Critique Kemet [2012]

Avis critique rédigé par Amaury L. le samedi 14 septembre 2013 à 08h26

Une Égypte qui met à genoux...

Le Sphinx se redresse doucement sur ses pattes musclées et hume l'odeur saline du désert. « L'homme est là, prêt à mourir sous mes griffes », pense-t-il. De l'autre côté d'une gigantesque dune, une armée de plusieurs milliers de plastrons rutilants s'approche sans crainte, sûre que les Dieux lui seront favorables. Elle ne craint rien, ni la mort, ni le sang...

Un matériel pharaonique...

L'éditeur du Matagot propose une collection XL de toute beauté. Après un Cyclades au matériel admirable, Kemet impose un respect légitime auprès de ce professionnel du jeu. On déplie un magnifique plateau recto/verso représentant le royaume de l’Égypte Antique. Ensuite, c'est une succession de belles surprises avec soixante figurines Soldat en cinq couleurs et sept créatures mythologiques (Phénix, Scarabée royal, scorpion géant, éléphant ancestral, sphinx, momie, guivre du désert). Chaque élément a reçu un traitement de faveur, comme les quinze gros dés à quatre faces symbolisant les pyramides, ou les divers jetons utiles pour le déroulement du jeu. On se félicite de cette qualité irréprochable qui alimente fortement l'envie de pratiquer Kemet.

Des règles, pas des hiéroglyphes.

Dans Kemet, le but du jeu est d'atteindre huit (partie courte) ou dix points de victoire (partie longue) à la fin de la phase Jour.

Selon le nombre de joueurs, on utilise le plateau de jeu entier (4 ou 5 joueurs) ou seulement le côté gauche (2 ou 3 joueurs). Chaque joueur commence dans une cité avec cinq armées. Lors de son tour, le joueur effectue une action en plaçant un jeton Action sur une case vide de son plateau individuel (une pyramide composée de trois niveaux).

Il y a deux phases dans un round de Kemet, la phase Nuit (distribution de deux points de prière et des cartes Intervention divine, effets des pouvoirs de nuit et détermination de l'ordre du tour) et la phase Jour (utilisation des jetons Action, Attribution des points de victoire et de prière).

Le plateau individuel.

Les actions possibles sont de prier (gain de deux ankh, la monnaie du jeu), faire évoluer une de ses trois pyramides (rouge, blanche, bleue) de sa cité (facilite les achats de tuiles Pouvoir), acheter une tuile Pouvoir (pour acquérir un pouvoir, il faut une pyramide suffisamment élevée de la couleur du pouvoir et payer le prix indiqué), recruter des troupes, se déplacer et éventuellement combattre.

Si deux troupes ennemies se positionnent sur la même case, on engage un combat. Chaque joueur dispose de cartes Combat (les mêmes pour tous les participants), des unités engagées et des bonus procurés par les cartes Intervention divine afin de définir sa force d'attaque. Si l'attaquant l'emporte, il gagne un point de victoire définitif. On gagne des points de victoire temporaires en construisant une pyramide de niveau 4, en occupant des cases Temple. On acquiert des points de victoire définitif en attaquant et en remportant des combats, en acquérant une tuile Pouvoir spécifique, en contrôlant le Sphinx, en sacrifiant deux unités dans le Sanctuaire des Dieux, en étant présent dans deux temples.

Le grand plateau de jeu (côté 3 ou 5 joueurs).

Une Égypte abordable.

Kemet, malgré des apparences de gros jeu, reste accessible de part des règles bien présentées et expliquées. On ne tombe pas dans un cheminement labyrinthique de complexité rebutante. Les éditions du Matagot et les auteurs ont œuvré avec discernement et intelligence afin d'offrir un magnifique matériel et des mécanismes élégants. La lecture des règles rassure immédiatement, on comprend tout et on se retrouve avec un jeu proche de classiques comme Puerto Rico, Goa ou Catane en terme de difficulté. De plus, avec l'expérience accumulée, on dépasse rarement les 90 minutes. Kemet est un jeu pour le plus grand nombre qui se laisse aisément domestiquer si l'activité ludique ne demeure pas une étrangeté incongrue.

