est sauf. Il sera l'acteur le plus cher payé dans l'histoire du cinéma."