Critique Savage Worlds [2013]

Avis critique rédigé par Vincent L. le lundi 10 juillet 2017 à 15h00

Fast, fun and furious...

Il existe deux grands types de systèmes de règle dans le jeu de rôle : ceux dit "dédiés", qui sont conçus pour fonctionner avec un jeu donné, et ceux dit "génériques", qui peuvent s'utiliser avec n'importe quel type d'univers. La différenciation est loin d'être anecdotique car elle correspond à des philosophies ludiques différentes, chacune possédant ses avantages et ses défauts, ainsi que ses défenseurs et ses détracteurs. Et si les systèmes dédiés ont toujours été quantitativement plus nombreux, la parution de génériques a toujours existé, du premier jeu de rôle (Donjons & Dragons, qui permettait de jouer dans tous les univers fantasy) à ceux devenus "cultes" avec les années (Basic RolePlayingGURPSMega, TORGSimulacres, DK System, Open D6FATE,...).

Ces dernières années, l'un de ces systèmes génériques a réussi à se démarquer pour devenir un incontournables du jeu de rôle : Savage Worlds (SaWo pour les intimes). Publié par Great White Games en 2003, et traduit et édité par Black Book Editions en 2013, SaWo est aux années 2010 ce que GURPS était aux années 90 : le jeu qui semble pouvoir permettre de jouer à tous les jeux. Issu des mécaniques du jeu de figurines Great Rail Wars (elles même adaptées des règles de la première édition Deadlands), SaWo a vu sa popularité s'accroître suite à la parution d'excellents settings (citons les célèbres Rippers ou Necessary Evil, bizarrement jamais traduits en français) et de deux gros succès du jeu de rôle : d'une part Deadlands reloaded en 2006, d'autre part Achtung ! Cthulhu en 2013. 

Riche des nombreux univers proposés (tant en anglais qu'en français), Savage Worlds est aujourd’hui un système générique proposant une quantité incroyable de matériel, tout en étant toujours en développement (Rippers pourrait être proposé en VF d'ici 2018). Le site Savage.torgan regorge par exemple de scénarios et d'adaptation d'univers, le tout en libre téléchargement. De l’aventure one-shot façon Indiana Jones aux aides de jeux des gammes officielles, il y en a pour tous les goûts. A condition, bien sûr, d’aimer le genre. ​

Savage Worlds est un système de règle vendu comme étant "fast, fun & furious". Il se veut ainsi facile à comprendre et à prendre en main (fast), amusant et stratégique dans son utilisation (fun) et adapté à un style action (furious). Sa mécanique s'appuie beaucoup sur la variété du matériel nécessaire à le faire jouer : des dés de toutes les sortes (du D4 au D20), des jeux de cartes classiques et des jetons (tout deux issus de l'influence western de Deadlands). Des accessoires optionnels peuvent également amener du matériel supplémentaire, à l'instar de cartes "bonus" qui vont donner quelques capacités uniques aux personnages. Cela donne à SaWo un petit cachet bordélique très plaisant : les tables sont pleines de matos et ne ressemblent pas à ce que l'on voit habituellement pendant les parties de jeu de rôle.

Cette considération matérielle écartée, que vaut le système de jeu de Savage Worlds ? Et bien la réponse ne fait pas l'unanimité à la rédaction de Scifi-Universe. D'une manière générale, on s'accorde tout de même à dire que Savage Worlds est un système clairement orienté action/aventure, c'est à dire qu'il n'est pas adapté pour motoriser des styles de parties qui placeraient cette dimension au second plan. SaWo n'est donc pas un générique pur et dur, car ses règles ne permettent pas de soutenir (par exemple) une ambiance horreur ou des aventures orientées enquête. Ceci dit, reconnaissons que le jeu ne ment pas sur cet aspect, le "fast, fun & furious" évoquant clairement un système de combat dynamique. Pour le reste, et bien, les conclusions sont contrastées. On vous laisse donc vous faire votre avis...

Contre : un système bancal (Vincent L.)

Savage Worlds est un système ludiste dans la plus pure tradition du genre : il s'appuie sur une mécanique proposant aux joueurs de mettre en place différentes options stratégiques. On ne fait donc pas que lancer les dés pour voir qui tape et qui encaisse, il faut bien appréhender les dangers du combat pour mettre en place une tactique, à défaut de quoi la dérouillée peut être sévère (SaWo est un jeu orienté action, certes, mais où les héros sont loin d'être increvables). Ces options stratégiques existent à différents moments du jeu, de la création et l'expérience (qui permettent d'affecter des valeurs de dés ou de bonus aux compétences) au combat proprement dit (avec l'utilisation des jetons). Le système tend d'ailleurs à conseiller l'utilisation de figurines pour simuler le combat (le livre de base propose d'ailleurs des gabarits).

