Critique Meduris [2016]

Avis critique rédigé par Gaetan G. le jeudi 20 septembre 2018 à 09h00

Régime sans celte

Haba, fondé en 1938, est sans doute l’un des plus vieux fabriquant de matériel ludique encore en activité. Niveau jeu de société, la compagnie propose des titres à l’identité très affirmée (les fameuses boîtes jaunes reconnaissables à 100 mètres) avant tout destinées aux plus jeunes.

Le genre de truc qui laisse quand même une image un peu vieillotte au bout d’une trentaine d’années, bizarrement. Fin 2016, Haba a donc décidé de réagir et de lancer une nouvelle gamme intitulée « spécial soirée jeu ». Et ceci est une révolution… Exit les boîtes jaunes. Exit les illustrations au crayon de couleur. Et surtout exit le jeu 3+, puisque l’éditeur cible maintenant un public adolescent / jeune adulte.

L’intention est louable, mais le souci c’est qu’aujourd’hui la concurrence n’est plus tout-à-fait la même. Ce qui a, au passage, augmenté mécaniquement les attentes des joueurs. Après un Karuba plutôt apprécié par notre testeur, et un Roi et Compagnie dont le ressenti fût beaucoup plus mitigé, voici maintenant Meduris, troisième jeu de la gamme à passer sous nos fourches caudines.

En tout cas, l’éditeur y croit à mort puisqu’il indique carrément sur la boîte « potentiel addictif : 5/5 ». Alors, est-on en face de l’équivalent ludique du pot de Nutella, ou l’éditeur aurait-t’il légèrement survendu le truc ? Ça tombe bien, c’est ici qu’on en parle.

Un refresh graphique qui sent déjà la naphtaline

La boîte contient un matériel assez simple, pour le coup :

  1. Un plateau de jeu ;
  2. Du matériel pour 2 à 4 joueurs (1 marqueur, 1 paravent, 8 huttes, 2 temples et 2 Meeples par personne) ;
  3. 1 dé à 6 faces dédié à la collecte de ressources ;
  4. Moultes tokens en cartons représentant les 4 ressources du jeu (bois, laine, cuivre et pierre) ;
  5. Quelques tuiles additionnelles (9 runes dédiées au scoring de fin de partie et 6 bonus) ;
  6. Et surtout une figurine en bois représentant le Druide.

Les illustrations du manuel sont superbes. Le plateau central, en revanche, est un peu moins réussi. Les vieux routards reconnaîtront immédiatement la patte de l’illustrateur, tant les similitudes visuelles entre Meduris et Small World sont fortes. Sauf qu’ici le résultat est plus grossier, moins fignolé et de fait un cran en dessous. Après, l’ensemble reste tout de même très correct : le jeu dispose d’une identité graphique cohérente qui va bien avec son thème, et c’est bien là le principal :

Par contre, c’est en manipulant tout ce petit monde que l’on se rend compte du chemin accompli – en bien ou en mal, c’est difficile de le dire – par les jeux de société ces 5 ou 6 dernières années. Les pions en bois sont en train de devenir une espèce en voie de disparition. Ils ont été massivement remplacés par des figurines en plastique, beaucoup plus fines et détaillées et surtout plébiscitées par les grands adulescents que nous sommes.

Clairement, Meduris a fait le choix inverse et ne souhaite pas tout miser sur son physique. Le jeu continue à proposer d’énormes pions en bois verni, bien massifs et aux couleurs pétantes. Le tout a un petit côté retro, pas désagréable pour le coup et collant parfaitement à l’esprit de la marque. Autre avantage : la boîte pourra passer de mains en mains, être joué dehors ou dedans sans que vos charmantes têtes blondes n’y fassent spécialement attention. Vous pouvez être sûr que l’ensemble ne bougera pas (sauf peut-être les temples réalisés à l'aide de 2 bouts de carton).

Gros point noir par contre : la règle est de mon point de vue particulièrement imbittable. A la base, les auteurs ont voulu faire une sorte de chemin que l’on parcourt en découvrant les subtilités du jeu les unes après les autres (un peu comme dans Jamaica). L’intention est louable mais ça ne fonctionne pas, vu que le déroulement d’un tour n’est pas linéaire. Il y a des flèches qui partent dans tous les sens, et le résultat ressemble plus à un grafcet tout droit sorti d’un cours de techno qu’à un divertissement. L’ensemble laisse une impression de complexité, qui ne va pas du tout avec le public ciblé.

