Entretien avec Coralie David
Responsable romans chez black Book Editions...

A la base éditeur de jeux de rôle, Black Book Editions a ouvert, en parrallèle de ses publications ludiques, plusieurs collections de romans. Majoritairement rattachés à ses gammes à succès (Pathfinder, Polaris, Earthdawn, shadowrun), il sont toutefois complétés par la collection A Dé couvert, romans non issus d'univers de jeux de rôles, mais baignant dans des atmosphères chères aux amateurs d'univers imaginaires.

 

SFU : Pour commencer, pouvez-vous vous présenter, nous décrire votre parcours et nous dire quelle est votre fonction chez Black Book Edition ?

Coralie David : Je pratique le jeu de rôle sur table depuis près de dix ans, avec un rythme très intensif les sept premières années (ah, les belles années de la fac...). Au départ, le jeu de rôle est pour moi une sacrée claque, une véritable "expérience de la fiction", si vous me pardonnez cette expression pompeuse, un univers partagé avec des amis, qui apparaît sans limites. J'ai également consacré mon mémoire de master 1 en littérature comparée (disponible sur le Grog) et mon master 2 pro des métiers de l'édition aux jeux de rôle. Depuis un an, j'ai entamé une thèse en littérature comparée sur le sujet à Paris 13, parallèlement à mon activité chez Black Book Éditions, où je m'occupe des romans. Ma tâche est néanmoins variable selon les collections : pour Polaris, je retravaille les textes avec Philippe Tessier, les corrige, m'occupe des relations avec nos diffuseurs-distributeurs, la presse et les libraires. Pour les traductions (Earthdawn, Shadowrun, Pathfinder), il m'arrive de faire les relectures mais ce n'est pas systématique. Pour la collection À dé couvert, mon champ d'action est plus étendu : lecture des manuscrits, choix des textes avec David [NdR : Burckle, gérant de Black Book Editions], réécriture littéraire avec les auteurs, correction orthographique, typographique, mise en page, recherche et relation illustrateurs, diffusion et distribution, presse et libraires...

SFU : Black Book Edition est à l'origine un éditeur de jeux de rôle. Pourquoi se mettre à la publication de roman ?

Coralie David : Ah, la question qui tue... Eh bien je pense qu'au départ, il y a une volonté de mettre en avant le fait qu'un univers de jeu de rôle est une véritable création qui peut tout à fait dépasser les cadres du jeu pour devenir ceux d'une narration plus classique. C'est aussi une manière simple et agréable pour les joueurs de s'immerger dans les backgrounds particulièrement denses, où la transmission d'informations peut parfois être fastidieuse. Et du côté des auteurs, sans parler pour eux, j'imagine que c'est pour eux un moyen de donner leur propre lecture de l'univers du jeu, ce qui est toujours enrichissant pour un joueur : le même cadre, qui lui est familier, est vu sous un autre angle, selon la vision qu'en a l'écrivain.

Pour À dé couvert, qui est une collection à laquelle je pense depuis un moment, mon objectif avoué est de montrer qu'il y a un lien, à de nombreux niveaux, entre les jeux de rôle et les littératures de l'imaginaire en France, bien au-delà des romans à licences. En aval ou en amont, ce sont deux sphères qui ont de nombreux mouvements d'influence. Beaucoup de critiques s'accordent à dire que la fantasy "à la française" commence en grande partie avec Mathieu Gaborit. Pour certains, ces origines rolistiques sont un peu honteuses, on les dit mal perçues en librairie générale. Au contraire, cette collection assume cette influence et en fait même la base de son identité : le ludique n'entre pas systématiquement en conflit avec l'élaboration d'une fiction de qualité. Alors, quoi de mieux qu'une maison d'édition de jeux de rôle pour mettre en place une telle collection ? Aujourd'hui, les jeux de rôle sont rencardés à la marge de la culture geek, on entend crier sur tous les toits leur fin annoncée... depuis déjà des années. Pourtant, les jeux de rôle influencent, dans l'ombre, nombre d'œuvres grand public : les jeux vidéo du genre RPG ou MMORPG, Steven Spielberg ou Quentin Tarantino sont rôlistes... Mais désolée, je m'égare un peu.

 

SFU : Au sein des diverses collections, on peut trouver du livre de poche comme du livre grand format, des textes français comme des traductions, des récits originaux comme de nouvelles éditions de romans déjà parus. Quelle est la ligne éditoriale de Black Book Edition ?

Coralie David : La ligne éditoriale des romans n'est pas définie par des formats stricts, pour une raison bien simple : nous pensons que ce sont les formats qui doivent s'adapter aux œuvres et pas le contraire. La ligne éditoriale des collections de jeux de rôle est définie par l'univers du dit jeu, et celle d'À dé couvert par ses liens plus ou moins ténus avec les jeux de rôle. Les rééditions sont en livre de poche, ce qui est logique puisqu'une version grand format a précédé. Les rééditions répondent à une double exigence, celle de redonner de la visibilité à un titre qui, selon nous, le mérite, et à harmoniser les collections, ce qui est par exemple le cas pour la collection Polaris, où les cycles sont très liés d'un point de vue narratif.

