BIFFF 2018 : C'est dans ta tête ! (ou pas...)
Satan, des géants, des enfants morts, des bombes et un papy qui sucre les fraises...
Nouvelle journée de ce BIFFF 2018, qui se rapproche doucement mais sûrement de sa clôture, dimanche prochain. Ca a été une journée chargée puisqu'après une interview de Guillermo Del Toro (oui, oui, qu'on espère mettre en ligne très rapidement), on a enchaîné les films comme de bns stakhanovistes dévoués à notre tâche. Et si certaines projections se sont avérées décevants, d'autres nous ont au contraire énormément plu !
Chasseuse de géants
Chasseuse de géants arrive un peu en troisième roue du carrosse après les récents Quelques minutes après minuit et La 9ème vie de Louis Drax, Le film est pourtant tiré d'un roman graphique de Joe Kelly et J. M. Ken Niimura, édité chez Image Comics en 2008. Comme quoi, difficile de dire qui a inspiré quoi, ou comment une même thématique est abordée dans un temps assez restreint.
Barbara est une adolescente solitaire apparaissante comme différente des autres, et en conflit permanent avec son entourage. Ses journées au collège sont rythmées par les allers-retours entre le bureau du proviseur et la psychologue. Aux sources de l’inquiétude des adultes qui veillent sur elle, il y a son obsession pour les Géants, des créatures fantastiques venues d’un autre monde pour semer le chaos. Armée de son marteau légendaire, Barbara s’embarque dans un combat épique pour les empêcher d’envahir le monde…
Si on met de côté le qui s'inspire de qui et comment se fait-il qu'un sujet similaire soit traité trois fois dans un lapse de temps de deux ans, le film réalisé par Anders Walter n'a rien de déshonorant et se montre tout aussi réussi que celui de Alexandre Aja (mais quand même, un poil en-dessous de celui de Juan Antonio Bayona). L'émotion autour des personnages fonctionne bien, la petite Madison Wolfe dans son rôle de gamine à la bonne bouille en mode renfermé est très crédible, et Zoe Saldana s'offre un rôle loin de ce qui a fait son succès. La réalisation est soignée tout comme la photographie.
Il n’y aurait pas grand-chose à reprocher à ce Chasseuse de géants, si ce n'est que parfois ça manque un peu de rythme et que l'aspect "imagination de l'enfant" apparaît réduit, surtout par rapport à l'enfermement psychologique qui nous est décrit. On aurait aimé aussi par moment plus de féérie. Des petits éléments qui auraient permis à un film assez réussi d'aller encore plus haut dans notre enthousiasme, même si le fait d'avoir vu déjà les deux précédemment cités doit jouer aussi un peu dans ce manque.
Vincent L. : 5/10
Luciferina
Je vous ait déjà dit que je n'aimais pas les films de possession ? Ah oui, je vous l'ai déjà dit mardi... Je pensais en avoir fini avec pour cette cuvée 2018 du BIFFF, déjà très riche en film de ce genre, mais je me trompais. Il faut dire qu'avec un titre comme ça, il ne pouvait en être autrement : Luciferina est bel et bien un nouveau film de possession. Enfin, disons plutôt "un autre" film de possession, parce qu'en termes de nouveautés, c'est zéro !
Natalia est un enfant né d'un rituel satanique. Elevée dans un couvent (comme tout bon enfant gentil né d'un rituel satanique), elle a jusqu'ici été protégée de son obscur passé. Mais le suicide de sa mère va l'obliger à se confronter à ses obscures origines. Pour échapper au Malin, il va falloir qu'elle découvre quel nom ce dernier lui a donné (indice : c'est le titre du film)... Au programme de Luciferina : des humains possédés qui changent de voix, des cercles de protections, des vieilles mystérieuses qui savent des choses mystérieuses et qui s'expriment mystérieusement, des exorcismes, du blablapipot religieux... Bref, la totale du cahier des charges de ce genre de production.
Et le pire, c'est que ça dure longtemps. Près de deux heures de métrage pour raconter un truc archi-convenu, aligner des péripéties ultra-attendues, et surtout, surtout, ne rien faire d'original, ce n'est pas possible. Luciferina est un calvaire à regarder, qui peut certes être moins pénible quand on est client du genre, mais qui n'en reste pas moins médiocre. Et le pire, c'est que c'est le premier volet d'un triptique appelé La trinité des vierges. Joie...
Richard B. : 3/10
Tigers are not afraid
Venue présenter son film au BIFFF, la réalisatrice Issa Lopez a annoncé au public que son prochain film serait produit par Guillermo Del Toro. Classe ! Et quand la projection de Tigers are not afraid s'est terminée, on a compris pourquoi le metteur en scène mexicain avait décidé de prendre la jeune femme sous son aile. Toutes proportions gardées, Tigers are not afraid est au trafic de drogue ce que Le Labyrinthe de Pan était à la guerre civile espagnole : on retrouve dans les deux films la même approche du fantastique, la même utilisation du cinéma de genre pour traiter d'évènements réels.
Tigers are not afraid est une belle réussite, certes pas dénuée de défauts, mais dont les grandes qualités l'emportent largement au bout du compte. Le portrait fait de ces enfants, victimes collatérale de la guerre de la drogue, est d'une grande justesse. Il permet de dresser un constat social d'une grande dureté sur ce qui se passe au Mexique, et de permettre aux spectateurs de se rendre compte de ce qui se passe là-bas. Là-dessus, une touche de fantastique bien distillée permet de faire basculer le métrage dans le merveilleux et dans l'horreur. Le film est de plus servi par une distirbution impeccable, les jeunes comédiens étant particulièrement convaincants (et touchants) dans leurs rôles.
