Critique Leçons du monde fluctuant [2007]

Avis critique rédigé par Manu B. le lundi 13 août 2007 à 09h12

Alice revisitée

"La mer était agitée en ce début de mois d'avril. Elle crachait ses embruns jusque sur les vitres du train Oxford/Sandown, y dessinant des mouettes laiteuses et floues..."
C'est en 1864 que Charles Lutwidge Dodgson est professeur de mathématiques à Oxford dans l'ultra conservatrice monarchie Victorienne. Il est aussi photographe à ses heures. Une passion dont l'objet tourne souvent autour des jeunes sujets, et plus particulièrement les petites filles. Ce qui n'est pas du goût des Liddells, puisque Charles passe beaucoup trop de temps avec leurs filles, dont la jeune Alice. Il est prié de s'embarquer pour l'île de Novascholastica, flanqué du noir précepteur Jab Renwick, pour officieusement se débarrasser de ses lubies, alors que son inquiétant partenaire a, lui, une tout autre mission. Il faut dire que, sur Novascholastica, les morts ne vont plus jusqu'au bout du chemin de Lankolong et s'arrêtent à l'auberge de Lulunruntu. Tout comme Kematia...
Jérôme Noirez est une étoile récente dans le ciel de la fantasy française. Non pas qu'il écrit depuis peu, mais ses premiers textes publiés ont été tout de suite très remarqués. Il est l'auteur de Féerie pour les ténèbres (éditions Nestivequen), nominé au prix Imaginales 2005 et au prix Merlin 2006, les nuits vénéneuses (éditions Nestivequen), le tome 2 de la trilogie, nominé au grand prix de l'imaginaire 2006, et Encyclopédie des fantômes et des fantasmes (éditions de l'Oxymore). La parution de ce roman, leçons du monde fluctuant, dans la collection Lunes d'encre de Denoël est son quatrième roman. Cinquième, en fait puisqu'il a écrit aussi de la littérature pour enfants: Tout froissé (éditions Sarbacane). Son genre de prédilection est la fantasy, qu'il aime mélanger avec le fantastique et l'horreur.
Dans leçons du monde fluctuant, Jérôme Noirez, qui aime les monstres (A lire son ITW dans les Chroniques de l'imaginaire), fait une légère incartade dans un genre à mi-chemin entre la fantasy et le roman historique. Fantasy car il revisite le conte Alice au pays des merveilles, et historique puisqu'il inclut dans cette histoire Charles Lutwidge Dodgson, dont le nom de plume n'est autre que Lewis Carroll. L'auteur français imagine donc un monde où cohabitent, dans une certaine mesure, personnages de conte et personnes historiques. C'est d'ailleurs avec un grand souci d'exactitude que l'on suit le départ de Dodgson du sol britannique pour, entre autres, échapper à ses penchants que certains jugent déplacés: la photographie de jeunes filles -la plus célèbre étant Alice Liddell-. C'est ce même Dodgson, bègue et pourtant brillant mathématicien, qui aime imaginer des histoires pour émerveiller les jeunes filles, cet éternel enfant qui sera donc envoyé sur l'île de Novascholastica. Et c'est là que l'histoire fait place à l'imagination débordante de Noirez. Car Dodgson rencontre le noir précepteur, un personnage qu'on aurait pu trouver aux côtés d'un Mr Croup dans Neverwhere de Neil Gaiman. Sur l'île se trouve la jeune Kematia, membre du peuple Empewo (signifiant air en Luganda), une Alice indigène, accompagnée d'un "chien" de toile, et Jérôme Noirez lui fait rencontrer les personnages de Carroll, mais sous une nouvelle forme, tels que lapin blanc, le Ver à soie, les Twideuldie et Twideuldeume.
Outre le fait que ces personnages font partie de l'histoire, il ne s'agit pour autant pas de raconter une nouvelle fois Alice, car l'intrigue prend rapidement un tour original. C'est là que réside le talent de l'auteur: il réussit à rendre hommage à Lewis Carroll tout en racontant sa propre histoire. Sur le fond et sur la forme, il respecte complètement l'oeuvre originale en misant sur le nonsens et le surréalisme, et cette façon de refuser toute logique dans ce monde de Lankolong. Un refus de la logique qui montre à quel point le professeur de mathématique Dodgson est complexe et contradictoire. D'autant que Noirez jalonne son roman des devinettes à l’instar du conte original, jeux de mots (et syllogismes -voire sophisme- dans la joute verbale de Dodgson et Renwick sur le bateau). Il respecte également la critique contre l'establishment (l'Educaume, la Divine Scholastique), la volonté de fer d'éduquer les jeunes à coups de trique. Mission accomplie sur le fond. Mais aussi sur la forme puisque l'écrivain français écrit bien, jouant avec les mots tel un adroit jongleur.
Leçons du monde fluctuant est au final donc un hommage brillant à l'oeuvre et la vie de Lewis carroll. Jérôme Noirez est à coup sûr un auteur à suivre ces prochaines années.
Juste pour le fun, visitez le site truculent de ce trublion de l'imaginaire français: http://perso.orange.fr/cocalos/

La conclusion de à propos du Roman : Leçons du monde fluctuant [2007]

Auteur Manu B.
85

Jerôme Noirez revisite avec talent le conte d'Alice au pays des merveilles, non seulement sur le fond mais aussi sur la forme. C'est un brillant hommage à Lewis Carroll, aka Charles Lutwidge Dodgson.

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