Critique Les loups de Prague [2011]

Avis critique rédigé par Nicolas W. le lundi 21 février 2011 à 23h15

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"Puisque j'ai suivi Miro, je dois accepter de devenir un acteur, de participer moi-même à ces cambriolages. Et pourtant, j'y vois la prolongation de mon métier de journaliste : scruter l'intimité des gens, dans sa crudité et sa cruauté. Ma profession n'est qu'un autre forme de vol, par les images."

Second roman du français Olivier Paquet après Structura Maxima, Les loups de Prague entre dans une certaine politique éditoriale de l'Atalante de publier nombre d'auteurs francophones. Après Cygnis et avant Narcogenèse, voici un nouveau récit de science-fiction qui ne manque pas d'attrait. L'action prend place dans la ville de Prague dans un futur plus ou moins proche. L'effondrement des Etats tels que nous les connaissons a bel et bien eu lieu et les villes sont devenues de véritables petites nations à elles seules. Dans le même temps, l'activité criminelle s'est organisée autour d'un système de clans réunis sous l'égide de la Guilde. Bien décidés à réinstaller un semblant d'autorité dans la métropole, le commandeur Blaha et le général Seidl ont organisé un putsch militaire pour renverser la Guilde. Huit ans après, la paix règne sur Prague. Le crime ne semble plus exister, pas plus que la Guilde elle-même. Dans ce climat étrange, le journaliste Vaclav intègre une unité révolutionnaire surnommée le VIRUS. Alors que lui et ses compagnons s'apprêtent à attaquer un bâtiment névralgique du pouvoir, il ne se doute pas qu'il va faire la rencontre du knize en personne, Miroslav Vlk. Au côté du puissant maître des Loups, il va infiltrer la Guilde et découvrir le secret de l'Armée pour endiguer la criminalité : le projet Gaïa.

Première originalité du roman d'Olivier Paquet : Prague. En prenant la ville tchèque comme cadre pour son histoire, il donne une touche "d'exotisme" à son récit, un cachet d'Europe de l'Est tout à fait rafraîchissant. Mieux, il place la ville elle-même comme un des personnages principaux du roman, si ce n'est le principal. En faisant du projet Gaïa une sorte de système immunitaire à l'échelle urbaine, l'écrivain donne à Prague une véritable vie où les rues sont autant d'artères et les citoyens autant de cellules. On se retrouve finalement avec une cité qui se défend elle-même et possède une véritable identité. Cet état de fait a de multiples répercussions. D'abord, le rôle de sentinelle de la police, désormais désarmée. Ensuite, l'endiguement de la criminalité qui explique la faiblesse de la Guilde. Enfin, ce système permet à Olivier Paquet d'installer un véritable bestiaire à base de cellules immunitaires métalliques qui régulent l'homéostasie de la Ville. Pourtant, et c'est tout le danger d'une telle entreprise, perdre son lectorat en cours de route en installant un jargon forcément difficile à suivre. De plus, l'auteur peine à expliquer l'installation de ce fantastique système. On se retrouve trop souvent dans un registre magique plutôt que science-fictif tant il semble parfois inconcevable de voir arriver une armée de plaquettes pour "coaguler" une  brèche dans la chaussée. D'autant plus que les habitants sont censés ne se rendre compte de rien. Etrange tout de même... Si l'idée de départ est bonne et que de nombreuses scènes du récit s'avèrent de grandes réussites, ce n'est finalement pas la meilleure trouvaille de l'écrivain.