Sur le principe, c'est très cool, mais en pratique, ça ne fonctionne pas vraiment, la faute à un système plus que bancal. Il est par exemple parfois plus avantageux d'avoir un dé de faible valeur, alors même que la philosophie du système incite à augmenter son "type" de dés. A titre d'exemple, lorsqu'un personnage passe du D4 au D6 (donc quand il monte en expérience), il devient paradoxalement moins fort (ses probabilités de succès sont moindres). Pour rééquilibrer tout cela, les personnages possèdent un dé "joker" qu'ils lancent en doublon avec leur dé habituel, une béquille qui, certes, compense les choses du strict point de vue statistique, mais qui donne également une impression assez désagréable : "quand tu es fort, tu es fort, et quand tu es faible, et bien, tu es fort quand même".

Cela confère à SaWo un côté très aléatoire qui s'accorde mal avec ses ambitions ludistes. Finalement, il n'y a pas vraiment de côté stratégique : le jeu ne se base que sur la chance (outre le dé "joker", les jetons servent également à relancer des jets). Oubliez la répartition tactique des points entre caractéristiques et compétences (il n'y a qu'une seule voix vraiment viable : prendre +2) ou le placement stratégique (pour le coup, les figurines et les gabarits sont inutiles), SaWo ne demande qu'à jeter des dés en priant pour faire le score maximum. Si cette optique de jeu n'est pas forcément désagréable (comme dans tout jeu où l'aléatoire est roi, les résultats des dés peuvent provoquer des situations amusantes), elle est malheureusement très éloignée des promesses de départ. Fast, parfois Fun, mais quand même pas super Furious.

Pour : Ce générique, c'est comme un automatique (Christophe H.)

Savage Worlds s’adapte avant tout à un style de jeu. Dans Fast, Fun and Furious, il ne faut pas négliger le dernier terme car c’est l’élément autour duquel tout le système prend forme. En effet, en dehors des considérations purement mathématiques, Savage Worlds permet et, surtout, incite à tenter des actions de manière très cinématographique. Et les univers qui l’utilisent sont pensés dans cette optique-là : du cow-boy qui tire sur une horde de zombies en plongeant derrière un abreuvoir en passant par un Space Marine affrontant une horde Xénos dans les ruines d’une planète oubliée, ou bien un barbare au corps noueux et enduit d’huile se jetant sur un sorcier invoquant un démon d’ancien temps, tous ont pour point commun une montée du danger rapide où les joueurs doivent répondre de manière instinctive, presque "codifiée" par le côté Pulp.

SaWo répond complètement à ces critères. Alors il est vrai que pour un jeu basé sur de l’enquête classique, il faudra privilégier un système différent : ici, le but est de générer des résolutions rapides et efficaces pour enchainer les actions sans s'encombrer de détails. Pour ce faire, Savage Worlds est un système violent dans lequel les PNJ "de base" (non Joker) sont suffisamment fragiles pour éviter qu'ils prennent une place qui ne leur est pas dûe (ils sont surtout là pour apporter la menace de la masse). Les adversaires plus redoutables (baptisés Joker) seront, eux, d’un autre calibre pour les joueurs. Pour gagner en fluidité et en immersion, j’ai pris le parti de jouer sans cartes ni figurines (ce qui m’arrange, je l’avoue), ces derniers n’étant vraiment qu’optionnels.

Revenons enfin sur ce qui ressort souvent comme un point négatif : l’évolution des dés. Au fur et à mesure des aventures, les personnages vont avoir la possibilité de gagner de l’expérience, celle-ci pouvant être concrétisé par un changement de dé. Il est vrai qu’un personnage utilisant un dé 8 plutôt qu’un dé 6 aura davantage de  difficulté à réaliser un succès critique (ici appelé "relance"), mais cela augmentera de façon non négligeable sa capacité à réussir une action. Le D6 supplémentaire permet de plus de garder une valeur stable quant à la réalisation d’un critique. De toute façon, SaWo est peu adapté aux jeux de longue haleine et/ou aux campagnes interminables. Les formats les plus optimum restent la succession de one-shot, voire à la rigueur la campagne courte, bref, des formats où l'évolution des personnages n'a pas une grande importance.

La conclusion de à propos du Jeu de rôle : Savage Worlds [2013]

Auteur Vincent L.
65

Savage Worlds est-il à la hauteur de sa réputation ? La question est loin de faire l'unanimité au sein de la rédaction de Scifi-Universe, car si la mécanique de jeu proposée par Shane Hensley bénéficie de qualités indéniables (notamment dans sa simplicité d'apprentissage et d'utilisation), elle souffre également de faiblesses plus ou moins bloquantes en fonction des attentes et des façons de jouer. En cela, bien qu'il s'agisse d'un système générique, Savage Worlds n'est adapté ni à tous les joueurs, ni à tous les jeux. A vous de déterminer, maintenant, à quoi vous jouez ainsi que ce que vous en attendez...

Vincent L. : 50%
Christophe H. : 80%

On a aimé

  • Un système simple et accessible,
  • Une gestion de l'action efficace,
  • Utilisé dans de nombreux univers, avec énormément de matériel à disposition.

On a moins bien aimé

  • Un système qui ne tient pas ses promesses de départ,
  • Un générique pas adapté à tous les jeux.

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