Comprendre l'espace > Les aurores boréales

Introduction

Les aurores polaires, spécialement appelées aurores boréales ou australes, selon qu’on les observe dans l’un ou l’autre hémisphère, sont assurément le plus beau phénomène que nous offre la nature : leurs formes variées, leurs colorations intenses, leurs transformations rapides et leurs apparitions imprévues ont, de tout temps, excité l’attention de la foute, tandis que leur nature mystérieuse et les relations qui paraissent les rattacher au magnétisme terrestre ou à certains phénomènes cosmiques attiraient les recherches du savant. Bien que ce soit un phénomène assez rare dans des régions aussi méridionales que les rives de la Méditerranée, l’aurore boréale était connue des anciens ; elle fut assez bien observée par Aristote, Cicéron, et surtout par Pline le naturaliste. Gassendi, en 1621, employa le nom d’aurore boréale, car on en avait point encore observé dans l’hémisphère Sud ; depuis ses observations et celles de Cassini, Rœmer, l’aurore boréale, au moins dans les classes instruites, cessa d’être considéré comme un phénomène surnaturel.

Forme et aspect

Les aurores peuvent se diviser en deux grandes catégories : celles qui sont immobiles, ou tout au moins dont les diverses parties conservent relativement la même position et la même intensité ; celles au contraire, dont la forme et l’éclat subissent d’incessantes et rapides variations. Dans la première catégorie, on doit ranger les aurores en lueurs faibles, à formes mal définie, souvent confondues avec le crépuscule, ou masquées par l’éclat de la lune, et dont l’observation exacte est, en somme, malaisée. L’aurore que l’on observe le plus fréquemment en France est une lueur plus nette, sous forme de tâche ou de fumée blanche, jaune ou verdâtre, plus rarement d’un rose violacé ; on la confond souvent avec les nuages élevés appelés cirrus, constitués de fines aiguilles de glace. Enfin, l’aurore peut se manifester par des arcs lumineux circulaires ou elliptiques, concentriques, de structure sensiblement homogène, assez peu élevés, de sorte que leur centre sous toujours sensiblement au dessous de l’horizon. Pendant le célèbre hivernage de la Véga, en 1878-1879, le professeur Nordenskjœld a observé un grand nombre d’aurores de cette forme, assez stables parfois pour persister pendant plusieurs jours. La seconde catégorie, celle des aurores variables, dérive de la première par degrés insensibles. Les arcs, au lieu d’être homogènes, sont alors formés de fibres ou rayons lumineux, dirigés perpendiculairement à la longueur de l’arc, plus larges que les stries obscures qui les séparent, nettement limités à leur partie inférieure, tandis qu’ils vont, en s’estompant, vers un point voisin du zénith magnétique. Leur forme varie assez rapidement ; outre les systèmes composés d’arcs, on peut observer l’image d’une colonne, d’un dôme, d’une guirlande, d’une couronne, d’un éventail. Les formes les plus complexes, dites aurores en draperies, peuvent effectivement rappeler l’aspect d’une étoffe agitée par le vent, d’un ruban, plusieurs nappes semblant s’enrouler ou se replier les unes sur les autres : ce sont d’ailleurs les plus belles.

Caractères physiques

Quand l’aurore est colorée, le rouge se trouve à l’extrémité inférieure des rayons, et le vert à la partie supérieure, séparés par une teinte jaune qui disparaît parfois. On observe d’ailleurs fréquemment des rayons isolés entièrement rouges, tandis que l’on ne connaît qu’une seule apparition de rayon complètement vert. L’illumination que produit une aurore polaire n’est, d’ailleurs, pas très considérable, et dépasse rarement celle que fournit la lune à son premier quartier ; de plus, les étoiles importantes restent visibles à travers les lueurs. Enfin, la lumière de l’aurore n’est due à aucun phénomène de réflexion ou de réfraction ; dès 1817, Biot ne pouvait y trouver la moindre trace de polarisation : l’aurore est donc lumineuse par elle-même, notion importante confirmée par les intéressantes recherches d’analyse spectrale.

Théorie des aurores

Le Soleil, grâce à l’effet de la pression de radiation, lance dans l’espace les poussières microscopiques venant de ses formidables éruptions et que la pression susdite chasse loin de l’astre. Ces poussières sont électrisées négativement. Une partie d’entre elles parvient jusqu’à l’atmosphère terrestre dont elle pénètre d’abord les couches supérieures, où la pression est très faible, comme dans un tube de Crookes. Mais la terre présente deux pôles magnétiques : c’est donc en s’infléchissant vers ces pôles que les poussières atteindront la surface terrestre, en s’orientant autour d’eux suivant des lignes vaguement circulaires et concentriques appelées lignes isochasmes. L’arrivée de ces poussières modifiera donc le magnétisme terrestre aux époques où elle se fera avec le plus d’intensité, c’est-à-dire aux époques du rayonnement maximum du soleil, caractérisées par un maximum du nombre de ses tâches. Cette modification se traduit par un affolement des aiguilles des boussoles. Mais, en même temps, en rencontrant les couches élevées de l’air, elles y provoqueront une luminescence, comme la décharge rend lumineux le gaz raréfié d’un tube de Crookes. C’est cette luminescence qui est l’origine des aurores polaires, si longtemps inexpliquées et dont Arrhénius a donné la théorie ci-dessus. Les professeur Birkeland les a reproduites artificiellement, dans de belles expériences de laboratoire. Il a figuré la terre par une sphère d’acier aimanté recouverte d’un enduit fluorescent, et il a exposé cette sphère à l’action de rayons cathodiques, dans un récipient où l’on pouvait faire un vide progressif : le savant norvégien a pu ainsi reproduire toutes les particularités observées dans les aurores. Cette expérience est d’autant plus remarquable que les rayons cathodiques sont, d’après les théories des physiciens actuels, formés de particules chargées négativement. La théorie est confirmée par ce fait que le monde des aurores est maximum tous les onze ans et demi ; or, cette période est la même que celle du maximum du nombre de tâches solaires.