Il faut chercher celle-ci du côté de la Guilde. Divisé en clans, celle-ci règne sans partage sur les différents commerces illégaux. Chaque groupe est affilié à un animal plus ou moins caractéristique de ce que les membres accomplissent dans l'ombre. Vous l'aurez compris par son titre, nous suivons principalement le clan des Loups. Ceux-ci font office de voleurs quand le clan des Serpents assassine et le clan des Requins régule les finances et monopolise la corruption. De plus, les membres de ces entités miment les animaux qu'ils sont sensés être. L'instinct bestial des loups marque ainsi tout le fil du récit, avec leurs propres coutumes qui les apparentent plus à une meute qu'à une organisation humaine. On retrouve la même démarche pour les autres partis. En choisissant cette voie, Paquet décrit une fabuleuse société criminelle où l'homme redevient et assume son statut de bête. A plus d'un titre, le fonctionnement du clan des Loups s'avère fascinant. Léger bémol, le retrait des autres clans. Même si les Loups occupent le devant de la scène, on aimerait en savoir plus sur les Requins, les Aigles ou encore les Rats. Seuls les Serpents bénéficient d'une attention particulière qui en fait également une excellente trouvaille. C'est ce schéma qui permet d'ailleurs à certains personnages de captiver.

Si Vaclav fait cliché dans son rôle de journaliste versatile et que les péripéties de l'inspecteur n'arrivent jamais à captiver le lecteur, c'est bien le knize et chef des Loups qui fascine. Protagoniste aux motivations floues et qui oscille toujours entre différents niveaux de gris, il possède un charisme indéniable. De même, Ysengrin ou Plume bénéficient d'un traitement particulièrement soigné qui fait d'eux d'excellents acteurs dans cette tragédie urbaine. Autre bon point, le chef des Serpents, Ludvik Had' dont le côté mystérieux et insaisissable l'impose comme une figure emblématique de la Guilde et du récit. Ce qui fait la réussite de cette galerie de clans, c'est aussi la technologie dont ils disposent qui constitue l'attrait des criminels. On citera l'impressionnante neuro-armure des Loups et leurs implants hormonaux, ou encore les armes d'empoisonnement des Serpents.

Il reste pourtant un point en demi-teinte dans ces loups de Prague. Malgré un récit qui passionne avec une intrigue rondement menée qui entrecoupe les aventures de Vaclav et Miro avec les flash-backs du putsch militaire, le style peine à convaincre. Celui-ci semble trop froid, trop clinique. A cause de cela, on reste trop souvent indifférent à la destinée des personnages et à leurs sentiments, notamment lors des passages entre Hanna et le Vlk. La seule exception notable se trouve dans le chapitre où le couple alpha du clan des Loups se souvient de ce qui les lie. Pendant ce moment d'intimité entre Plume et Miroslav, on sent toute la nostalgie et la douleur de ces enfants condamnés à réprimer leur humanité pour devenir des bêtes. Si Olivier Paquet pouvait insuffler cette sensibilité et cette poésie dans tout son roman, nul doute que l'on tiendrait quelque chose de très grand. En l'état, le récit constitue un divertissement de qualité avec quelques réflexions pertinentes sur le rôle ambigu des journalistes ou la nécessité de la révolution.

"Perle et Wolfen rejoignirent les autres lieutenants dans la salle d'écoute du QG. La plupart portaient leurs armures de combat. Perle enfila son blouson par-dessus la masse métallique qui recouvrait son dos et enficha les connecteurs dans sa nuque. Wolfen portait en bandoulière son énorme lance-flèche et gardait la main sur la poignée de sa ceinture."

Remerciement à Amandine V. pour la relecture.

La conclusion de à propos du Roman : Les loups de Prague [2011]

Auteur Nicolas W.
75

Les loups de Prague ne constitue donc pas une réussite totale. Un style froid, quelques personnages manquant d'épaisseur et un système immunitaire qui manque de crédibilité pourraient nous faire hâtivement classer ce roman comme une déception. Heureusement, la présence de la Guilde et de ses clans avec sa galerie de personnages tous plus charismatiques les uns que les autres - sans oublier sa technologie fascinante - redresse le tableau final. En y ajoutant une intrigue réussie et un cadre dépaysant, on obtient un roman divertissant et agréable. Olivier Paquet reste un auteur à suivre.

On a aimé

  • L'atmosphère de l'Est
  • Le système de Clan
  • Miroslav et les Loups
  • Le Had'
  • Un récit divertissant
  • Le moment entre Miro et Plume

On a moins bien aimé

  • Un style trop froid
  • Vaclav et Nikolaj
  • Le concept immunitaire bancal
  •  

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