Le but du jeu : farmer des ressources avant de se faire racketter

Et c’est d’autant plus dommage que Meduris est vraiment simple, une fois que l’on a compris comment il marche. L’objectif d’une partie n’est pas franchement original puisqu’il s’agit d’une simple course aux PV. Pour les gagner, il va falloir construire des huttes et des temples. Et pour construire, il faudra avoir en stock les composants Kivonbien™. Une partie se résumera donc à une succession de phases de collecte (beaucoup) et de construction (un peu).

Regardons d’un peu plus près comment se passe un tour de jeu. Le joueur actif commence par jeter un dé à 6 face qui va indiquer une ressource. Chaque joueur qui a un Meeple sur la mine correspondante va en récupérer entre 1 et 3.

Ensuite, le joueur a deux possibilités. Il peut au choix :

  • Déplacer un de ses deux personnages et réaliser du même coup une seconde récolte ;
  • Construire un bâtiment.

Le déplacement d’ouvrier nécessite un peu de stratégie. En effet, celui-ci va être empilé au-dessus des camarades déjà présents sur le nouvel emplacement (en respectant une limite de 3 Meeples max par exploitation). L’ordre a son importance, puisque plus on est haut plus on récupère de ressources lors d’une récolte, et puis surtout parce que l’on se sert avant les autres. Comme la quantité de ressources est très limitée, il arrive que l’ouvrier du bas reparte sans rien.

De base, la construction d’une hutte nécessite de payer les deux ressources indiquées sur l’emplacement choisi. Mais le coût est majoré si vous construisez à côté de bâtiments existants : x2 si vous êtes adjacent à 1 bâtiment, x3 si vous êtes adjacents à deux bâtiments collés et ainsi de suite. Dans le jeu, cet assemblage de huttes s’appelle une colonie.

Vous avez sans doute remarqué que le jeu se déroule autour d’une piste circulaire. A chaque fois qu’un joueur construit un bâtiment, il fait avancer la figurine du Druide jusqu’au premier emplacement non-vide de la piste. Bon, clairement, le jeu dit que c’est un Druide mais cela pourrait être tout aussi bien un membre de la Mafia ou un agent de l’URSSAF vu sa propension à racketter les joueurs. En effet, à chaque fois que ce charmant individu va s’arrêter sur une hutte, son propriétaire sera « fortement incité » à donner tout ou partie des ressources indiquées sur la case. Si le joueur ne donne pas de ressource, il perd un point de victoire. S’il donne 1 ressource, il gagne 1 point. Et s’il donne les 2, il marque autant de points que le nombre de huttes dans la colonie. Et il est gourmand, le bonhomme… Car si la hutte fait partie d’une colonie, justement, le Druide ratissera successivement et dans la même action toutes les habitations qui la composent.

Il y a encore deux autres moyens de scorer, et je crois qu’on aura fait le tour. Tout d’abord, il est possible de construire un temple. Le coût de ce type de bâtiment est fixe, à la différence des huttes. Ils permettront de marquer 1 point par maisonnette adjacente en fin de partie.

Et il y a enfin les tuiles runiques. La piste circulaire est divisée en 9 zones, et celui qui a le plus de bâtiment sur chaque portion garde la tuile runique correspondante. A chaque fois que le Druide fait un tour de piste complet, chaque joueur marque des points en fonction du nombre de tuiles en sa possession. Et voilà, c’est fini, vous savez un peu près tout.

Pas mauvais mais pas franchement palpitant non plus

Sur le papier, le mécanisme a l’air suffisamment bien fichu pour apporter de la variété et de la stratégie aux parties. En pratique, c’est beaucoup moins convaincant.

Le mécanisme d’offrande au Druide, tout d’abord, est la principale source de points de victoire. Le problème, c’est que les ressources sont consommées de plus en plus vite au fur-et-à mesure de l’avancement de la partie.