Techniquement, en revanche, ça ne casse vraiment pas des briques. Tigers are not afraid est esthétiquement quelconque, et le parti-pris de mise en scène "caméra sur l'épaule" n'est pas particulièrement convaincant. Globalement, le tout manque tout de même d'ampleur ; certes cela permet de renforcer le côté intimiste de cette bande de gosse, mais cela prive le film d'un côté "fresque". Tout cela n'est probablement dû qu'aux contraintes budgétaires, et cela ne nous fait de toute façon pas oublier qu'à son niveau, Tigers are not afraid est une belle réussite.
Richard B. : 8/10
Shockwave
Avec Shock Wave voilà le gros film d'action made in china, croisement entre Une journée en enfer, Speed et Blown away... Si vous êtes là pour la subtilité, passez votre chemin. Mais si vous voulez de la fusillade, du sacrifice et du "boum-boum", bienvenu !Cheung Choi-san (Andy Lau) est un expert en matière de bombe. Il y a sept ans, il s'est infiltré en devenant le protégé de Hung Kai-pang (Jiang Wu), un criminel recherché, lui aussi spécialisé dans l'explosif. Au cours d'un vol de coffre-fort, Cheung a révélé son identité secrète et, tout en se coordonnant avec la police, réussi à se débarrasser d'une bombe et faire arrêter la bande de criminels, à l'exception de Hung. Mais la vengeance sait attendre, et Hung a su prendre son temps avant de refaire surface en faisant d'abord joujou avec quelques bombes (pour tester les capacités de son adversaire), puis maintenant en bloquant tout un tunnel dans lequel se trouve un paquet de citoyens Hong-Kongais pris en otage. Hung, qui s'est surnommé "Blast", menace de faire exploser le tunnel si la police intervient, et de tuer des civils si son frère n'est pas sorti de prison. Evidemment, il insiste pour que Cheung soit son seul interlocuteur.
Courses poursuites, explosions, prise d'otages, fusillades, tout est donc là pour offrir aux spectateurs un divertissement haut de gamme mené au commande par un Herman Yau qui a déjà un cv bien rempli. En tête d'affiche, on retrouve la star Andy Lau (Infernal Affairs) et, en méchant de service, Jiang Wu (Monster Hunt) qui ne se ménage pas (même si on peut reprocher un excès de cabotinage). Il n’y a rien à redire sur la technique ou l'aspect divertissement de ce Shock Wave, il faut être difficile pour s'ennuyer si on recherche à voir un film d'action. Par contre, si on n'est pas adepte de gros violons, des émotions accentuées et des personnages stéréotypés, il est clair que ce film pourrait faire fuir, car le mot “subtilité” n’est clairement pas au programme. À vous de voir où se situe votre came, pour ma part je n'ai pas été déçu et j'ai eu sur un plateau ce que j'espérais voir, après oui, ne poussons pas trop loin la louange, Herman Yau est un parfait ouvrier du cinéma, mais il n'est pas John Woo ou Tsui Hark, la réalisation et efficace, mais n'a aucune personnalité ou folie à se risquer des choses. Texte et avis de Richar B. : 7/10
Memoir of a murderer
La journée c'est terminée par Memoir of a Murderer de Shin-yeon Won, qui entre dans la compétition “thriller” en mode challenger.Atteint d’Alzheimer, Byung-su vit désormais au jour le jour avec sa fille Eun-hee. Mais voilà qu'un tueur en série va réveiller en lui quelques vieilles émotions et souvenirs, car lui aussi, il y à de cela 17 ans, officiait en tant que spécialiste dans le domaine. Et rien de tel qu'un tueur pour reconnaitre un autre tueur. Sa route, ou plutôt sa voiture, va croiser celle de Tae-ju. Lee déclic est quasi imminent, d'autant que du sang coule du coffre de sa voiture. Chose qu'il laisserait aisément passer sans trop se préoccuper si Eun-hee n’était pas en âge d'être une de ces potentielles victimes. Byung-su va donc devoir mener son enquête avec sa maladie, ses instincts qui se réveillent face à un tueur en série qui a pour particularité d'être agent de police et, cerise sur le gâteau, le petit copain de sa fille.
Ton volontairement décalé entre meurtre, humour (noir) et émotion, voilà une spécialité que le cinéma coréen semble maitriser. Memoir of a Murderer de Shin-yeon Won ne fait pas exception et, pendant une grosse partie du film, fait mouche. Scénario ingénieux, personnages excentriques, rythme parfaitement orchestré (sur toute la première partie, voir un peu plus), pendant un long moment, il a tout du film parfait, digne héritier d'un Memories of a Murder ou d'un The chaser, tout en étant totalement différent et en proposant une intrigue qui respire bien le neuf. Le problème c'est que sur les trente dernières minutes, ça décroche : trop de rebondissements tuent le rebondissement, la fin semble jamais vraiment arriver et le rythme se met à en souffrir assez gravement (et pourtant les trois quarts du film sont passés). Attention, ce n'est pas que le film devienne raté, ça reste sur le fond une belle réussite et il a tout pour marquer et être considéré, mais il n’arrive pas à atteindre cette perfection espérée et, surtout, il devient longuet, ce qui est pas forcément propice aux envies de multiples visionnages.
En tout cas, même si imparfait, Memoir of a Murderer reste une découverte à saisir absolument, car c'est original et assez fou-fou pour faire la différence avec une grosse partie de ce qu'on peut voir habituellement. Et ce n’est pas rien. Texte et avis de Richard B. : 7/10