Avec ses intonations clairement belliqueuses, Kemet ne trompe pas le chaland, le combat concentre beaucoup des réflexions que se posent les participants. En effet, avec une armée bien équipée, accompagnée de quelques tuiles Pouvoir adaptées et/ou de créatures souvent dévastatrices sur le champ de bataille, les points de victoire s'accumulent aisément et l'affrontement (uniquement si on attaque) semble une source généreuse. Comme chacun tente d'optimiser ses forces afin de figurer honorablement dans les multiples escarmouches, la subtilité intervient avec des stratégies moins « bourrines », davantage axées sur le développement de combinaisons intéressantes (gain de ankh supplémentaire, recrutement facilité...) qui autorisent de contrer les amateurs acharnés de la confrontation directe. Une astuce (les cartes Combat) permet de perdre un combat en infligeant un maximum de pertes à l'adversaire, ce qui fragilise les positions tenues par les rivaux. Il est impossible de bloquer une case existentielle et/ou rémunératrice. L'usure des troupes est permanente, il faut systématiquement veiller à son renouvellement et aussi surveiller ses arrières. Parfois, on oublie que rien n'est acquis, que tout est éphémère. Un adversaire malicieux lance une offensive sur des points hautement stratégiques (une pyramide de niveau maximal par exemple) et ainsi prive momentanément son propriétaire de toutes ses capacités. Surtout, l'intégralité des avantages (acquisition de tuiles Pouvoir, point de victoire temporaire) revient à l'agresseur.

Une tuile bleue Pouvoir.

Ces points de victoire temporaires donnent une rythmique novatrice car ils incitent réellement les participants à l'initiative, à ne pas se contenter d'attendre que les autres s'affaiblissent ou exécutent le boulot. Si on entreprend rien, on engrange autant. Kemet instaure une dynamique où l'attente est rejetée dans les limbes de l'oubli. On court après la tuile Pouvoir idoine pour « poutrer » ou contrer ses concurrents directs. On échafaude des attaques surprises sur des positions rémunératrices en point, on se sacrifie volontairement dans le Sanctuaire des Dieux (un point de victoire pour deux unités données en offrande). Chaque parcelle du plateau de Kemet oblige à peaufiner ses actions. On anticipe les rounds suivants, on se triture les méninges en espérant solutionner les éventuels inquiétudes et/ou les envies d'en découdre victorieusement.

Les 6 cartes Combat (les mêmes pour tous les joueurs).

Après quelques parties, le sentiment «  de se sentir perdu » parmi toutes ces tuiles Pouvoir et ces cartes Intervention divine différentes s'efface complètement. On s'imprègne davantage de l'énorme potentiel envisageable de combinaisons, on libère sa fibre artistique en fomentant des alliances amusantes (entre les tuiles Pouvoir et/ou les cartes Intervention divine) et on apprend aussi à s'adapter selon les choix de ses adversaires. Le tour de jeu se fluidifie encore et le plaisir gagne en intensité. Et comme le matériel est franchement à la hauteur, on aurait tort de se priver ce cet excellent jeu de baston qui tourne comme une horloge.

Les cartes Intervention divine.

La conclusion de à propos du Jeu de société : Kemet [2012]

Auteur Amaury L.
80

Kemet présente une image de « gros jeu compliqué » qui n'est pas réellement justifiée. Les règles s'apprennent vite, surtout avec une expérience dans le domaine ludique, et les parties se déroulent avec fluidité. Privilégiant les combats, Kemet se veut dynamique et proscrit l'attentisme. Les retournements de situation, les positions qui ne cessent de changer, donnent un souffle épique adéquat aux mécanismes finement ciselés et développés par les auteurs et l'éditeur. Le matériel magnifique conforte le travail professionnel mené sur ce projet attirant. Un coup à devenir kémitiste !

On a aimé

  • Jeu de baston dynamique.
  • Jeu de développement aussi.
  • Plein de combinaisons.
  • Matériel magnifique.
  • Parties assez courtes (90 minutes).
  • Pas aussi complexe que supposé.
  • Le système de combat

On a moins bien aimé

  • La digestion des tuiles Pouvoir.
  • Les parties en 10 points (trop longues).

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