Critique L'Echelle de Darwin #1 [2001]

"Au-dessus des montagnes gris et noir, le ciel plat de l'après-midi se déployait à la façon d'un décor peint, de la couleur de l'oeil pâle et fou d'un chien..."
C'est au coeur des Alpes que Mitch Rafelson, accompagné par une chasseuse de reliques, fait l'une des plus grandes découvertes de la préhistoire: un couple de néanderthaliens et leur enfant extraordinairement conservés. L'élément troublant est que ce dernier a des traits particulièrement ressemblants à l'homo habilis, et même à l'homme moderne. Pendant ce temps, Kaye Lang, l'une des plus brillantes généticiennes du monde, tombe sur un gène codant qui risque de changer notre façon de penser l'évolution. Ailleurs, les femmes du monde entier sont frappées par une maladie étrange: elles tombent spontanément enceintes, ce qui déclenche une peur qui risque d'ébranler l'humanité...
On savait Greg Bear intéressé par la biologie, la virologie et l'immunologie. Depuis la musique du sang en 1985, il a prouvé que ce pan de la science le passionnait autant que les civilisations hors la Terre (Eon, l'envol de Mars). Mais cet auteur américain a surtout la particularité de se servir de la science fiction comme toile de fond pour écrire des thrillers (à lire: en quête d'éternité et son roman à venir city at the end of time en juillet 2008). L'échelle de Darwin et sa suite, les enfants de Darwin s'inscrivent totalement dans le cadre de la science pointue de la virologie, le tout sous forme d'eco thriller.
Est-ce que Darwin se retournerait dans sa tombe s'il tombait sur ce texte ? Pas forcément. Si depuis longtemps on soupçonne l'évolution se déroulant sur des périodes extrêmement longues (des centaines de milliers ou plus souvent, des millions d'années), le résultat étant que le petit mammifère - celui qui détalait entre les pattes de énormes dinosaures- a su évoluer en homme moderne, on a très peu d'indices quant au mécanisme qui a produit les transformations nécessaires au développement du cerveau, par exemple. C'est bel et bien dans l'étude des gènes, et particulièrement des gènes dormants, sans fonction dans notre organisme aujourd'hui, que doit se trouver la réponse. Pourquoi notre corps contient autant de gènes non codant ? A quoi servent-ils ? A quoi ont-ils servi et surtout à quoi vont-ils servir ? C'est sur cette dernière question que Greg Bear met le doigt, une question qui, après réflexion, est vertigineuse. Si on va plus loin dans la réflexion, cela veut dire que l'homme d'aujourd'hui est une machine capable d'évoluer d'une manière que l'on n'imagine même pas!
Comme toujours Greg Bear, au travers de ce roman, place ici et là des théories totalement conjecturelles, comme celle de l'évolution par bond, sur une période très courte, quasiment sur une génération, au lieu des millions d'années qu'on soupçonne. Et que penser de la communication de nos organismes sur une échelle planétaire, à l'insu de notre plein gré ? Je laisse cette question aux spécialistes.
A comparer avec le roman évolution de Stephen Baxter, écrit quelques années plus tard, Greg Bear s'attaque de manière plus pertinente au processus de l'évolution. De plus, il réussit à créer une intrigue autrement plus passionnante.