Les traductions des romans des collections de jeux sont également en poche, tout simplement pour une question de positionnement en librairies, qui sont plus habituées à du poche pour ce type d'ouvrage. Les grands formats sont réservés aux inédits. Si À dé couvert se concentre pour l'instant sur des auteurs français ou francophones, les collections liées aux jeux comportent tout simplement des traductions parce que certains jeux sont mondialement connus, et qu'auteurs français comme étrangers investissent ces univers. Chrome et Magie, notre premier titre Shadowrun, est un recueil de nouvelles qui illustre parfaitement cette notion : certaines nouvelles sont écrites par des "stars" américaines du jeu, et d'autres, inédites, par des auteurs français. Ainsi, ces points de vue multiples permettent de voir différentes facettes de cet univers incroyablement riche.

Dans le même ordre d'idées, les formats littéraires et narratifs sont libres : nouvelles, romans "one-shot", cycles en plusieurs volumes... Les collections ne sont pas là pour "enfermer" les auteurs dans des schémas qu'ils n'auraient pas choisis, mais pour leur permettre d'accueillir au mieux les formes qu'eux ont déterminées pour raconter leur histoire. Idem pour les genres, si ce sont la fantasy, la science-fiction et le fantastique qui dominent, il n'y a pas de limites définies et restrictives pour ceux de l'imaginaire.

SFU : Le choix des publications se déroule de quelle manière ?

Coralie David : Pour les collections liées aux jeux de rôle, je ne m'occupe pas des choix des textes en eux-mêmes, ce choix est fait par les directeurs respectifs des gammes de chaque jeu. Pour À dé couvert, mon but est de rester cohérente avec l'identité de la collection : je privilégie les univers immersifs, riches et cohérents selon leurs propres lois, et des structures narratives un minimum fouillées et originales. Mais il est difficile de donner une grille d'exigences précise : il y a une part d'instinct et de plaisir de lecture.

 

SFU : Quel est le rythme de parution prévu des romans ?

Coralie David : Nous espérons prendre un rythme de croisière de un à deux romans par mois : il serait difficile de prétendre à plus dans l'état actuel des choses, surtout si je veux continuer à lire les manuscrits que l'on m'envoie (mais sans engagement sur les délais) et à m'occuper de chaque livre correctement.

SFU : Peut-on trouver les romans de Black Book Edition dans le circuit de distribution classique ?

Coralie David : Tout à fait, nous sommes distribués par Les Belles Lettres, aussi bien en Fnac qu'en librairie généraliste et spécialisée que sur Internet (Amazon, etc.). De plus les bouquins peuvent être commandés chez les libraires qui travaillent avec notre distributeur. Il était important que la collection soit distribuée dans le circuit "classique" du livre, afin qu'elle ait la visibilité suffisante pour rencontrer ses lecteurs.

 

SFU : Quelles sont les futures publications prévues ?

Coralie David : Ah ah, le premier recueil de nouvelles Shadowrun [NdR : Chrome et Magie] pointe son nez, en janvier on devrait voir arriver la suite du Dit de Cythèle, le premier roman Pathfinder [NdR : Le prince des loups], Philippe Tessier avec ou sans Polaris, est un auteur que nous sommes ravis d'accueillir, Jacques Martel, qui a publié ses deux premiers romans de fantasy chez Mnémos, et débarque avec un roman de science-fiction au pavillon noir...

SFU : Une question piège pour finir : de tous les romans publiés par Black Book Edition, quel est votre préféré ?

Coralie David : En effet, voilà un terrain bien glissant (rires). J'ai une affection particulière pour Changelins : Evolution, parce que c'est le premier roman de la collection, et que c'est sans doute celui où j'ai le plus travaillé avec l'auteure. Après, les Les Loups d'Uriam (tome 1 des Les chroniques de Tire d'Aile) a été un enchantement, car j'ai retrouvé tout le talent démiurgique de Philippe Tessier au-dessus de la surface de l'eau, dans un genre très différent de Polaris. Quand à La Ronde des vies éternelles, c'est un livre que j'avais lu avant, lors de sa première édition chez Nestiveqnen, et qui m'avait énormément plu pour son style et sa noirceur, la touche de l'auteur rôliste dans un roman original. Pour être honnête,  c'est peut-être celui dont l'intrigue m'a le plus tenue en haleine. Enfin, j'aime ce que fait Estelle Valls de Gomis depuis des années, en déplorant que ses œuvres ne soient pas diffusées plus largement... Ses influences diverses rendent son écriture et ses ambiances assez spéciales, je trouve. Et voilà, en plein dans le piège, je crois que je ne pouvais pas faire de réponse plus démagogique et impartiale ! (rires)

 

Voulez-vous en savoir plus .

Le site officiel de Black Book Editions

La fiche SFU de Black Book Editions

La critique de Changelin Evolutions

La critique des Gentlemen de l'Etrange

Auteur : Vincent L.
Publié le samedi 29 janvier 2011 à 19h00

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