Imaginons par exemple que vous avez votre propre petite colonie bien à vous, avec 4 jolies maisonnettes dessus. Déjà, ça vous a demandé de l’investissement puisqu’il vous a fallu 30 ressources pour construire tout ça. Et si le Druide passe vous faire une visite amicale, c’est 8 de plus qu’il vous faudrait débourser. Vous imaginez le nombre de récoltes que cela représente ? Bon courage au passage pour les poissards au dé, qui n’auront tout simplement aucune chance… A 4 joueurs, le nombre de colonies va rapidement accélérer le rythme, et les derniers tours ressembleront à un pillage permanent. L’end-game se résumera donc à une course effrénée aux ressources. On a déjà connu plus fun.

Le jeu souffre également d’un niveau d’interaction trop faible entre les joueurs. L’interaction va se limiter, principalement, à regarder quelle ressource est proche de la pénurie pour se jeter sur les derniers tokens disponibles. Ou éventuellement à identifier où poser son temple pour qu’il se retrouve tout pile entre deux grosses colonies. Là encore, c’est un peu chiche et à dix mille lieues des subtilités offertes par un Kingdomino, qui se destine pourtant à la même tranche d’âge.

Le plateau aurait également gagné à être recto-verso, de manière à disposer d’une version deux joueurs plus resserrée et capable de maintenir une certaine tension. En l’état, une partie en couple est interminable, avec un rythme proche d’un épisode de Derrick.

Pour ne rien gâcher, les 6 bonus disponibles sont déséquilibrés. C’est peut-être un détail pour vous, mais en jeu ça veut dire beaucoup. Ça veut dire que les 2 premiers à les récupérer seront nettement avantagés par rapport à leurs petits copains, et ça c’est mal…

C’est dommage, car le jeu dispose en même temps d’indéniables qualités. Le thème est par exemple très original, et parfaitement intégré aux mécaniques. Le cycle des tours renvoie au cycle des saisons et au temps qui passe. Le jeu met en musique une belle leçon de vie : pour gagner il faut savoir se réunir, même si cela demande plus de sacrifices que d’être seul. Bref, le jeu a un côté poétique très agréable pour ceux qui y seront sensibles.

Le rythme des parties à 4 joueurs est plutôt sympathique, également. Comme la mécanique est plutôt simple, les tours ne durent pas 10 minutes et s’enchaînent avec fluidité.

Cependant, cela n’empêche pas le jeu de tourner rapidement en rond, au sens propre comme au sens figuré.  Meduris est un jeu moyen, tout simplement. Il n’est pas bon, sans être mauvais pour autant. Il n’est pas très stratégique, tout en offrant quand même quelques subtilités qui méritent d’être relevées. Du coup, la boîte serait plutôt l'équivalent du régime sans sel, sans sucre et sans gras que du Nutella…

La conclusion de à propos du Jeu de société : Meduris [2016]

Auteur Gaetan G.
50

Meduris est une nouvelle déception de la collection « spécial soirée jeu ». Dommage, car la boîte profite d’un ravalement de façade plutôt sympathique, quoique déjà un peu daté par rapport aux nouveaux standards du marché. Elle profite également d’un joli thème, plutôt original et très bien intégré aux mécaniques.

Hélas, le système de jeu qu’il y a derrière est plutôt limité (une course aux ressources pour gagner une course aux points), rapidement répétitif et encore plus rapidement oublié… Le jeu n’est pas mauvais, mais hélas il n’est pas bon non plus. Difficile de le conseiller en l’état, alors que nos boutiques favorites rengorgent de petites pépites qui n’attendent que d’être testées.

Les joueurs d’une dizaine d’année n’ayant jamais posé leurs paluches sur un jeu de société peuvent se laisser tenter, mais l’absence de profondeur stratégique et de réelle construction de jeu empêchera des adultes un peu plus habitués de s’amuser vraiment à la table.

On a aimé

  • Un thème bien incorporé aux mécaniques
  • Des parties fluides à 4 joueurs
  • Visuellement plutôt joli, sans être transcendant non plus

On a moins bien aimé

  • Vraiment pas intéressant à 2...
  • Manuel inutilement compliqué
  • Gameplay plutôt répétitif, vite joué et vite oublié

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