Critique Planète Interdite [1956]

Avis critique rédigé par Nicolas L. le jeudi 20 mars 2008 à 14h36

Planète freudienne

Avec son scénario librement adapté de La Tempête de William Shakespeare, Planète Interdite raconte l'histoire des membres d'équipage d'une expédition de secours qui se rend sur la lointaine Altaïr 4 à la recherche des survivants du Bellérophon, un vaisseau spatial colonisateur. Arrivés sur place, ils vont alors se rendre compte que seuls un scientifique et sa fille ont survécu, les autres ayant été tués par une mystérieuse force invincible.


Planète Interdite est le premier film de science-fiction à avoir bénéficié à la fois du Cinémascope et de l’Eastmancolor (une version améliorée du Technicolor et développée par Kodak), ce qui lui donne une stupéfiante impression de réalisme si on le compare à ses contemporains. Doté d'un budget confortable, le réalisateur Fred Wilcox a également pu s'entourer d'une pléiade de techniciens et de décorateurs de talent pour donner vie à cette étrange planète grâce à de fabuleux matte painting, que cela soient les superbes paysages avec le célèbre ciel à deux soleils ou la colossale ville souterraine des Krells. Un mariage d’effets spéciaux et de décors studios, appuyé par une musique électronique surprenante des époux Barron (encore une innovation !), qui donne au métrage une exceptionnelle ambiance poétique et fantasmagorique, pleine d'étrangeté et de mystères inhumains.
Le scénario est également l'une des forces du film, ce qui est assez rare dans les films de SF des années 50. Très en avance sur son temps, le script abandonne la métaphore maccarthiste un peu vulgaire pour prendre la voie nettement plus originale de la métaphysique, de la psychanalyse et de la philosophie, ce qui offre au métrage plusieurs niveaux de lecture. Le questionnement "la technologie peut-être prendre la mesure de l'esprit d'une telle manière qu'elle puisse se fondre avec le subconscient?" est avant-gardiste au possible et la réponse, dans Planète Interdite, est à la fois positive et pessimiste. Pessimiste car la perfectibilité par la machine ne peut être que préjudiciable à l’avenir de l’homme, cette créature imparfaite avec une cruelle propension à céder à ses pulsions liées au paradigme de son espèce. Dans le film de Wilcox, aux aspects freudiens très affirmés, la pulsion primale mise en exergue par la situation est celle de défense de son territoire, générée ici par l'amour d'un père pour sa fille. Un amour pour Altaïra (le Ça inconscient) qui devient une rage meurtrière lorsque le docteur Morbius voit son Moi piégé par le sommeil.

Responsable de la disparition des Krells, et de la quasi-totalité des membres d'équipage du Bellérophon, la matérialisation de ces pulsions qui s'attaque désormais aux hommes du commandant John Adams prend la forme d'une créature énergétique invisible mais palpable. On devine sa puissance par les effets de sa masse, qui déforme les marches d’escalier en métal et détruit tout sur son passage. Puis, sa vision par le biais de laser de protection entourant le camp de base de la soucoupe terrienne est l'un des grands moments de l'histoire de la SF; un monstre haineux, crachant sa haine électrique et hurlant de rage! Je me souviens très bien que, tout enfant, sa vue m'avait terrifié. Une apparition lentement préparée qui, contrairement à ce qui se passe dans bon nombre de films aux effets spéciaux datés, ne déçoit pas lorsqu’elle se produit.
Au milieu de personnages aux profils psychologiques un peu stéréotypés, il est certains que le docteur Morbius est l’individu le plus intéressant… Mais il y a aussi Robby le robot ! Un sympathique second rôle de fer blanc qui a charmé - et charme encore - des générations de gamins et qui est devenu un icône de la culture SF américaine. Le robot (respectueux des trois lois de la robotique d’Isaac Asimov) amène à la fois la seule dose d'humour du métrage (il peut arriver à vous fabriquer n’importe quoi si vous lui fournissez la matière première) et apparait bizarrement comme l'un des personnages les plus humains et les plus dignes de confiance, ce qui est quand même assez stupéfiant.
Bon, bien entendu, le film n’est pas dénué de défauts. On ne s’attardera pas sur certains aspects un peu cheap des tenues des astronautes et de leurs appareillages, qui sont essentiellement dus à la période de tournage, et qui finalement dégagent un charme désuet plutôt amusant. Non, le coté le plus niais du film se situe certainement dans la bluette un brin gnian-gnian qui s’établit ente le commandant Adams et la jolie Altaïra. Une idylle indispensable pour le déclenchement des évènements mais qui est abordée d’une manière assez naïve et puérile, dans le pur style drama des années 50.

La conclusion de à propos du Film : Planète Interdite [1956]

Auteur Nicolas L.
90

Planète Interdite peut être considéré - de la même manière que Métropolis ou 2001, Odyssée de l’espace - comme l’une des pierres angulaires du cinéma de science-fiction. En effet, le film de Fred Wilcox est remarquable, aussi par les intéressants niveaux de lecture de son scénario que pour ses innovations dans le domaine technique et cinématographique. Si le film fut révolutionnaire en son temps (le cinéma de SF en tira de nombreuses leçons) il a certes un peu vieilli aujourd’hui, mais il reste assurément un spectacle familial divertissant pour tout fan de SF qui se respecte se doit d’avoir vu.

On a aimé

  • Un scénario intéressant
  • Des effets spéciaux et sonores avant-gardistes
  • Une ambiance à la fois poétique et fantasmagorique
  • Des décors magnifiques

On a moins bien aimé

  • Une idylle un peu niaise

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